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Tribunal de l’inquisition, (Hist. ecclés.) voyez Inquisition & Office, saint.

Je me contenterai d’ajouter ici une foible description de la torture qu’on fait subir dans cet horrible tribunal, l’opprobre de la religion chrétienne & de l’humanité.

« Un bourreau deshabille le patient, lui lie les piés & les mains avec une corde, & le fait monter sur un petit siege pour pouvoir passer la corde à des boucles de fer qui sont attachées à la muraille. Après cela, on ôte le siege de dessous les piés du patient, de sorte qu’il demeure suspendu par la corde, que le bourreau serre toujours plus violemment, jusqu’à ce que le criminel ait confessé, ou qu’un chirurgien qui est présent, avertisse les juges qu’il est en danger de mourir. Ces cordes causent, comme on le peut aisément penser, une douleur infinie, lorsqu’elles viennent à entrer dans la chair, & qu’elles font enfler les mains & les piés, jusqu’à tirer du sang par les ongles. Comme le patient se trouve violemment serré contre la muraille, & qu’en serrant les cordes avec tant de force, on courroit risque de déchirer tous ses membres, on a soin auparavant de le ceindre avec quelques bandes par la poitrine, qu’on serre extrèmement. Dans le moment qu’il souffre le plus, on lui dit, pour l’épouvanter, que ce n’est que le commencement des souffrances, & qu’il doit tout avouer avant qu’on en vienne à l’extrémité. Outre les tourmens dont on vient de parler, le bourreau lâche sur les jambes du patient une petite échelle où il est monté, & dont les échelons aigus causent une douleur incroyable en tombant sur les os des jambes… ».

On frémit sans doute à cette seule description de la torture qu’on emploie dans ce tribunal, quoique cette description en françois soit fort imparfaite & fort adoucie ; le lecteur peut s’en convaincre en la lisant dans le latin de l’historien de l’inquisition, dans Limborch, hist. inquisit. lib. IV. cap. xxjx. pag. 323. (D. J.)

Tribunaux de Juifs, (Critiq. sacrés.) il y avoit chez les Juifs trois sortes de tribunaux, un de trois juges, un de vingt-trois, & un troisieme de soixante ; on voit leur institution au Deutér. xvj. 18. & xvij. 8. Le premier tribunal étoit établi dans toutes les bourgades, & on y plaidoit devant trois arbitres les procès où il s’agissoit d’argent & de choses mobiliaires ; le second se tenoit dans les villes, & jugeoit en premier ressort de quelques affaires criminelles ; enfin le troisieme supérieur aux deux autres, étoit le grand sanhédrin, qui ne se tenoit que dans Jérusalem. Voyez les détails concernant ces trois tribunaux au mot Sanhédrin. (D. J.)

Tribunaux de Rome, (Antiq. rom.) il y avoit à Rome trois sortes de tribunaux ; le premier étoit le tribunal des sénateurs ; le second celui des chevaliers ; & le troisieme étoit celui des tribuns de l’épargne : mais Cesar supprima le dernier. (D. J.)

TRIBUNE, s. f. (Architect.) on appelle ainsi les galeries élevées dans les églises, pour chanter la musique ou entendre l’office : on donne aussi ce nom au balcon qui est autour de la lanterne d’un dôme, comme à saint Pierre de Rome : chez les Italiens le mot tribune signifie le chevet d’une église.

Tribune en saillie, tribune qui avance, & qui est soutenue par des colonnes ou des figures, comme celle de la salle des Suisses à Paris, ou portée en encorbellement par des consoles & des trompes : il y a une tribune de cette derniere façon dans la grande salle de l’hôtel-de-ville de Lyon. Daviler. (D. J.)

Tribune aux harangues, (Antiq. rom.) la tribune aux harangues étoit une espece de tribune élevée dans le forum romanum, où se tenoient les comices,

tout devant la salle des assemblées du sénat, dite curia ; cette tribune fut décorée de becs de navires pris sur les Antiates, & fut nommée rostra ; c’étoit de dessus cette tribune que les rois & les consuls haranguoient le peuple. (D. J.)

TRIBUNITIENNE, puissance, (Antiq. rom. & Médailles.) magistrature perpétuelle dont les empereurs se revêtirent.

La puissance tribunitienne accordée à tous les empereurs, depuis Auguste, étoit différente du tribunat du peuple, en ce que le tribunat auquel on continua d’élever des particuliers étoit annuel, comme toutes les autres magistratures ordinaires, au-lieu que la puissance tribunitienne étoit perpétuelle. L’autorité des tribuns du peuple étoit renfermée dans l’enceinte de Rome ; la puissance tribunitienne des empereurs s’étendoit par-tout, & l’autorité qu’elle leur donnoit ne cessoit point lorsqu’ils étoient éloignés de la capitale de l’empire.

Le sénat ne prétendit jamais marquer sur les monnoies, que la puissance tribunitienne étoit une grace qu’il accordoit au prince, & que dans ce dessein il statuoit, que le nombre des tribunats seroit reglé d’année en année : si la chose étoit ainsi, ce nombre se trouveroit exprimé plus souvent & plus correctement sur les médailles qui portent la marque de l’autorité du sénat, c’est-à-dire sur les médailles de bronze, & sur celles d’or & d’argent. Il est cependant très-certain que les différentes puissances tribunitiennes se rencontrent également sur les trois métaux, tant avec S. C. que sans cette marque. Les bons princes n’ont pas été plus attentifs que les méchans, à donner au sénat cette prétendue démonstration de déférence ; car le nombre des puissances tribunitiennes n’est pas moins grand dans Tibere, dans Caligula, dans Néron, dans Domitien, dans Commode, & dans Elagabale, que dans Auguste, dans Vespasien, dans Nerva, dans Trajan, dans Antonin-Pie, & dans Marc-Aurele. (D. J.)

TRIBUT, s. m. (Gram. Jurisprud.) du latin tributum, signifie une imposition qu’un état paye au souverain d’un autre état, ou que les sujets payent à leur prince.

Chez les Romains on distinguoit plusieurs sortes de tributs, savoir jugatio, redevance fonciere qui se payoit pour des terres, selon la quantité ; pro numero jugerum annona quasi ab anno, quand elle se payoit en fruits de l’année ; census, redevance qui se payoit au fisc de l’empereur pour marque de la seigneurie universelle, on l’appelloit aussi tributum ; mais lorsqu’elle se payoit aux provinces qui étoient dans le partage du peuple, on l’appelloit stipendium. Dans la suite on confondit ces termes stipendium & tributum ; on appelloit canon, la redevance qui se payoit pour les terres du domaine ; vectigal, le droit que l’on payoit pour l’entrée ou sortie des marchandises.

Parmi nous on appelle tributs ce qui se leve sur les personnes, comme la capitation ; impôt ou imposition, ce qui se leve sur les denrées & marchandises : cependant on confond souvent les termes de tribut & d’impôt, & le terme d’imposition comprend toutes sortes de tributs & de droits.

Il n’appartient qu’au souverain de mettre des tributs & impôts sur ses sujets. Voyez le Bret, Traité de la souver. (A)

Tribut, (Gouverncment politique.) Voyez Taxe, Imposition, Impôt, Subside, &c.

C’est assez d’ajouter avec l’auteur de l’Esprit des lois, qu’il n’y a point d’état où l’on ait plus besoin de tributs que dans ceux qui dégénerent & qui s’affoiblissent, de-sorte qu’on y augmente les charges à proportion que le peuple peut moins les supporter. Dans les beaux jours de la république romaine on n’augmenta jamais les tributs ; dans la décadence de