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4°. une liqueur plus saline, trouble, de l’huile plus abondante, plus dense & noirâtre, de l’air ; 5°. le plus souvent de l’alkali volatil concret ; une huile qui devient de plus en plus dense & noire, de l’air ; 6°. il reste enfin un résidu charbonneux, qui étant brûlé ou calciné à l’air libre, donne par la lixiviation de l’alkali fixe & quelques sels neutres ; savoir du tartre vitriolé ou du sel marin, ou bien l’un & l’autre.

Tels sont les produits communs & à-peu-près universels d’un végétal traité par la distillation analytique : ce sont ceux qu’ont obtenus constamment les premiers chimistes de l’académie des Sciences, MM. Dodart, Bourdelin, Tournefort, Boulduc, &c. ceux qui sont exposés dans un livre très-connu ; la matiere médicale de Geoffroy, &c. Mais la doctrine chimique dominante sur les produits caractéristiques & respectifs de la distillation analytique des végétaux & des animaux, n’en est pas moins que l’acide est ce produit spécial & propre aux végétaux, & que l’alkali volatil est ce produit propre & spécial aux animaux ; sur quoi il est observé dans un mémoire sur l’analyse des végétaux, imprimé dans le second volume des mémoires présentés à l’acad. royale des Sciences, par divers savans, &c. qu’on a toujours lieu d’être étonné sans doute de voir des erreurs de fait qu’une seule expérience doit détruire, se répandre & subsister ; que l’établissement de l’opinion particuliere dont il s’agit ici, & qui est moderne, est d’autant plus singulier, que tous les chimistes qui ont fait une mention expresse des distillations analytiques des végétaux, ont dénommé très-expressément parmi les produits de ces distillations, les esprits & les sels alkalis volatils ; que la présence de l’acide mentionné par tous ces chimistes est presque toujours fort équivoque, tandis que celle de l’alkali volatil est toujours très-évidente ; qu’on distingue très-vainement par ce produit les plantes de la famille des cruciferes de Tournefort, dont l’alkali volatil spontané qui se dégage de quelques-unes au plus léger degré de feu, ne doit être ici compté pour rien, puisque ces plantes n’ont rien de particulier quant au produit alkali volatil de leurs distillations analytiques ; puisqu’au contraire on retire par cette distillation, de plusieurs plantes des autres classes plus d’alkali volatil, même concret, que des plantes cruciferes qui contiennent le plus d’alkali volatil spontané ; par exemple, de la laitue & de l’oseille plus que du cochlearia ; & enfin que ce n’est qu’à la distillation des bois, & principalement à celle des bois durs & résineux, que convient la doctrine que nous combattons ; car ces bois donnent en effet abondamment de l’acide, & fort peu d’alkali volatil : & il est presque hors de doute que c’est de leur analyse particuliere, qu’on a déduit par une conséquence prématurée, ce qu’on a avancé trop généralement sur la distillation des végétaux.

Il est observé dans le même écrit que cette ancienne maniere de procéder à la décomposition des végétaux, est imparfaite & vicieuse ; parce qu’une analyse réguliere doit attaquer par rang les différens ordres de combinaison qui concourent à la formation du corps examiné ; & que l’analyse par la violence du feu atteint tout-d’un-coup au contraire les derniers ordres de combinaison dont elle simplifie les principes trop brusquement ; car, est-il ajouté, c’est avoir une idée très-fausse de l’analyse chimique, que de prétendre qu’on doive pousser immédiatement celle d’un corps quelconque jusqu’aux produits exactement simples, comme sembloient l’exiger les physiciens, qui rejettoient la doctrine des Chimistes, parce que les produits de leurs analyses, qu’ils appelloient les principes chimiques, n’étoient pas des corps simples ; tandis qu’au contraire le vice réel de leurs opérations consistoit précisément en ce qu’elle simplifioit trop ces principes.

On conclut de ces observations qu’il faut absolument substituer à cette maniere de procéder, la méthode nouvelle de l’analyse menstruelle ou par combinaison, par le moyen de laquelle on retire des végétaux les principes immédiats & évidemment inaltérés de leur composition ; chacun desquels peut être successivement & distinctement soumis à une analyse ultérieure. Il est dit aussi dans ce mémoire que les Chimistes n’ont encore que des connoissances fort imparfaites sur l’analyse particuliere de chacune des substances qu’on retire des végétaux par l’application de diverses menstrues, & qui sont celles dont nous avons fait mention plus haut, sous le nom de seconde espece de substance végétale ; savoir le baume, l’extrait, la gomme, &c. & que ce n’est presque que sur la résine & les matieres analogues, savoir les baumes, les bitumes, &c. que les Chimistes ont des notions distinctes.

Les substances végétales artificielles, dont nous avons annoncé plus haut l’énumération, sont outre les produits de la distillation analytique ci-dessus détaillée, les produits spéciaux des trois fermentations proprement dites ; savoir l’esprit-de-vin, le tartre, la lie du vin, le vinaigre, l’alkali volatil, l’esprit fœtide putride, absolument indéterminé jusqu’à présent, & enfin la suie végétale.

On trouvera dans ce Dictionnaire des articles particuliers pour toutes les substances végétales de la seconde & de la troisieme espece ; pour l’extrait, la gomme, la résine, les principes odorans, sous le mot Odorant ; l’huile essentielle, & l’huile grasse, l’esprit-de-vin sous le mot Vin ; le vinaigre, le tartre, la suie, &c. & dans ces articles, la maniere d’obtenir, de préparer, d’extraire, ou de produire la substance particuliere qui en fait le sujet. Les procédés nécessaires à cet objet sont, par exemple, exposés avec beaucoup de détail à l’article Eau distillée, à l’article Huile, à l’article Extrait, &c. Celui-ci a été spécialement destiné à la substance végétale très-composée, ou proprement dite au Tissu végétal. (b)

Végétal, acide, (Chimie & Médec.) l’acide végétal est le quatrieme & dernier acide simple connu. C’est le plus volatil de tous ; c’est celui qui est le plus fréquemment en usage, puisqu’il entre dans une grande partie de nos mets. Voyez acides en général à l’article Sel. Une saveur astringente, une odeur assez agréable, le caractérisent assez pour que nous ne nous arrêtions pas davantage sur cet article.

On le retire par la distillation de quelques végétaux, comme la canne à sucre, du tartre (voyez Tartre), & des substances qui ont subi une fermentation acide, après avoir été successivement du moût & du vin. La différence des sels que donnent ces différentes substances doit bien nous convaincre que tous les corps sont composés des mêmes élémens, & que la différente combinaison, un peu plus ou un peu moins, en font toute la différence. C’est par les voies les plus simples que la nature opere tant de merveilles. Notre admiration augmentera lorsque nous considérerons que ce moût qui précédemment avoit été acide, n’a fait que revenir à son ancien état. Quoique, à dire le vrai, ce n’est que par conjecture que nous soupçonnons que le verjus est, à quelque différence près, le même acide que le vinaigre, encore que leurs saveurs ne se ressemblent pas exactement. M. Gellert va plus loin ; il prétend que tous les végétaux contiennent le même acide, ce qui nous paroît bien éloigné de la vérité, puisqu’avec l’acide vitriolique & un peu d’essence de citron on fait une limonade semblable à celle que produisent les citrons, ce qu’on n’obtiendroit jamais avec le vinaigre distillé.

Dans l’état ordinaire, le vinaigre contient un principe huileux & tartareux, qui, en le privant d’une partie de son activité, empêche de faire avec ce