Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/897

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lecture, du travail, & des outils qui y servent.

Pour le dessein, on a un papier réglé, divisé en petits carreaux par des lignes horisontales & verticales. Il faut qu’il y ait dans la ligne horisontale autant de petits carreaux, que de cordes au sample.

Pour faciliter la lecture du dessein, on divise la ligne horisontale par dixaines, c’est-à-dire que de dix en dix divisions de l’horisontale, la verticale est plus sorte que ses voisines, & se fait remarquer.

Il y a aussi des horisontales plus fortes les unes que les autres : on divise la verticale en certain nombre de parties égales, & par chaque partie de cette verticale on tire des horisontales paralleles.

Il y a de ces horisontales un plus grand ou plus petit nombre, & elles sont plus longues selon que le dessein est ou plus courant, ou plus long & plus large ; & il y a des verticales un plus grand nombre, & elles sont plus longues, selon que le dessein est plus large & plus long.

On divise pareillement le nombre des horisontales en parties égales, & on fait l’horisontale de chaque partie égale, plus forte que les autres.

Si l’horisontale est divisée de dix en dix, & la verticale de huit en huit, on a ce que les ouvriers appellent un dessein en papier de dix en huit.

On trace sur ce papier un dessein, comme on voit dans nos Pl. Les quarrés horisontaux représentent les coups de navette, qui doivent passer pour faire le corps de l’étoffe ; & les quarrés verticaux représentent les cordes de sample.

Les quarrés horisontaux représentent aussi les fils de roquetins.

Les quarreaux qui restent blancs marquent les fils de roquetin, qu’il ne faut point faire paroitre sur l’étoffe. Les autres quarreaux colorés marquent les fils de roquetins qu’il faut faire paroitre.

Ces fils peuvent être de différentes couleurs ; mais pour plus de simplicité nous les supposerons ici tous de la même couleur, bleus par exemple.

Si l’on voit le bleu de différente couleur, c’est que ce dessein est destiné à faire du velours ciselé.

Le bleu-clair marque le frisé, & le bleu fort noir marque le coupé.

Il faut observer en faisant un dessein, que le frisé soit toujours en plus grande quantité que le coupé, parce que comme on verra, le coupé ne se fait que sur le frisé ; & le frisé sert à empêcher le poil du coupé de tomber, il le tient élevé & l’empêche de tomber.

Les autres desseins ne se tracent pas autrement, & il n’y a guere de différence dans la maniere de les lire.

Pour lire un dessein, on commence par enverger, ou plutôt encroiser le sample, afin de ne pas se tromper on comptant les cordes.

Puis on fixe à l’estase, à chaque côté du sample, deux barres de bois ; on insere entre ces barres & le sample, deux autres morceaux de bois qui le tirent en arriere, & le tiennent plus tendu ; l’un en-haut & l’autre en-bas. Les verges qui appuient en-devant sur les barres de bois, empêchent qu’il n’aille tout en arriere. Il est donc tenu par haut & par bas, en arriere, par les bâtons placés entre lui & les barres, & tenu en-devant par les verges de son enverjure.

Puis au-dessous du premier morceau de bois & de la premiere verge, on place un instrument que nous allons décrire, entre le sample & les barres de bois, contre lequel il est pressé par le sample qui est ici en arriere. Cet instrument consiste en trois morceaux de bois plats, assemblés par un bout par une cheville de bois, autour de laquelle il se meut librement, dont le dernier est divisé à sa surface extérieure, en un certain nombre de crans larges & profonds, à égale distance les uns des autres ; les deux autres s’appliquent sur celui-ci & le couvrent quand il en

est besoin, & peuvent aussi s’assembler par l’autre bout, au moyen d’une autre cheville de bois. Cet instrument s’appelle un escalette, & son usage principal est de faciliter encore la lecture du dessein, en facilitant le compte des cordes.

Pour cet effet, lorsqu’on l’a appliqué comme j’ai dit, on met dans chaque cran dix cordes de sample, c’est-à-dire autant de cordes de sample, qu’il y a de divisions dans la ligne horisontale du dessein.

Cela fait, on met sur cette lame de bois divisée, la seconde qui la couvre ; on applique sur cette seconde la seconde ; on passe sur cette seconde & sur le dessein la troisieme, & on les fixe toutes trois par l’autre bout.

On voit que par ce moyen, le dessein se trouve pris entre les deux lames restantes ; la liseuse le dispose entre ses lames, de maniere qu’il n’y ait que sa premiere rangée de petits quarreaux qui débordent les lames, soit par en-haut, soit par en-bas.

Alors elle prend à côté d’elle des ficelles, toutes prises d’une certaine longueur ; elle examine sur le dessein, ou on lui dit combien il y a de couleurs au dessein ; elle attache chacune des couleurs à un de ses doigts, c’est-à-dire que cette couleur, ou les ficelles qui lui correspondent, au semple, doivent passer sous les doigts auxquels elles les a attachées, & sous tous les autres : ainsi des autres couleurs. Quand il y a plus de couleurs que de doigts, elle en attache au poignet, au milieu du bras, ou bien elle prend le parti de lier chaque couleur séparément ; mais ce n’est pas la maniere des habiles liseuses.

Mais pour éviter toute confusion, nous supposerons seulement deux couleurs, comme on voit au dessein dans nos Pl.

Elle commence par la premiere ligne. Je suppose qu’elle ait attaché le verd-clair ou de frise au doigt du milieu, & le gros verd ou coupé à l’index.

Elle voit que les six premiers quarrés, ou les six premieres divisions sont blanches ; elle passe six cordes du sample, ou les six premieres cordes de la premiere dixaine, contenue dans la premiere coche de l’escalette à gauche. Puis elle prend le reste de cette dixaine qu’elle passe sous l’index, sur le doigt du milieu & sous les autres doigts ; elle y joint la premiere corde de la seconde dixaine, parce qu’elle est aussi verd-clair ou frisé, & qu’elle a attaché le verd-clair au doigt du milieu. Elle prend ensuite les six cordes suivantes de cette seconde dixaine qu’elle passe sous l’index & sous les autres doigts. Elle prend la huitieme corde de la même dixaine qu’elle passe sous l’index, sur le doigt du milieu & sous les autres doigts ; puis les deux cordes restantes de la même dixaine, qu’elle passe sur l’index & sous les autres doigts ; & ainsi de suite jusqu’au bout de la ligne.

S’il y avoit eu plusieurs couleurs, elle les eût attachées à d’autres parties de la main ; & les auroit séparées toutes en les plaçant sur ces parties, à mesure qu’elles se seroient présentées.

Puis elle auroit pris des ficelles qui sont à sa gauche, autant qu’elle eût eu de couleurs ; elle n’en prend donc que deux ici. Elle eût avec une de ces ficelles pliée en deux, & dont elle auroit substitué à l’index l’un des bouts, renfermé & séparé dans la boucle tous les verds découpés, pour avec l’autre qu’elle eût pareillement pliée en deux, & dont elle eût aussi substitué un des bouts à l’autre doigt, elle eût renfermé & séparé dans la boucle les verds-clairs. Puis elle eût un peu tordu ensemble ces bouts, & les auroit fixés à côté d’elle à sa droite, en leur faisant faire un tour autour d’une corde, attachée par un bout à l’estase, & par l’autre bout à un des bâtons de l’enverjure : on l’appelle corde des embarbes.

Elle eût ensuite passé à la lecture de la seconde li-