Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/926

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

& ne s’étruflent ; il seroit à propos qu’elles s’ouvrissent en-dehors, il y auroit moins de danger : quand ils ont mangé leur mouée, on dispose la curée dans l’endroit qui est choisi pour cela, s’il étoit possible que ce fût sur l’herbe, cela n’en seroit que mieux : on y disperse le cerf, & on tient les chiens sous le fouet en les laissant crier ; ce qui fait un bruit mélodieux pour ceux qui aiment la chasse ; quand on les a tenu quelques minutes dans cette position, on leur abandonne le cerf dispersé, & ils font la curée, on leur crie halaly, pour les animer davantage ; l’on s’est relâché de même sur les trompes dont les valets de chiens devroient toujours se servir à la curée ; ce qu’on ne pratique plus qu’à Fontainebleau, cependant cela ne peut faire qu’un très-bon effet, en animant les chiens, & accoutumant les jeunes à connoître la trompe & à y venir quand ils sont séparés de la meute ; d’ailleurs la meute du roi doit être distinguée par les plus brillantes operations, on n’auroit pas du laisser abolir cet ancien usage. Il y a encore une méthode qui s’est introduite depuis un tems, qui est de mettre les chiens au gras les jours de chasse ; je ne comprens pas comment l’on n’en reconnoit point l’abus, il en resulte différens inconvéniens : 1°. les chiens qui sont dans l’embonpoint, souvent sont les plus vigoureux, les meilleurs, & ceux qui ont le plus travaillé, soit pour chasser ou avoir battu des eaux froides, ce qui les a mal menés ; vous leur donnerez pour leur peine le reste des autres, dont la plûpart n’ont servi de rien à la chasse, cela me paroît contraire au bien de la chose. 2°. En voulant mettre au gras la nuit comme il arrive presque toujours, les valets de chiens ouvrent la porte des gras, & à grands coups de fouet dans le chenil, crient aux gras ; il en entre des gras, des maigres, des jeunes, des vieux, des craintifs, tous pêle-mêle : on ferme la porte, & l’on vient annoncer qu’on a mis aux gras ; c’est un ouvrage très-mal fait, & une méthode qui est beaucoup plus nuisible qu’utile au bien du service.

Anciennement on donnoit aux chiens quand le cerf étoit pris, le foie, le cœur, le poulmon, & le sang mêlés avec du lait, du fromage & du pain, le tout bien mélangé & coupé : on mettoit le tout sur la nape du cerf, ce qui a fait conserver le nom de nape à la peau du cerf. Il n’y avoit pas un si grand nombre de chiens dans les meutes qu’aujourd’hui : on donnoit le forhu après.

On a aussi supprimé le forhu, qui avoit été de tous les tems en usage, & qui faisoit un bon effet ; quand les chiens avoient fait la curée, & qu’il n’y avoit plus que les os, un valet de chien qui tenoit le forhu au bout d’une fourche, crioit tayoo, les chiens quittoient les os sans peine, & s’assembloient autour de lui : pendant ce tems on ramassoit les os, on les jettoit dans l’endroit destiné pour cela : on approchoit les chiens du chenil, & on leur jettoit le forhu, en attrappoit qui pouvoit ; voici le bon effet de cette pratique : elle les faisoit quitter sans peine les os du cerf, ce qui ne se fait qu’à grands coups de fouets redoublés, étant animés ils se laissent couper le corps, & ne quittent qu’à force de coups ; ces pauvres animaux qui un instant avant étoient caressés & animés, l’instant d’après vous les écrasez de coups de fouets pour les faire quitter ; c’est un contraste qui ne doit pas faire un bon effet : le forhu prévenoit cela ; si-tôt qu’ils entendoient crier tayoo, ils quittoient les os pour se rassembler au forhu : on avoit peu de peine à les y faire aller, au premier coup de fouet ils partoient, & cela leur en épargnoit beaucoup d’autres ; en second lieu cela les accoutumoit à connoître un tayoo, & à s’y porter, ce qui peut faire encore un très-bon effet à la chasse ; des chiens sans voies qui l’entendoient crier, s’y portoient.

Le forhu, terme ancien, est en usage parmi tous les auteurs qui ont écrit de la chasse ; c’est la pance du cerf bien vuidée, nettoyée & lavée qui étoit mise au bout d’une fourche avec les boyaux, un valet de chiens des plus grands & des plus forts tenoit la fourche ; quand les chiens avoient fini la curée, il se mettoit au milieu d’eux en criant tayoo, ils quittoient aisément les os pour se rassembler au-tour du valet de chiens ; il y en avoient plusieurs qui sautoient en l’air pour l’attraper, quand ils étoient tous rassemblés, en les rapprochant du chenil, on le jettoit au milieu d’eux, cela n’étoit pas long à être dissipé ; on les menoit après à la mouée, ceux qui n’en avoient pas assez mangé avant la curée achevoient de se remplir, quand ils avoient fini, on les faisoit rentrer au chenil : quand les chiens rentrent au chenil, la porte doit être tenue entre baillée pour les compter, & voir s’il en manque ; quand cela arrive, on met un poëslon de mouée dans un petit chenil avec de la paille blanche & de l’eau, on recommande de laisser les portes de la cour du chenil entre-ouverte, pour qu’ils puissent entrer & aller dans le chenil où ils trouvent ce dont ils ont besoin ; le lendemain, s’il en manque, on les appelle tous par leurs noms avec la liste ; on connoit ceux qui manquent, de quels relais ils sont, & on envoye deux valets de chiens les chercher ; si la chasse a fait une grande refuite, il faut envoyer un homme à cheval. Comment voulez-vous qu’un homme qui a fait toute la chasse à pié la veille, qui est rentré tard & a fatigué, puisse faire dix à douze lieues, l’allée, le revenir, & le chemin que la chasse a fait ? il le promet, mais il n’en fait rien ; avec un cheval l’on seroit assuré qu’il feroit le chemin ; il ne faudroit qu’un vieux cheval pour cela, qui épargneroit peut-être bien des accidens, car des chiens qui manquent deux ou trois jours & quelquefois plus, peuvent être mordus par des chiens enragés, sans qu’on le sache, ils sont remis avec les autres, au bout de quelque tems ils deviennent malades au milieu de la meute ; voilà comme la plûpart des malheurs des meutes arrivent : si elle a fait peu de pays, un homme à piés suffit ; le lendemain des chasses s’ils ont les piés échauffés, sans être dessolés, on peut les leur saucer dans de l’eau & du sel, cela les rafraîchit ; s’ils sont dessolés, on les sauce dans du restrainctif. Pour les voyages & routes, Salnove dit que la marche ordinaire des chiens courans doit être par jour de six lieues, qu’on en faisoit quatre le matin en été, qu’on les faisoit diner, & quand le grand chaud étoit passé, on faisoit les deux lieues pour aller à la couchée, ch. lj. Ligniville dit que rien ne gâte ni n’estropie tant que les grandes retraites : le bon veneur fait retraite partout.

Marche de l’équipage en route. Quand le roi veut chasser dans les forêts de Fontainebleau, de Compiegne, de Senart, Saint-leger, &c. il donne ses ordres au grand veneur qui les donne au commandant ; celui-ci fait assembler les officiers de service à qui il donne l’ordre qu’il a reçu pour le jour du départ de l’équipage, & l’endroit où il doit aller ; il regle l’heure & l’endroit où l’on doit aller coucher ; s’il y a plusieurs jours de marche, on choisit un valet de limier des plus intelligens pour aller devant la veille du départ de l’équipage où il doit aller coucher, pour marquer grange ou écurie pour loger les chiens commodément, que l’endroit ferme bien, que les fenêtres ne soient point trop basses, afin que les chiens n’y puissent sauter, la faire bien nettoyer, la rendre propre, y faire faire une belle paille blanche & de bonne eau fraiche, prendre du monde pour cette opération, & chercher pareillement des endroits plus petits pour y mettre les limiers, les lices en chaleur & les boiteux, y faire pareillement met-