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à souhaiter, car dans cette grande quantité ils ne sont jamais si beaux, si grands, si bien formés, que quand il y en a la moitié de moins.

L’on observe aujourd’hui une partie de ce qui est dit ci-dessus, pour le choix & les qualités du chien & de la lice. On laisse à la nature le soin de mettre cette derniere en chaleur : sitôt qu’elle y est, & que les chiens vont après, on la sépare ; & au bout de 12 jours, on lui donne le chien destiné pour la couvrir ; le surlendemain on la fait couvrir par le même chien une seconde fois. (Il y a bien des meutes où on ne les fait couvrir qu’une fois, & elles retiennent de même.) On laisse toujours un jour entre les deux couvertures ; on laisse aussi reposer le chien une chasse après qu’il a couvert la lice. Quand celle-ci paroît pleine, on l’envoie au chenil destiné pour cela. On observe aussi de ne point faire couvrir une jeune lice à sa premiere chaleur ; on attend à la seconde ; elle est alors bien plus formée, & mieux en état de porter ; & les chiens qui en sortiront seront bien plus beaux & plus vigoureux. Il arrive aussi qu’une lice qui devient en chaleur à un an ou quinze mois, si elle est couverte & qu’elle ait une portée, cela l’effile, la rend foible & délicate pour toujours. Il ne faut pas faire couvrir les lices par de vieux chiens ; passés six ans ils n’y sont plus propres. On doit choisir le chien bien sain, sur-tout qu’il ne tombe point du haut mal ; ne pas lui faire couvrir trop jeune de lice ; à deux ans il est dans sa force ; avant ce temps, cela l’effileroit. Il faut laisser passer une chaleur après que la lice aura mis bas, avant de la faire recouvrir, afin qu’elle ait le tems de se rétablir.

Phœbus dit que les lices viennent en chaleur deux fois l’an, qu’elles n’y viennent que quand elles ont au-moins un an ; que leur chaleur dure vingt-un jours, quelquefois vingt-six ; que si on les baigne dans une riviere, elles seront moins de tems en chaleur ; ce qui, comme le remarque Fouilloux, leur est très-contraire ; qu’elles portent neuf semaines, &c.

Une lice coupée chasse toujours, & dure autant que deux lices ouvertes dont on tire des portées.

Si l’on veut faire couler une lice, il faut sa faire jeuner un jour, & lui donner, mêlé avec de la graisse, le lait de tithymale ; toutesfois cela est périlleux, si les chiens sont formés. Le suc de sabine dans du lait donné le matin à jeun à la lice, pendant deux ou trois jours de suite, fait le même effet. On les fait couler aussi en leur donnant le matin du plomb à lievre dans un verre d’huile.

Si l’on ne veut pas qu’une chienne nourrisse, on peut lui faire perdre le lait avec de l’eau de forge, dans laquelle les maréchaux éteignent le fer rouge & leurs outils, en lui frottant matin & soir le bout des mamelles avec cette eau pendant huit jours. J’en ai fait plusieurs fois l’expérience.

Du soin qu’on doit avoir des lices lorsqu’elles font leurs chiens, & quand elles les nourrissent, & des soins que demandent les petits. Quand on s’apperçoit (Charles IX. ch. xiij.) que la lice veut mettre bas, il faut que ceux qui en ont soin, soient attentifs à ce que les petits sortent les uns après les autres sans se serrer, jusqu’à ce que le dernier soit sorti. Or quand la lice est délivrée, il faut lui changer sa nourriture, lui en donner plus qu’auparavant & de meilleure, comme potages, viandes, & autres choses qui la peuvent engraisser & retablir. Si elle a plus de chiens qu’elle n’en peut nourrir, il faut ne lui en laisser que trois, & donner les autres à d’autres chiennes qui aient des petits du même âge, sur-tout des levrettes, si l’on peut en avoir ; elles sont meilleures pour cela que les autres, pour deux raisons ; 1°. à cause de leur grandeur & force, ce qui fait qu’elles ont plus de lait que les chiennes plus petites, & plus d’étendue :

de sorte que les petits sont plus à leur aise. 2°. c’est que les chiens qui en sont nourris retiennent la vîtesse du levrier. Pour faire que lesdites levrettes ou autres chiennes, à qui l’on veut faire nourrir d’autres petits, ne fassent difficulté de les recevoir au lieu des leurs, il en faut tuer un & frotter de son sang ceux que vous mettez sous cette nourrice ; en les voyant ainsi couverts du sang du leur, elle les léchera, & les prendra comme si elle en étoit la vraie mere. (Aujourd’hui on n’est plus dans cet usage. On mêle avec les petits de la matine les étrangers qu’on veut qu’elle nourrisse ; on reste auprès, on les remue ensemble, afin qu’ils prennent l’odeur des siens qu’on lui ôte à mesure qu’elle s’accoutume avec les autres sans leur faire du mal.) Il y a des lices qui à force de lécher leurs petits, les mangent ; & si on le craint, il faut les emmuseler quand on les quitte, jusqu’à ce qu’on revienne auprès d’elles pour les faire manger. Ce danger n’est plus à craindre au bout de neuf jours. On doit laisser teter les petits pendant deux mois. Le lieu où l’on tient la lice tant qu’elle a ses petits, doit être chaud, sans feu ; si on peut les mettre au bout d’une écurie ou étable à vache, ils y seront bien sur-tout en hiver ; mais il faut leur faire faire une séparation avec des clayes, de peur que les animaux n’en approchent & ne les écrasent. Cette chaleur est douce & tempérée.

Les lices qui mettent bas au mois de Janvier, ont communément des chiens plus beaux que les autres, parce que tandis qu’il fait froid, ils demeurent toujours sous la mere qui les en garantit ; vient ensuite le printems, &c.

Les petits chiens, dit Phœbus, naissent aveugles, & ne voient clair qu’au bout de neuf jours ; ils commencent à manger au bout d’un mois ; il faut ne les retirer de dessous leurs meres, qu’au bout de deux ; leur donner du lait de chevre ou de vache avec de la mie de pain matin & soir ; pour le soir, on peut leur donner, à cause que la nuit est froide, de la mie de pain trempé avec du bon bouillon gras, & les nourrir ainsi jusqu’à ce qu’ils aient six mois ; alors leurs dents de lait étant tombées, on peut leur apprendre à manger du pain sec avec de l’eau peu à peu, car les chiens nourris de graisse & de soupe depuis les six premiers mois, sont de mauvaise garde, & n’ont pas aussi bonne haleine que quand ils vivent de pain & d’eau.

Il y a, au rapport de Fouilloux, ch. viij. des saisons où les petits chiens sont difficiles à élever. Ordinairement ils sont sans force & sans vigueur, quand ils naissent sur la fin d’Octobre, à cause de l’hyver qui commence à regner, & parce qu’alors les laitages dont on les nourrit n’ont pas une bonne qualité. Une autre mauvaise saison est en Juillet & Août, à cause des grandes chaleurs, des mouches & des puces qui les tourmentent. La vraie saison est en Mars, Avril & Mai, que le tems est tempéré, que les chaleurs ne sont pas fortes, & que c’est le tems que la nature a marqué principalement pour la naissance des animaux sauvages, ainsi que des vaches, des chevres, des moutons, &c. Si une lice met bas en hyver, il faut prendre un muid ou une pipe bien seche, la défoncer par un bout, puis mettre de la paille dedans ; coucher le muid ou pipe en quelque lieu où l’on fasse ordinairement bon feu, & mettre le bout défoncé du côté de la cheminée, afin qu’ils aient la chaleur du feu. Il faut que la mere soit bien nourrie de bons potages de viande de bœuf & de mouton, pendant qu’elle allaite. Quand les petits commenceront à manger, il faut les accoutumer au potage qu’on ne salera point, mais dans lequel on mettra beaucoup de sauge & d’autres herbes chaudes ; & si l’on voyoit que le poil leur tombât, il faudroit les frotter d’huile de noix & de miel mêlés