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on observe que ces vaisseaux sont dans tous les tems plus abreuvés de seve ; qu’il s’étend, qu’il s’accroît & qu’il se repose dans tous les sens, quand il a été coupé ou déchiré, aulieu que les plaies du corps ligneux ne se reparent jamais, non-plus que celles des couches corticales extérieures : enfin le livre est comme séparé du bois dans le tems que la seve est abondante, mais il reste attaché à l’écorce, ce qui la fait regarder comme une partie de cet organe.

Lorsque l’écorce d’un jeune arbre a acquis un peu d’épaisseur, si on coupe sa tige transversalement, on apperçoit vers le centre un petit cercle de fibres blanches, plus dures, plus solides, plus droites & plus serrées que celles de la couche corticale : ce sont les premieres fibres du bois, celles qui formeront la charpente de l’arbre, & qui seront le principe de sa solidité. Les plans de fibres ligneuses se forment & s’enveloppent successivement, comme ceux de la substance corticale, avec cette différence que la premiere couche sera toujours la plus près du centre & la derniere formée la plus près de l’écorce, au-lieu que le contraire arrive dans la formation des couches corticales. Il y a encore cette différence que le tissu cellulaire est bien plus rare & bien plus mince entre les couches ligneuses qu’entre celles des fibres corticales, ce qui fait qu’elles sont bien plus difficiles à séparer par le déchirement ; cependant par la macération & l’ébullition, on vient à-bout de les séparer par feuillets, comme ceux de l’écorce.

Il est très-difficile de déterminer l’origine de la premiere couche ligneuse ; mais il y a toute apparence qu’elle est formée comme toutes celles qui la recouvrent, & qu’elle est une production du livre, c’est-à dire, de la couche corticale la plus intérieure.

Il se forme chaque jour un anneau de vaisseaux séveux à la partie interne du liber, qui se durcit peu-à-peu, & forme le second plan de la couche ligneuse, après celui-ci il s’en forme un troisieme, & ainsi successivement jusqu’à l’hiver ; cette couche ligneuse de la premiere année devient toujours & plus dure & plus dense, à mesure que l’arbre vieillit : ainsi donc la couche annuelle qui forme quelqu’un des cercles concentriques qu’on observe sur la coupe horisontale d’un tronc d’arbre est composée de toutes les couches journalieres qui se sont formées pendant le tems favorable à la végétation, c’est-à-dire, depuis le printems jusqu’à l’hiver.

Au même tems que le livre fournit à la production du bois par sa face intérieure, il distribue aussi quelques vaisseaux séveux à l’écorce, & forme une nouvelle couche corticale, qui sera le livre de l’année suivante : mais les productions ligneuses sont beaucoup plus abondantes que celles de la partie corticale, comme on en peut juger en comparant toute la masse ligneuse avec la masse corticale : dans un vieux noyer la proportion du solide ligneux au solide cortical étoit de 5 à 1 ; dans un jeune noyer elle étoit de 3 à 1 : il est vraissemblable que cette proportion varie un peu dans les autres arbres.

Ce que nous venons d’exposer touchant la formation des couches ligneuses & corticales, nous montre de quelle maniere se fait l’accroissement des arbres en grosseur : la premiere couche corticale qui s’est formée, reste toujours la plus extérieure ; elle est continuellement forcée de se dilater à mesure que l’arbre grossit, & cette dilatation produit les grandes mailles qu’on observe sur les vieilles écorces des grands arbres ; il en est ainsi des autres couches qui se forment successivement dans l’intérieur de la premiere.

La premiere couche ligneuse reste toujours au-contraire la plus petite ; & si elle change, c’est plutôt pour se retrécir & se condenser ; il y a du-moins lieu de le croire par la diminution continuelle, & l’é-

vanouissement total du noyau médullaire dans le tronc

des vieux arbres, aussi-bien que par la dureté & la densité du cœur.

A mesure que les couches ligneuses s’éloignent du centre, elles sont moins dures & moins compactes ; les plus nouvelles, qui sont aussi les plus blanches & les plus légeres, restent tendres & molles pendant quelque tems, & sont connues dans cet état sous le nom d’aubier. Voici quelques expériences & des observations qui confirment ces vérités.

Si on fait une incision sur le tronc d’un jeune arbre, & qu’après avoir mesuré l’épaisseur de son écorce, on enfonce une épingle dans la derniere couche de celle-ci, immédiatement sur le livre, & qu’on bande ensuite exactement la plaie, on verra au-bout de quelques années, qu’il s’est formé de nouvelles couches corticales entre l’épingle & le livre, & que l’épaisseur de l’écorce n’a pas changé : donc l’accroissement de l’écorce se fait par la formation de nouvelles couches vers l’intérieur.

Si on enleve sur le tronc d’un jeune arbre une piece d’écorce de deux ou trois pouces en quarré, sans endommager le livre, & qu’ensuite on couvre exactement la plaie, pour prévenir le desséchement, il se formera sur le livre une nouvelle couche corticale, qui s’élevant & croissant peu-à-peu, formera enfin une cicatrice : après quelques années on verra en sciant l’arbre qu’il s’est formé de nouvelles couches corticales, entre le fond de la plaie & le livre, d’où l’on peut conclure que l’écorce qui a rempli la plaie, & les couches qui se sont formées depuis sous son fond, sont des productions du livre.

On observe que les caracteres gravés sur l’écorce des jeunes arbres croissent & s’étendent dans toutes leurs dimensions ; mais cependant beaucoup plus en largeur (& il en est de même de toutes les cicatrices des plaies qu’ils ont souffertes) ; n’est-ce point une preuve que les couches extérieures continuellement poussées par celles qui se forment intérieurement, ainsi que par les nouvelles couches du bois, sont forcées à se dilater, & à élargir successivement les mailles de leur réseau, & par conséquent que l’extension de leur circonférence est continuelle ?

Si on enleve sur le tronc d’un arbre vigoureux une bande d’écorce circulaire de 5 à 6 pouces de long, & de 2 à 3 pouces de largeur, & qu’on applique immédiatement sur le bois une plaque d’étain fort mince, ou-bien un feuille de papier ; qu’ensuite on assujettisse cette bande (qui doit tenir au reste de l’écorce par une de ses extrémités), de maniere que la plaie puisse se cicatriser ; on s’appercevra en sciant l’arbre au bout de quelques années, qu’il se sera formé plusieurs couches ligneuses par-dessus la plaque d’étain ; or on ne sauroit dire que ces nouvelles couches ligneuses soient produites par celles qui sont sous la plaque d’étain, elles ont donc été formées du côté de l’écorce, c’est-à-dire, par le livre.

On a fendu l’écorce jusqu’au bois aux deux extrémités du diametre horisontal du tronc d’un jeune arbre, & on a enfoncé dans le bois deux clous d’épingle jusqu’à la tête, ayant ensuite mesuré avec un compas d’épaisseur, l’intervalle entre les deux têtes des clous, on a fermé & cicatrisé la plaie. Au bout de quelques années on a reconnu en sciant l’arbre qu’il s’étoit formé de nouvelles couches de bois par-dessus la tête des clous, & l’intervalle mesuré entre ces deux têtes, a été trouvé exactement le même, donc les parties du bois qui sont une fois formées ne grossissent plus, & l’augmentation du corps ligneux vient des nouvelles couches qui se forment successivement par le livre.

Les écussons du pêcher appliqués sur le prunier, & ceux du saule sur le peuplier, font voir au-bout de quelque tems (par la différente couleur des deux