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cure ne monta pas du tout : dans toutes celles qui furent faites avec les arbres qui transpirent peu, il s’éleva très-peu ; ainsi les arbres verts ne le firent point monter.

On a remarqué dans toutes les expériences qu’on a faites sur la transpiration, que la plus abondante étoit toujours dans un jour fort sec & fort chaud ; M. Guettard a observé de plus qu’il est nécessaire que la plante soit frappée immédiatement du soleil : par exemple, lorsqu’on enferme deux branches d’un même arbre, & à-peu-près égales, chacune dans un ballon de verre pour recevoir la liqueur qu’elle transpire, celle qui reçoit immédiatement les rayons du soleil transpire plus que celle qui est dans l’autre ballon couvert d’une serviette, dans la proportion de 18 gros trois quarts à 4 gros & demi. Pareillement lorsqu’il a enfermé trois branches à-peu-près égales d’une même plante, chacune dans un ballon, dont l’un étoit entierement exposé au soleil, l’autre ombragé par une toile posée sur quatre pieux à quelque distance du ballon, & le troisieme couvert immédiatement d’une serviette, la premiere a plus transpiré à elle seule que les deux autres ensemble ; & celle dont le ballon a été couvert immédiatement a transpiré le moins. Enfin, il a encore éprouvé que deux branches de grenadier enfermées chacune dans un ballon, l’un exposé au soleil, mais sous un chassis de verre fermé, & dans un air plus chaud que l’autre, qui recevoit immédiatement les rayons du soleil : la branche enfermée dans celui-ci a néanmoins plus transpiré que celle qui étoit sous le chassis dans un air plus chaud.

Ces observations sont conformes à celles qu’on a faites sur les pleurs de la vigne au printems, & sur la liqueur qui s’écoule des érables en Canada. La vigne ne pleure jamais en plus grande abondance que quand elle est exposée à l’action vive du soleil. Dans les premiers tems les pleurs cessent à son coucher, & ne reparoissent que quelques heures après son lever, & il en est de même de la seve des érables ; lorsque cet écoulement est bien établi & que les nuits sont tempérées, il se fait jour & nuit, mais bien plus abondamment pendant le jour : s’il survient des nuages, ou si l’on intercepte les rayons du soleil, les pleurs diminuent aussi-tôt, ou bien s’arrêtent. En Canada dans les tems de gelée, la seve coule dans les érables du côté du midi, & l’arbre est sec du côté du nord.

On apperçoit dans le phénomene des pleurs un exemple bien frappant de l’efficacité des rayons du soleil sur les parties des plantes, puisqu’ils donnent aux vaisseaux séveux non-seulement la puissance d’attirer de la terre une si grande quantité d’humidité, & de l’élever dans les tiges, mais aussi celle de la pousser dehors avec une grande force : car M. Hales ayant un jour ajusté une jauge mercurielle à un cep de vigne qu’il avoit coupé à la hauteur de deux piés & demi, il observa que la séve en sortoit avec tant de force, qu’en 12 jours de tems elle fit élever le mercure dans la jauge à plus de 32 pouces, & à 38 dans une autre expérience. Ainsi la force avec laquelle la lymphe des pleurs est chassée dans la vigne, est au-moins égale au poids d’une colonne d’eau de 36 à 43 piés. Cette expérience prouve bien aussi la nécessité des valvules, du-moins dans les racines.

Lors donc qu’on réfléchit sur la grande influence que les rayons du soleil ont sur la transpiration des plantes & sur l’écoulement de la lymphe dans les arbres qui pleurent, on ne sauroit douter qu’ils ne soient la principale cause de l’élévation de la séve dans les végétaux ; mais en examinant en particulier l’action de cet astre sur chacune des parties d’un arbre ou d’une plante, on ne sauroit s’empêcher de reconnoître que c’est lui qui les met en mouvement,

& qui leur imprime le pouvoir qu’elles ont d’élever la seve & de la distribuer dans tous les réservoirs où elle doit aller : rappellons-nous donc à cet effet les observations suivantes.

Lorsque le soleil remonte sur notre horison, la seve lymphatique qui paroissoit arrêtée pendant l’hiver, commence à s’émouvoir ; elle s’éleve avec plus d’abondance, à mesure que la chaleur du soleil augmente, & c’est aux environs du solstice que s’est fait la plus grande dépense ; elle diminue alors insensiblement jusqu’à l’hiver, tant par la diminution de la durée des jours, que par l’obliquité des rayons du soleil qui croît alors de plus en plus.

La même influence se remarque dans les effets journaliers : au tems des pleurs, c’est dans la plus grande ardeur du soleil que les vignes, les bouleaux, les érables, répandent le plus abondamment leur lymphe. Ces écoulemens cessent ou diminuent au coucher du soleil, ou bien lorsqu’un nuage intercepte ses rayons. C’est dans les mêmes circonstances que les feuilles transpirent le plus abondamment chaque jour, & que les racines auxquelles on a fixé des tuyaux de verre attirent l’eau avec le plus de vivacité.

De toutes les parties qui sont exposées à l’action du soleil, il n’y en a pas qui reçoivent ce mouvement de transpiration & d’aspiration d’une maniere plus sensible que les feuilles ; à mesure qu’elles se développent, on voit croître la quantité journaliere de la transpiration ; & un arbre bien pourvu de feuilles, tire toujours plus que celui qui en est dépouillé.

Après les feuilles, les boutons qui sont à leur origine, & que les jardiniers appellent les yeux, sont les parties les plus propres à élever la seve : ces boutons sont un raccourci des bourgeons de l’année suivante ; ils sont composés pour la plus grande partie, de petites feuilles qui n’attendent que le moment de se développer ; or c’est par l’action du soleil sur ces boutons que la seve lymphatique s’éleve au printems avant le développement des bourgeons. Un bouleau à qui on a coupé la tête en hiver, ne pleure point à la nouvelle saison, comme ceux à qui on a conservé toutes leurs branches & leurs boutons ; & celui à qui on retranche les branches dans le tems même des pleurs, cesse bientôt d’en répandre avec la même abondance que lorsqu’il étoit entier.

Les arbres qui sont dépouillés de leurs feuilles au commencement de l’été, par les insectes ou autrement, tirent encore assez de seve pour s’entretenir par l’action du soleil sur leurs boutons : il y en a plusieurs dont les boutons se dessechent par la trop grande action du soleil, & l’arbre périt sans ressource : dans d’autres les jeunes boutons s’ouvrent & développent leurs nouvelles feuilles, alors l’arbre reprend sa seve avec la même abondance qu’auparavant, mais ses productions, l’année suivante, se ressentent de cet effort anticipé.

L’action du soleil sur l’écorce peut aussi, pendant quelque tems, faire élever la seve, comme on le voit dans les jeunes arbres à qui on a coupé la tête : mais l’écorce ne paroît recevoir cette action qu’autant qu’elle contient des germes de boutons qui doivent bientôt se développer : car lorsque ce développement est tardif, sur-tout dans les arbres qui transpirent beaucoup naturellement, l’écorce ne sauroit suffire, & l’arbre périt.

Enfin l’action du soleil sur les racines contribue aussi à élever la seve : cependant cette puissance des racines est encore plus foible que celle de l’écorce : car si l’on voit les souches des arbres qui sont coupés à ras de terre pousser en peu de tems des rejettons très-vigoureux ; on doit plutôt attribuer cet effet à l’action des boutons qui se forment au bourrelet du tronc coupé, ou sur l’écorce de quelque racine fort