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entre le fonceau & le cul du pot. On passe & repasse plusieurs fois les ongles & le dessus des doigts sur la terre, dans la vue d’en approcher les parties, de la rendre plus compacte, sur-tout de donner passage aux particules d’air qui seroient restées engagées dans la terre, & qui ne pourroient que nuire comme corps étranger, & comme corps susceptible de dilatation.

Lorsque le cul du pot est fait dans l’épaisseur convenable, si on veut le monter en moule, on pose sur le fonceau le moule A, Pl. V. qui n’est autre chose que des douves de tonneau, reliées en-haut & en-bas de deux cercles de fer léger qui les retiennent. Le moule se ferme & s’ouvre au moyen d’une charniere, & tient fermé par deux clavettes exprimées dans la figure. On sent très-bien que le moule doit avoir de dedans en-dedans la mesure que l’on veut donner au pot de dehors en-dehors.

Lorsque le moule est placé, le potier presse les bords du cul du pot jusqu’à ce que la terre touche le moule : c’est cette opération qui fait l’union du cul du pot à sa fleche, & qui forme le jable[1]. Le potier prend ensuite de la terre, dont il forme des patons, il pose ses patons tout-autour du moule avec les mêmes précautions que nous avons indiquées en parlant des constructions de four. Sur cette premiere assise, il en pose une seconde, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il ait atteint le haut du moule, instant où le pot est fin. Alors le potier n’est occupé qu’à l’unir en-dedans, on ôtant avec le doigt les parties qui débordent, & passant dessus la main mouillée. L’ouvrier doit pour la solidité de son ouvrage appuyer de son mieux ses patons, tant sur ceux d’au-dessous que contre le moule. La maniere dont il pose ses patons est encore pour lui un sujet de grande attention ; il ne doit pas les poser, stratum super stratum, mais de maniere qu’en approchant du moule ils fassent la lame de couteau. Le paton supérieur fera la moitié de l’épaisseur, tandis que l’autre moitié sera formée par le paton inférieur : leur profil sera cbd celui du paton inférieur, & abc celui du supérieur. Il y aura, ce me semble, plus de liaison de cette façon que si les patons ne faisoient que poser l’un sur l’autre, comme a b c d, c d e f.

Le potier à la main agit comme le potier en moule, avec la différence que n’ayant rien qui appuie son ouvrage, comme le potier en moule, il est obligé de travailler sa terre un peu plus dure. S’il apperçoit que la terre soit un peu trop molle, il la laisse raffermir, & discontinue son travail. En commençant un pot, il place le fonceau sur un escabeau dans la vue de hausser son ouvrage, & de travailler plus à son aise, & il baisse l’escabeau à mesure qu’il éleve son pot.

Le potier à la main en posant son paton met la main gauche en-dedans du pot. Elle lui sert d’un point d’appui, au moyen duquel il est en état de serrer les parties de son pot, & de lui donner autant de consistance & de densité qu’un potier en moule.

Les cuvettes sont des vases quarrés : elles sont dans le même cas que les pots, on les fait de même en moule ou a la main. Les moules à cuvettes ne sont autre chose que quatre planches quarrées qui s’assemblent à mortaises, Pl. V. fig. C, D.

La grandeur des cuvettes dépend de la capacité des pots & du nombre des cuvettes, qu’on veut que contienne chaque pot. Il seroit aisé de déterminer géométriquement la capacité des pots, & par-là même les dimensions des cuvettes. Mais si on suivoit en cela l’exactitude géométrique, on seroit en danger d’errer dans pratique. Le verre étant une matiere

visqueuse & gluante, il s’en attache autour du pot en tréjettant, une certaine quantité qui est assez long-tems à couler jusqu’au fond du pot pour faire défaut dans l’opération. L’expérience nous apprend qu’un pot tel que nous les avons déja décrits, contient six cuvettes de seize pouces sur chaque face de dehors en-dehors, & seulement trois de vingt-six sur seize : on voit le moule de la premiere en C, & celui de la seconde en D, Pl. V.

La manutention pratiquée pour faire des cuvettes est la même que pour faire des pots. On forme seulement les coins de la cuvette qui doivent être des angles droits, avec une petite équerre de fer qu’on passe intérieurement de bas en-haut. Les cuvettes n’ont pas besoin d’une aussi grande épaisseur que les pots.

Les pots & les cuvettes en séchant se détachent du moule ; & lorsqu’ils en sont parfaitement détachés, on démonte le moule, ce qu’on appelle démouler les pots & les cuvettes. Lorsque la cuvette est démoulée, on forme avec de la terre qu’on y applique dans sa longueur & au milieu de sa hauteur deux feuillures d’environ 2 pouces de large, & six lignes de profondeur. On détermine ces deux dimensions au moyen d’une regle qu’on pose au côté de la cuvette, & autour de laquelle le potier place sa terre. Ces deux coulisses sont connues sous le nom de ceintures des cuvettes, & servent à les prendre avec les outils que nous décrirons dans la suite.

On doit avoir le soin de rebattre les pots & les cuvettes, jusqu’à ce que la terre devienne trop dure pour céder à l’action de la batte. On voit en E, E, E, F, les diverses sortes de battes dont on se sert.

On doit avoir le plus grand soin de procurer aux pots & aux cuvettes un desséchement égal, & point trop précipité : l’humidité contenue dans la terre ne pourroit se dissiper si promptement, sans occasionner des gerçures. Je ne sache pas d’autre précaution a prendre pour parvenir à ce but, que de tenir les pots & les cuvettes dans un lieu assez chaud, pour éviter la gelée dans les saisons qui pourroient en faire courir le danger ; assez renfermé pour être à l’abri des coups de vent, & tel qu’on n’ait pas à y craindre le hâle de l’été. Le desséchement est à la vérité long dans de tels endroits, mais il y est presque sur : lorsque les pots & les cuvettes son bien secs, on coupe extérieurement l’angle que forme la jonction du fond & de la fleche, pour donner prise aux pinces avec lesquelles on remue quelquefois ces vases, ce qu’on appelle chanfreindre les pots & les cuvettes.

De la recuisson & l’attrempage des fours & des creusets. Un four, quelque forme qu’on lui donne, ne sauroit être employé sans préparation, & cette préparation consiste à l’amener par degrés, pour ainsi dire, insensibles au degré de chaleur qu’il doit subir dans son travail. Si l’on exposoit tout-à-coup un four à l’action d’un feu violent, cette seule conduite seroit une raison suffisante pour sa destruction, l’humidité renfermée dans l’argille ne manqueroit pas de faire des ravages d’autant plus considérables que le feu seroit plus fort : les parties du four étant exposées trop précipitamment au feu, éclateroient plutôt que d’obéir à son action ; & par toutes ces raisons, la solidité en seroit non-seulement exposée, mais indubitablement anéantie. Cette action d’amener le four par une chaleur graduée au point où il doit être, est ce qu’on appelle attrempage & recuisson d’un four.

On confond souvent dans le langage ordinaire attrempage & recuisson ; je ne crois cependant pas qu’attremper & recuire soient synonymes. Il me semble qu’attremper exprime l’opération de monter peu-à-peu & avec ménagement la chaleur du four, & que

  1. Le jable est la jonction du cul du pot à sa fleche, & la fleche renferme toutes les parties du pot, depuis le cul jusqu’à son bord supérieur.