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recuire est chauffer quelque tems avec le dernier degré de feu, pour achever de faire prendre au four la retraite dont il est susceptible. Selon ma définition, la recuisson seroit la suite de l’attrempage, l’attrempage à son plus haut degré, en un mot, la perfection & le point définitif de l’attrempage.

On ne sauroit prudemment exposer un four à l’attrempage, sans qu’il soit aussi sec que l’air extérieur peut le sécher à lui seul. Il seroit dans cet état bien moins susceptible des ravages de l’humidité, en contenant beaucoup moins, & celle qui y étoit s’étant évaporée fort lentement.

Il est cependant très-difficile d’avoir un four à ce degré de sécheresse, parce que vu l’épaisseur de sa masse, je suis convaincu qu’un an suffiroit à peine pour le dessécher au point nécessaire à l’attrempage, encore faudroit-il qu’il fut bâti dans un lieu bien sec, sur des fondations bien exemptes d’humidité, & qu’on travaillât sous un climat favorable ; car il est clair que toutes ces choses entrent en compte dans les conditions du desséchement d’un four.

On peut dessécher un four artificiellement d’une maniere aussi sûre & bien plus prompte, mais on doit avoir attention de faire long tems à une distance de lui un feu peu violent, & dont il ne reçoive de chaleur, pour ainsi dire, que celle de la fumée. On sent par les dangers qu’on courroit, en faisant trop de feu, jusqu’à quel point il faut porter le ménagement & le scrupule dans ce desséchement artificiel.

On peut commencer à allumer le feu, dont nous venons de parler, vis-à-vis des deux tonnelles un mois ou six semaines après son entiere confection, & alors un intervalle de trois ou quatre mois suffit, depuis la construction finie jusqu’à la fin de la recuisson. On peut compter, si l’on veut, le tems du desséchement artificiel dans l’attrempage, & alors on sera environ deux mois à attremper ou recuire. Si on avoit à attremper un four bien sec, un attrempage bien soigné pourroit durer une douzaine ou une quinzaine de jours ; sa recuisson parfaite seroit l’affaire de cinq ou six jours de plus, & on auroit son four recuit dans les environs de trois semaines.

Voici comme on s’y prend ordinairement pour conduire le feu avec gradation lors de l’attrempage, en supposant le four bien sec. On allume d’abord le feu à l’entrée de deux autres, & même en-dehors avec du gros bois. Après l’avoir laissé long-tems en cet endroit, pour que le four en ait été autant échauffé qu’il est possible qu’un tel feu l’échauffe à cette distance, on l’approche un peu davantage de la tonnelle, & on le laisse en sa nouvelle place encore un certain tems. On l’approche de nouveau, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il soit sous la tonnelle, c’est-à-dire dans l’intérieur même du four. On chauffe sous la tonnelle toute ouverte encore quelque tems avec du gros bois : après quoi on fait la glaie ; mais on chauffe sans mettre le chio par le bas de la glaie, en le bouchant seulement d’une ferrasse : on met le chio, & on chauffe avec du petit bois par le tisar. C’est alors qu’on fait grand feu & qu’on termine la recuisson.

On met les plateaux aux ouvreaux pendant l’attrempage, le feu ne devant pas être violent, & les courans d’air étant conséquemment inutiles ; mais à la recuisson, on substitue les tuiles aux plateaux.

Les arches se recuisent très-bien, sans ajouter de nouveaux soins. On n’a qu’à fermer les arches, laisser les lunettes débouchées ; & lorsque les arches sont aussi rouges qu’elles peuvent le devenir par le feu des lunettes, on finit par les chauffer quelque tems au moyen du bonnard. Ensuite on les refroidit par gradation, en commençant par supprimer le feu du bonnard, margeant la lunette, & ouvrant enfin le devant des arches.

Toutes les précautions pratiquées lors de la recuisson d’un four, & le tems nécessaire à cette opération reçoivent nécessairement des modifications & des changemens relativement aux especes de terre qu’on emploie aux pays qu’on habite, au climat sous lequel on vit.

Il n’est pas besoin d’ajouter que pour faire un bon attrempage on doit avoir autant de soin d’empêcher que le feu pendant l’opération ne tombe, c’est-à-dire ne passe promptement d’un degré de feu à un moindre ; que l’on doit en avoir, de ne pas donner tout-à-coup un feu trop violent, non-seulement par le risque qu’on courroit si le four passoit subitement du chaud au froid, mais encore par le danger où l’on s’exposeroit de nouveau en remontant le feu.

Quelques soins que l’on prenne de ménager l’attrempage, il est impossible d’anéantir totalement l’effet de la retraite des terres, & conséquemment d’éviter tout-à-fait les gerçures ; mais il est intéressant de réparer ce désastre le mieux qu’il est possible : le chanvrage & le coulis sont les moyens usités en pareil cas. On insinue dans les gerçures, avec la lame d’un couteau, des filasses roulées dans l’argille, ce qu’on appelle chanvrer. Si les gerçures sont peu profondes, ou dans une position telle que le coulis qu’on y feroit passer, n’y restât pas, ou n’y restât que très-difficilement, on remplit en entier la gerçure de filasse. Si au contraire la gerçure est telle qu’en en bouchant un côté on pût y retenir du coulis, on place une filasse dans le lieu par où pourroit s’échapper le coulis, & on remplit tout le vuide avec un coulis un peu épais. Telles sont les gerçures des sieges. Comme presque toutes sont les joints des tuiles qui s’ouvrent plus ou moins, on chanvre le talud du siege pour retenir le coulis, & on coule par le dessus du siege. D’autres remplissent les vuides des sieges avec du sable pur, après avoir chanvré le talud : cette maniere a des avantages. Le sable plus coulant remplit mieux les moindres interstices ; & n’étant pas susceptible de retraite, la réparation a moins à craindre de l’action du feu. Le seul danger de cette méthode seroit que le contact du verre qui tomberoit sur les sieges, ne disposât le sable à la fusion ; mais le risque diminue, si l’on observe combien le sable est insinué profondement dans l’intérieur du siege, & combien il est enveloppé de parties du siege qui, étant argilleuses, lui font un rempart contre le verre.

Tous les artistes conviennent assez généralement de la nécessité de chanvrer, mais ils different beaucoup sur le tems de cette opération. Les uns attrempent leur four & le font rougir, le font ensuite refroidir par gradation, en margeant toutes les ouvertures & le démargeant peu-à-peu, chanvrent & procedent à rechauffer ce qui est vraiment un second attrempage. Voici les raisons sur lesquelles ils fondent leur méthode. Après un grand feu, disent-ils, la terre a pris à-peu-près toute la retraite dont elle est susceptible, & on réparera conséquemment bien mieux les gerçures, puisqu’elles sont toutes déclarées. Leur principe est vrai, mais, pour éviter un inconvénient, ils tombent dans de bien plus considérables ; 1°. ils courent le risque de deux attrempages, au-lieu d’un seul : 2°. ils perdent du tems ; 3°. que font-ils en échauffant & refroidissant leur four plusieurs fois ? Ils font passer ses parties successivement d’un état de contraction à un état de dilatation, & vice versâ ; ce qui ne peut se faire sans déranger la position relative de ces-mêmes parties, & sans altérer leur union.

D’autres artistes sentant tous ces inconvéniens, ont fait chauffer leur four, mais non jusqu’à le rougir, ont arrêté ensuite leur attrempage, ont chanvré & ont recommencé à attremper. Ils ont eu moins de