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resque, est la vérité de detail. La vérité de relation & d’ensemble consiste dans la correspondance des paroles, des sentimens & de l’action, avec le sujet. Phedre, en entrant sur la scene, ne dit point qu’une douleur sombre & cachée lui fait voir avec horreur tout ce qui l’entoure, mais elle exprime cette haine, suite nécessaire d’un sentiment profond & malheureux. Que ces vains ornemens, que ces voiles me pesent, &c. Partout dans le rôle sublime le sentiment se developpe, jamais il ne s’annonce.

Ce principe fondamental s’étend jusqu’aux plus légers détails. Voulez-vous rendre une chansonnette intéressante, choisissez un sujet ; faites disparoître l’auteur pour ne laisser voir que le personnage, sans quoi l’intérêt cesse avec l’illusion.

Chaque sous-division effleurée de cet article pourroit devenir le sujet d’un ouvrage intéressant. Resserré par d’étroites bornes, on n’a osé se livrer aux détails ; un champ vaste s’est ouvert, on a à peine tracé quelques lignes pour diriger la course des génies sublimes qui oseront le parcourir.

Vertus, anges du premier chœur de la troisieme hiérarchie. Voyez Ange & Hiérarchie.

On appelle ainsi ces anges à cause du pouvoir de faire des miracles, & de fortifier les anges inférieurs dans l’exercice de leurs fonctions, qui leur est attribue par les peres & les théologiens qui ont traité des anges.

Vertu, (Langue franç.) ce mot se prend souvent dans notre langue pour désigner la pudeur, la chasteté. Madame de Lambert écrivoit à sa fille : « Cette vertu ne regarde que vous ; il y a des femmes qui n’en connoissent point d’autre, & qui se persuadent qu’elle les acquitte de tous les devoirs de la société. Elles se croient en droit de manquer à tout le reste, & d’être impunément orgueilleuses & médisantes. Anne de Bretagne, princesse impérieuse & superbe, faisoit payer bien cher sa vertu à Louis XII. Ne faites point payer la vôtre ». (D. J.)

Vertu, (Critiq. sacrée.) ce mot a plusieurs sens. Il signifie la force & la valeur, Ps. xxx. 11. les miracles & les dons surnaturels, Matt. vij. 22. la sainteté qui nous rend agréables à Dieu & aux hommes, II. Pierre j. 5. Vertu se prend au figuré pour l’arche d’alliance, qui faisoit la force d’Israël, Ps. lxxvij. 61. pour la puissance céleste, Ps. cij. 21. pour de grands avantages ; ceux qui se sont nourris des biens, des vertus du siecle à venir, ne retomberont point dans leurs péchés, Heb. vj. 5. (D. J.)

Vertu, (Mythol.) le culte le plus judicieux des payens étoit celui qu’ils rendoient à la Vertu, la regardant comme la cause des bonnes & grandes actions qu’ils honoroient dans les hommes La Vertu en général étoit une divinité qui eut à Rome des temples & des autels. Scipion le destructeur de Numance, fut le premier qui consacra un temple à la Vertu ; mais c’étoit peut-être aussi à la Valeur, qui s’exprime en latin communément par le mot de virtus. Cependant il est certain que Marcellus fit bâtir deux temples, l’un proche de l’autre ; le premier à la Vertu (prise dans le sens que nous lui donnons en françois) ; & le second à l’Honneur : de maniere qu’il falloit passer par le temple de la Vertu pour aller à celui de l’Honneur. Cette noble idée fait l’éloge du grand homme qui l’a conçue & exécutée. Lucien dit, que la Fortune avoit tellement maltraité la Vertu, qu’elle n’osoit plus paroitre devant le trône de Jupiter : c’est une image ingénieuse des siecles de corruption. (D. J.)

VERTUEUX homme, VICIEUX homme, (Morale.) un homme vertueux est celui qui a l’habitude d’agir conformément aux lois naturelles & à ses devoirs. Un homme vicieux est celui qui a l’habitude

opposée. Ainsi pour bien juger de ces deux caracteres, on ne doit pas s’arrêter à quelques actions particulieres & passageres ; il faut considérer toute la suite de la vie, & la conduite ordinaire d’un homme. L’on ne mettra donc pas au rang des hommes vicieux, ceux qui par foiblesse ou autrement, se sont quelquefois laissés aller à commettre quelque action condamnable ; ceux-là ne méritent pas non plus le titre d’hommes vertueux, qui dans certains cas particuliers, ont fait quelque acte de vertu. Une vertu parfaite à tous égards, ne se trouve point parmi les hommes ; & la foiblesse inséparable de l’humanité, exige qu’on ne les juge pas à toute rigueur.

Comme l’on avoue qu’un homme vertueux peut commettre par foiblesse quelques actions injustes, l’équité veut aussi que l’on reconnoisse qu’un homme qui aura contracté l’habitude de quelques vices, peut cependant en certains cas faire de bonnes actions, reconnues pour telles, & faites comme telles. Distinguons avec autant de soin les degrés de méchanceté & de vice, que ceux de bonté & de vertu.

C’est épargner & respecter la nature humaine, que de ne pas relever les défauts des grands hommes, parce que cette nature ne produit guere d’original, qu’on puisse prendre pour un modele achevé de sagesse & de vertu. (D. J.)

VERTUGADIN, s. m. (Jardin.) glacis de gazon en amphitéatre, dont les lignes qui le renferment ne sont point paralleles.

Le mot vertugadin vient de l’espagnol verdugado, qui signifie le bourlet du haut d’une jupe, auquel cette partie d’un jardin ressemble. (D. J.)

VERTUMNALES, s. m. pl. (Hist. anc.) fêtes instituées à Eome en l’honneur du dieu Vertumne. On n’est pas d’accord sur leur origine, que quelques-uns rapportent à ce que ce dieu prenant telle forme qu’il vouloit, & ayant été ainsi nommé du latin vertere, changer, ces fêtes se célébroient dans le tems d’une foire ou marché fameux, où l’on faisoit divers échanges de marchandises. D’autres ont dit qu’on les célébroit au mois d’Octobre, parce que l’automne étant le tems où l’on recueille les fruits, on y rendoit graces de leur recolte à Vertumne qu’on croyoit y présider.

VERTUMNE, (Mythol.) Vertumnus ; dieu des jardins & des vergers, étoit en honneur chez les Etrusques, d’où son culte passa à Rome. Ovide décrit les amours de Pomone & de Vertumne, & les différentes formes que ce dieu prit pour se faire aimer de sa nymphe. « Combien de fois, dit-il, caché sous un habit qui l’auroit fait prendre pour un moissonneur, parut-il devant Pomone chargé de gerbes de blé ? Quelquefois la tête couronnée de foin, on auroit imaginé qu’il venoit de faucher quelque pré ; ou l’aiguillon à la main, il ressembloit à un bouvier qui venoit de quitter la charrue. Lorsqu’il portoit une serpe, on auroit cru que c’étoit un véritable vigneron. S’il avoit une échelle sur ses épaules, vous eussiez dit qu’il alloit cueillir des pommes. Avec une épée, il paroissoit être un soldat ; & la ligne à la main, un pêcheur. Ce fut à la faveur de tant de déguisemens, qu’il eut souvent le plaisir de paroitre devant Pomone, & de contempler tous ses charmes. Enfin il résolut de se métamorphoser en vieille. D’abord ses cheveux devinrent blancs, & son visage se couvrit de rides ; il prit une coëffure qui convenoit à ce déguisement, & entra déguisé de cette maniere dans le jardin de Pomone ». Ce fut le seul moyen qui lui réussit.

On croit que Vertumne, dont le nom signifie tourner, changer, marquoit l’année & ses variations. On avoit raison de feindre que le dieu prenoit différentes figures pour plaire à Pomone, c’est-à-dire pour amener les fruits à leur maturité. Ovide lui-même