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lâchant les pores, comme disoient les anciens, en redonnant du ton à la peau & au tissu cellulaire par un léger stimulus des nerfs ; elles procurent des révulsions très-utiles dans les transpirations & sueurs arrêtées, dans le tetanos, les fievres exanthémateuses, comme la petite vérole, dans les angines, &c. Les anciens employoient ordinairement dans les vertiges les fomentations sur toute la tête ; mais avec la précaution de ne pas y employer des matieres qui eussent une mauvaise odeur. Mercatus, de sebre pestil. & malig. l. VIII. pag. 459. recommande, pour attirer la matiere des bubons pestilentiels, les fomentations avec des éponges imbibées d’une décoction de plantes aromatiques & un peu âcres. Les anciens faisoient encore des fomentations sur les plaies qu’ils vouloient amener à suppuration, avec des sachets de lin remplis de fiente de pigeon ou d’excrément de chien réduit en poudre. (Voyez dans Arœtée passim.) Les vapeurs de certaines plantes aromatiques, conduites par un tuyau dans différentes cavités du corps, sont des fomentations très-usitées par Hippocrate dans quelques maladies des femmes. Les jeunes animaux ouverts ou fendus par le milieu du corps, & appliqués encore tout chauds sur une partie, sont des especes de fomentations rubéfiantes qu’on a souvent employées avec succès ; Arculanus Comment. in lib. IX. Rhas. c. 141. attribue éminemment cette vertu épispastique rubéfiante aux lézards appliqués à demi-morts sur les parties ; il prétend même que ce remede est capable d’en extraire les corps étrangers qui peuvent s’y être plantés ou introduits.

Les fomentations s’appliquent comme rubéfians sur tous les endroits du corps, excepté, suivant Galien, la région præcordiale, où il seroit à craindre qu’elles n’attirassent les superfluités du corps sur le foie ou sur quelqu’autre viscere voisin : mais on peut se mettre à l’abri de ce danger, en purgeant auparavant le malade, suivant la pratique d’Hippocrate, qui avec cette précaution ne faisoit point difficulté, dans le traitement des fievres, d’appliquer de pareils remedes sur cette région. V. de rat. vict. Il est prudent néanmoins de ne pas employer des fomentations trop chaudes sur les hippochondres dans quelques maladies de la tête, sur-tout dans la phrénésie. Voy. Alexandre de Tralles, lib. I. c. xiij. de phrenit.

Les épithemes, (Voyez Epithemes, Pharmac.) & toutes les variations de ces remedes, comme les écussons, &c. sont encore de rubéfians qu’on emploie avec succès contre les douleurs de côté dans la pleurésie, quelques palpitations du cœur, & un grand nombre d’autre affections. On a quelquefois obtenu avec ces remedes des révulsions très-utiles dans des fievres opiniâtres. Boyle raconte qu’il s’est guéri d’une fievre continue violente qui avoit tenu contre toutes sortes de remedes, en s’appliquant au poignet un mélange de sel, de houblon & de raisins de Corinthe. Les Egyptiens, au rapport de Prosper Alpin, se guérissent des fievres intermittentes, en s’attachant aux poignets, une heure avant l’accès, un épitheme d’ortie broyée de sel où de nitre. Vid. de med. ægypt. pag. 319. On lit dans les Commentaires des Aphorismes de Boerhaawe par M. Vanswieten, qu’un paysan guérissoit les fievres intermittentes, en mettant dans la main, & y fixant par un bandage de la pulpe de ranuncule. V. tom. III. pag. 519 & 520.

Les briques chaudes, les murailles des fours, &c. sont encore autant de rubéfians épispastiques ou d’épithemes chauds. A l’égard de l’application des épithemes, ils ont cela de particulier, que d’ordinaire on ne les applique que sur les parties du milieu du corps, mediis partibus, comme sur le foie, la rate, &c.

Les cucuphes. (Voyez Cucuphe, Pharmac.) pro-

curent encore comme rubéfians de très-grands soulagemens

dans les surdités, les foiblesses de nerfs, les abolitions de mémoire, les douleurs de tête continuelles, &c.

Les bains chauds, (Voyez Bains Med.) soit naturels, soit médicinaux, sont parmi les epispastiques rubéfians des remedes salutaires qu’on peut employer dans l’état sain comme dans l’état malade. Ils conviennent principalement dans quelques amaigrissemens, dans quelques maladies aiguës, dans les excrétions de la peau arrêtées, & dans beaucoup d’autres indispositions de cet organe. Dans ces derniers cas même, ils sont très-souvent préférables aux remedes internes, ainsi que l’ont éprouvé plusieurs praticiens, & que le dit Hippocrate à l’occasion d’un nommé Simon, dans le cinquieme livre des épidem. sect. 2. Voici ce passage : latas pustulas non admodum pruriginosas, quales Simon hyeme habebat, qui cum ad ignem inungeretur aut calidâ lavaretur juvabatur ; vomitus non juvabant. Les bains de vapeurs peuvent encore être regardés comme des bains chauds, de l’utilité la plus reconnue dans bien des maladies ; ils sont quelquefois d’autant plus efficaces, que ces vapeurs sont chargées de quelque principe subtil qui s’éleve par l’ustion de certaines substances aromatiques. S’il faut en croire Zacutus Lusitanus, il croît sur les montagnes du Pérou une plante graminée que les naturels appellent iche, dont la vapeur a la vertu d’attirer le reste de mercure qui peut se trouver dans le corps de ceux qui viennent d’être traités de la vérole, ensorte que ces personnes suent exactement le mercure qui leur sort par toute la peau en forme d’efflorescence ; quare ægri intrà Conopœum, hujus paleoe fumo, sensim ac sine sensu sudoris in modum per totam corporis superficiem mercurium exsudant. Vid. pran. medic. admirab. lib. II. pag. 75. obser. 137. Il ne manque à ce fait qu’un peu plus de vraisemblance pour mettre les vapeurs de cette plante au rang des épispastiques rubéfians les plus merveilleux. Les bains de fourmis, les bains de sable, les aspersions avec da sel, du nitre, les insolations, &c. sont encore comme autant de bains chauds qui doivent être comptés parmi les puissans rubéfians. Ici reviennent également les demi-bains semicupium, l’insession, insessus qui en est une espece, le stillicidium, l’irrigation, &c. V. passim dans Hippocrate, Celse, Galien, Cœlius-Aurelianus, Prosper Alpin, de med. mithod. & autres. Voyez encore tous ces mots.

Le pediluvium ou bain des piés, c’est encore un rubéfiant de l’espece des derniers que nous venons de nommer ; il est renommé par les révulsions salutaires qu’il opere dans les maladies quelquefois les plus désespérées. Cette grande efficacité est fondée sur la correspondance admirable des piés avec toutes les cavités du corps. Les phénomenes de cette correspondance, nous osons l’avancer, doivent être pour le praticien une source féconde d’indications relatives à la température des piés dans les maladies : qu’on lise là-dessus Hippocrate de rat. vict. in acut. sect. jv. pag. 398. & parmi les modernes, Baglivi de fib. motr. lib. I. c. x. Combien de mélancholiques, de vaporeux, de personnes tourmentées de vomissemens habituels, qui eussent reçu d’un bain des piés un soulagement qu’on n’a jamais pensé à leur procurer, faute d’attention à ces principes !

Quant aux précautions à observer dans l’administration de toutes sortes de bains en général, la premiere est que nous avons dit une fois pour toutes, devoir toujours aller avec l’usage des vésicatoires, c’est de pourvoir à quelques évacuations préalables ; en second lieu les corps impurs ne sont pas faits pour les bains, corpora impura non balneanda ; enfin il est des cas qu’il faut avoir bien soin de distinguer, ou suivant cet autre précepte du Ve & VII liv. épidem.