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d’Hipocrate, l’eau chaude appliquée aux piés peut être nuisible aux yeux & au cerveau. Voyez encore Pediluvium, ou l’article Bain, Med.

Les frictions, ces ressources simples & heureuses occupent parmi les rubéfians une place très-distinguée. Tout ce qui peut intéresser la curiosité du médecin dans l’histoire de ces remedes, méritant d’être connu, & se trouvant renfermé dans une dissertation de M. Loelhoeffel, imprimée à Leyde au mois de Juin 1732 : nous allons transcrire ici la plus grande partie de l’extrait qu’on en trouve dans le journal des savans de Février 1734.

« Hippocrate établit différentes frictions de la peau, l’une forte & l’autre douce, l’une continue & l’autre qui se fait à diverses reprises. La premiere, selon lui, durcit le corps, la seconde l’amollit, la troisieme l’exténue, & la quatrieme rétablit ce qui en s’en est dissipé de trop. La premiere ne convient pas aux gens secs & d’un tempérament chaud, mais est très-propre aux personnes d’une constitution humide & froide ; la seconde est nuisible à ceux qui ont la chair lâche, & convient à ceux qui l’ont remplie d’obstructions & de duretés ; la troisieme fait du bien aux personnes replettes ; & la quatrieme beaucoup de tort à celles qui n’ont ni trop, ni trop peu d’humeurs.

» Les médecins qui sont venus après Hippocrate ont établi d’autres différences dans la friction, par rapport aux lieux & aux autres circonstances ; les unes se font en plein air, les autres dans la chambre ; les unes à l’ombre, les autres au soleil ; les unes dans un lieu chaud, les autres dans un lieu froid, les unes au vent, les autres à un air tranquille ; les unes dans le bain, les autres devant ou après le bain ; les unes avec de l’huile, les autres sans huile ; les unes avec les mains simplement, les autres avec des linges ; & celles-ci avec des linges rudes ou avec des linges doux.

» Ils ont encore distingué les frictions, par rapport aux différens sens dans lesquels elles se pratiquoient ; les unes se faisoient de haut en bas, les autres de bas en haut ; les unes en ligne directe ; les autres en ligne oblique ; les unes absolument en-travers, les autres un peu moins horisontalement ; toutes différences qui leur ont paru si essentielles à observer, qu’ils ont crû devoir les exposer par une figure qui est celle ci-jointe, & qui se voit dans Galien lib. II. de sanitate.

» Ce dernier prétend qu’en faisant les frictions en ces différens sens, & les faisant exactement, toutes les fibres des muscles s’en ressentent. Quelques médecins de son tems croyoient que la friction qui se faisoit transversalement resserroit les parties, & leur procuroit de la fermeté ; que celle au-

contraire qui se faisoit en ligne directe les raréfioit,

& les relachoit : mais Galien les accuse en cela d’ignorance.

» Plusieurs ont voulu déterminer le nombre des frictions qu’il falloit faire dans chaque maladie, mais Celse rejette cette pensée comme absurde, & remarque que c’est sur les forces, sur le sexe & sur l’âge des malades que ce nombre doit se régler ; ensorte premierement que si le malade est bien foible, c’est assez de cinquante frictions, & que s’il a beaucoup de force, on en fait faire jusqu’à deux cens ; secondement, que si c’est une femme, il en faut moins que si c’est un homme, troisiemement, que les enfans & les vieillards n’en peuvent pas souffrir un aussi grand nombre que les personnes d’un âge médiocre.

» Notre auteur passe ici aux frictions qui sont en usage chez les Egyptiens ; ils font les unes avec les mains enduites de sésame, les autres avec des linges cruds, & les autres avec des lambeaux d’étoffe de poil de chevre (on peut encore en faire avec de l’amianthe). Quant à celles qu’ils pratiquent avec des linges, voici ce qu’ils observent ; ils font asseoir le malade dans un siege haut, & lui frottent trois à quatre fois tout le devant du corps, commençant par les piés, les jambes, les cuisses, continuant par le ventre & les côtés, & finissant par le haut du tronc & par les bras, sans excepter les doigts qu’ils frottent avec un soin extrême les uns après les autres. Après avoir ainsi passé en revue tout le devant du corps, ils font étendre le malade tout de son long, le ventre contre terre, & procedent de la même maniere à la friction de cette partie du corps ; la friction faite, ils en recommencent d’autres avec l’étoffe de poil de chevre.

» Les Indiens orientaux employent les frictions contre plusieurs maladies, & principalement contre une espece de paralysie à laquelle ils sont sujets, & qui leur cause un tremblement général de tout le corps. Ce sont des frictions fortes & douloureuses ; ils se servent du même remede contre une sorte de convulsion qui leur est familiere, laquelle leur resserre tellement le gosier, qu’ils ne peuvent ni boire, ni manger, & les emporte en peu de jours, après leur avoir fait souffrir des tourmens inexplicables.

» Les Indiens occidentaux, & sur-tout les Brasiliens, ne connoissent presque d’autres remedes que la friction contre les maladies chroniques ; ils commencent par froter tout le bas-ventre, si la maladie est causée par des embarras dans cette partie : mais si elle vient d’obstructions qui soient dans la tête ou dans la poitrine, ils pratiquent la friction sur tout le corps généralement, en y employant l’huile de tabac ou de camomille, dans laquelle ils ont fait macérer un peu d’encens.

» Les dames d’Egypte, comme l’écrit Prosper Alpinus, dans son livre de medecinâ Egyptior. c. viij. ont recours à certaines frictions douces pour s’empêcher de maigrir ; l’auteur rapporte sur le même sujet, l’usage qui s’observe en certains endroits d’Allemagne pour engraisser les cochons ; on les lave d’abord avec de l’eau, pour en attendrir la peau, puis on leur fait plusieurs frictions, &c. »

M. Loelhoeffel donne encore la maniere dont il est d’avis qu’on administre les frictions dans les maladies qui dépendent d’une disposition cacochimique ; il veut en premier lieu qu’on fasse la friction de tout le corps trois ou quatre fois par jour, & qu’on frotte principalement l’épine & le bas-ventre ; en second lieu que le malade, après avoir été frotté, porte une chemise de grosse toile, & que cette chemise ait été passée à la fumée de quelques herbes ou de quelques gommes aromatiques ; il croit que la friction peut