Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/201

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medes a une date plus ancienne ; elle peut se rapporter au tems d’Archigene, qui comme on le voit par un fragment qu’on trouve sous son nom dans Aetius, a très-parfaitement connu les vésicatoires avec cantharides. « Nous nous servons, dit Archigene, dans ce fragment, d’un cataplasme où entrent les cantharides, lequel fait des merveilles toutes les fois que par des petits ulceres qu’il excite, il coule pendant long-tems de la sanie ». Voyez Aetius, tetr. serm. ij. ch. l. Arætée, & quelques autres, ont encore fait usage des mêmes remedes dans leur pratique. A l’égard d’Hippocrate qui a parlé de ces insectes ou mouches, comme propres à des médicamens internes, & qui d’ailleurs les employoit dans quelques pessaires ; il ne paroît pas qu’il leur ait connu la propriété d’être vésicatoires au-dehors. Cette introduction des cantharides dans les épispastiques ne changea pourtant rien à la dénomination de sinapisme que les anciens leur ont toujours conservée, à l’exception de quelques auteurs, comme Dioscoride, Alexandre de Tralles, &c. qui ont quelquefois donné à cette sorte de sinapismes le nom de διακανθαρίδων diacantharidon. Rien n’empêche donc qu’on ne rapporte aux vésicatoires proprement dits, la plupart des choses de pratique qu’on trouve sur les vésicatoires anciens avec addition de cantharides.

Les vésicatoires que nous employons aujourdhui sont formés d’un emplâtre dont la composition est variée dans presque tous les auteurs, mais sur laquelle on peut s’en tenir à la formule suivante, qu’on trouve dans la pharmacopée de Paris, sous le titre d’emplâtre épispastique, savoir, prenez de poudre de cantharide, quatre onces, de poudre d’euphorbe quatre dragmes, de la poix de Bourgogne, & de térébenthine, de chacun six onces, de cire jaune deux onces ; faites fondre la cire, la térébenthine, & la poix, & après les avoir retirés du feu, mêlez-y les poudres en remuant jusqu’à ce que le tout soit réduit en consistence d’emplâtre. Il est encore fait mention dans le même livre d’une pâte épispastique employée comme vésicatoire, & qui est composée, savoir, de levain très fort deux onces, de poudre de cantharides, trois dragmes, mêlangez le tout ensemble pour en faire un emplâtre. Cette derniere composition est plus foible que la précédente : mais on peut y suppléer en augmentant la dose de la poudre des cantharides ; cette augmentation est même très-utile dans toutes les compositions des vésicatoires, lorsqu’on veut obtenir un effet plus prompt de l’administration de ces remedes, & elle n’exige que l’attention de veiller, s’il est permis d’ainsi parler, le vésicatoire, pour que son action n’aille pas trop loin. On peut encore ajouter l’euphorbe aux cantharides, ainsi que le recommande Riviere, pour donner plus d’activité aux vésicatoires. La précaution de n’employer que le tronc des cantharides, c’est-à-dire, d’en rejetter les piés & les ailes, suivant le précepte d’Hippocrate, ne paroît pas fondée ; aussi la plupart des modernes emploient-ils le corps entier de ces insectes, sans qu’il en résulte aucun inconvénient.

L’effet des cantharides est éminemment actif ou propre au corps vivant ; car elles n’agissent point sur les cadavres. « Les vésicatoires, dit le célebre auteur des recherches sur le pouls. donnent une secousse générale au genre nerveux ; ils excitent une disposition inflammatoire ; ils fixent le courant des humeurs & les traînées irrégulieres des oscillations ; ils donnent du ressort à tout le parenchime des parties dans lesquelles séjourne le suc nourricier, &c. » Voyez page 307. des recherches. Tous ces effets se déduisent naturellement de la théorie que nous avons déjà exposée. Baglivi a donné sur cette matiere un ouvrage qui ne sauroit

être trop étudié ; l’auteur y dit, entre autres choses, que lorsque dans la pleurésie la difficulté de cracher & de respirer surviennent, il convient d’appliquer sans différer des vésicatoires aux jambes. Il assure que d’un grand nombre de malades qu’il a vu traiter par cette méthode dans un fameux hôpital d’Italie, il en est peu qui soient morts. A une expérience détaillée qui porte par-tout l’empreinte de la vérité & de la candeur, Baglivi a l’avantage de joindre la dialectique la plus forte qu’il dérive de quelques passages du pere de la Médecine, principalement de celui-ci. « Dans les maladies de poitrine, les tumeurs qui surviennent aux jambes sont d’un bon signe, & il ne peut rien arriver de plus favorable, surtout si cela se fait après un changement dans les crachats ». In pulmoniis quicumque tumores fiunt ad crura boni, nec potuit aliud quidquam melius accidere, præsertim si mutato sputo sic appareant., liv. II. prognost. 67. Le génie de la nature conduisoit donc ici Baglivi, comme nous avons vu qu’il avoit conduit Hippocrate dans la découverte & l’emploi de la plûpart des remedes épispastiques. Il est encore un fait d’observation que Baglivi ajoute comme un complément de preuves à tout ce qu’il dit pour établir l’excellence de la pratique ; c’est qu’après l’application des vésicatoires, il a toujours vu les cours de ventre s’arrêter au grand soulagement des malades ; ce qui est également conforme à ce que nous apprend Hippocrate, « que les cours de ventre qui surviennent dans les pleurésies sont presque toujours funestes ; car les crachats en sont supprimés, la difficulté de respirer en est augmentée, & le malade après peu de jours ou meurt, ou tombe dans une maladie chronique ».

Sur toutes ces raisons, l’illustre italien conclut très-à-propos contre ceux qui emploient sans ménagement les purgatifs dans le commencement des pleurésies : hinc clarè patet, dit-il, quantùm à veritate aberrent, qui prætextu minerationis cachochymiæ vel aliarum hujusmodi nugarum, statim in principio pleuritidum purgantia exhibent tanto oegrorum detrimento, page 656. chap. iij. de commed. ab usu vesicantium. On peut ajouter à ces témoignages de Baglivi sur les avantages de l’administration des vésicatoires dans les maladies de poitrine, celui de Willis qui s’est également exercé sur le même sujet, & qui se cite lui-même dans son ouvrage, pour n’avoir jamais trouvé de plus grand soulagement à une toux violente qui le tourmentoit habituellement, que l’application des vésicatoires. Voici ses propres paroles : fateor me sæpius tussi immani cum sputo copioso & crasso, (cui originaliter sum obnoxius) correptum, a nullo alio remedio plus quam a vesicatoriis juvamen recepisse ; itaque soleo dum iste affectus urget, 1o. super vertebras cervicis, dein ulcusculis ibi sanatis infrà aures, ac posteà si opus videbitur super hœmoplatea medicamina, ἐφελκούμενα, applicare. Vide sect. 3. cap. iij. de vesicatoriis.

Outre les effets généraux dont nous avons parlé, les vésicatoires influent singulierement sur les pouls ; (voyez recherches sur le pouls, page 348.) on le trouve ordinairement toujours plus dur qu’auparavant peu de tems après l’application des vésicatoires ; c’est une observation qu’avoit déjà fait Baglivi ; mais il se développe sensiblement quelques heures après, & c’est ordinairement un heureux présage. L’application de ces remedes entraîne souvent encore des soubresauts des tendons, des mouvemens convulsifs dans les membres, des sueurs copieuses, des ardeurs d’urine, des pissemens de sang, &c. (Voyez Baglivi, parag. iij. de usu & abusu vesicantium, pag. 653.) On observe également que ces remedes affectent quelquefois la vessie : les anciens faisoient prendre en conséquence du lait aux malades afin de les prémunir contre cet accident ; & quelques modernes sui-