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bles sont jointes ensemble par les bandes de bois ab, bcd, def, qu’on appelle éclisses, & dont la largeur détermine l’épaisseur du corps de l’instrument. Ces éclisses sont de bois de hêtre. On ménage en taillant la table de dessus, une épaisseur A fig. à la partie intérieure & supérieure de cette table : cette épaisseur est quelquefois un morceau de bois collé & chevillé en cet endroit ; cette épaisseur sert d’épaulement & de point d’appui au talon a du manche aA, qui est composé de trois parties ; du manche proprement dit, qui est depuis a jusqu’en L, du sommier LA, qui est de la même piece, lequel est évuidé pour faire place aux cordes qui vont s’envelopper au-tour des chevilles 1, 2, 3, 4. Ce sommier dans lequel les chevilles tiennent à frottement, est armé à sa partie supérieure A d’un rouleau de sculpture, ou quelquefois d’une tête d’homme ou d’animal à la volonté du facteur ; car ces sortes de choses ne font rien à la bonté de l’instrument. La troisieme partie du manche est la touche Bk, qui est collée sur le manche, laquelle est ordinairement d’ébene ou de bois noirci ; c’est sur cette touche que celui qui joue de cet instrument appuie les cordes pour déterminer leur longueur, qui se prend depuis le chevalet D jusqu’au filet d’ivoire B, lorsqu’on les touche à vuide, & seulement depuis le même chevalet jusqu’à l’endroit de la touche où elles sont tenues appliquées par le doigt lorsqu’on ne les touche pas à vuide. Ces instrumens sont en outre percés de deux ouvertures ii, dont on voit le modele dans la figure, Pl. de Lutherie. Ces ouvertures que l’on fait pour donner passage aux sons qui se forment non-seulement par les vibrations des cordes, mais aussi par celles de la table supérieure, s’appellent les ouies, lesquelles ont la forme d’une S ; au-lieu que celles des violes & contre-basses, &c. ont la forme d’un C.

Pour faire un violon, après avoir collé les deux pieces qui doivent former la table de dessus, & les avoir chantournées, suivant l’un ou l’autre des patrons AB, fig. Pl. de Luth. on applique cette table sur la machine représentée, fig. appellée creusoir, sur laquelle on l’affermit au moyen des deux vis & de leurs écrous am. Après que la table est ainsi affermie, & que le creusoir est arrêté sur l’établi, on creuse la table autant qu’il convient, en épargnant la partie qui doit servir d’appui au talon du manche ; on fait ensuite l’autre côté de table, qu’on applique pour cet effet sur la planche représentée, fig. On fait la même chose à la planche de sapin qui doit servir de table à l’instrument, observant de la creuser davantage sur le milieu, & de la réduire à environ de ligne d’épaisseur, plus ou moins, selon la taille de l’instrument & la qualité du bois, car il s’en trouve qui sont plus ou moins sonores les uns que les autres.

Pour creuser les tables, on se sert de rabots de fer ou de cuivre ABC, représentés, Pl. fig. dont quelques-uns, comme B, ont le fer denté. Ces rabots, dont on se sert pour creuser des surfaces courbes, ont la semelle convexe, le fer est arrêté par un coin D, qui passe entre lui & une cheville : on se sert en premier lieu du rabot dont le fer est denté ; en second lieu de ceux dont le fer est tranchant, & on acheve avec des ratissoirs d’acier, qui sont des morceaux de ce métal aiguisés en biseau sur une pierre à l’huile. Pour juger de l’épaisseur de la table, on se sert du compas à mesurer les épaisseurs, représenté, fig. qui est tellement construit que lorsque les deux pointes d embrassent l’épaisseur de la table, les deux autres pointes e laissent entr’elles un vuide égal à l’épaisseur que le compas embrasse par les autres pointes.

Après que les tables sont achevées, on prend le moule d’une grandeur convenable. Le moule est une piece de bois chantournée de même que l’instrument, ou une carcasse, comme celle de la fig. On allege le

moule lorsqu’il est fait d’une seule piece de bois par de grandes mortaises, ce qui ôte un poids superflu ; ce qu’on n’est pas oblige de faire lorsque le moule est de pieces d’assemblage, soit que l’on se serve de l’un ou de l’autre des deux moules représentés, Pl. fig. Ils doivent être tellement construits qu’il y ait six entailles aa, bb, cd, dans la circonférence du moule. Ces entailles servent à placer des tasseaux sur lesquels on colle les éclisses ; les quatre entailles aabb servent à placer les tasseaux des coins des éclisses, & l’entaille c, celui du bouton auquel le tirant est attaché : l’entaille d sert à placer le tasseau qui soutient le talon du manche. Après que les tasseaux sont placés, on colle dessus les éclisses qui doivent prendre la forme du moule, & avoir la même largeur. Les éclisses des violons sont de quatre pieces ; savoir deux pour les parties concaves xx, qui servent de voie à l’archet ; une autre piece xdx, qui fait le tour du haut du corps, & enfin la piece xcb, qui fait le tour par en-bas du même corps. On lie les éclisses sur le moule, après les avoir ployées à coups de batte pour leur faire prendre pli. Après que les éclisses sont collées & séchées sur les tasseaux, on retire le moule, & on colle les éclisses toutes assemblées sur la table de dessous, sur laquelle on les tient appliquées par le moyen des presses ou happes, représentées, fig. dont on serre les vis ou les écrous. Après que l’ouvrage est placé entre les branches des happes, si on se sert des presses, représentées, fig. Pl. de Luth. on applique l’épaulement A de la vis sous la table inférieure, & le bord de l’écrou B sur le champ des éclisses que l’on comprime par ce moyen sur la table, & qu’on laisse en cet état jusqu’à ce que la colle soit séchée. On prépare ensuite la table supérieure, dont les ouies doivent être percées avant de la coller. Pour percer les ouies, on se sert des emporte-pieces Aa ; l’emporte piece est un fer à découper, lequel est rond, en sorte que son empreinte est en cercle ; on le présente sur la table par le trou rond 1 2, qui est à l’extrémité des S ou des C des patrons des violons ou des violes, voyez les figures, que l’on place sur la table de l’instrument, en sorte que l’ouverture du patron réponde vis-à-vis le lieu où doivent être les ouies ; on appuie l’emporte-piece sur la table par cette ouverture, & on tourne cet outil que l’on tient par la poignée CD, jusqu’à ce que l’on ait percé le trou & emporté la piece. Après que les ronds sont percés, & que l’S ou le C est tracé sur la table, on prend une petite scie ou équoine, avec laquelle on fait une fente qui communique depuis l’un des trous jusqu’à l’autre en suivant le contour de l’S ou du C : on élargit ensuite cette fente avec de petits couteaux F, jusqu’à ce qu’on ait atteint le trait qui termine le contour de l’S.

Lorsque les ouies sont percées & reparées, on trace tout-au-tour à quelques instrumens un double filet, qui sont deux traits éloignés l’un de l’autre d’environ demi-ligne, lesquels bordent ces ouvertures. L’outil avec lequel on trace ces filets, que l’on remplit ensuite de noir, & qu’on appelle tire-filet, est représenté dans les Planches.

Figure a est le fer qui a deux pointes pour tracer les deux traits. b est le guide qui suit le contour intérieur des S, pendant que les deux pointes tracent les filets. CD sont deux vis, dont la premiere c retient le guide b & la seconde D le burin à deux pointes a dans la boîte E. Cette boîte est emmanchée au moyen de la frette G au manche F, par lequel on tient cet instrument.

Les facteurs se servent aussi d’un autre tire-filet, représenté, fig. Pl. pour tracer les filets qui entourent tout l’instrument, & qui suivent la même direction que les éclisses. A & B est la tige de cet outil qui est de fer ; la tige est percée d’un trou quarré par lequel passe le burin DE, qui a une ou plusieurs pointes,