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Il fut lié avec les hommes les plus célebres de son tems. Il avoit eu des relations avec Petrarque, & quelque liaison avec Bocace, duquel il a emprunté quantité de choses, & qui dans ce tems-là travailloit à perfectionner la langue italienne, comme Chaucer le faisoit de son côté par rapport à la langue angloise.

Ses ouvrages sont nombreux ; mais l’on ne doit point douter qu’il n’y en ait une grande partie de perdue. Le poëme intitulé Troilus & Chriséide, est de ses premieres années. Il en faut dire autant de son Conte du laboureur, qui scandalisa tant de monde, & qui se trouve dans si peu de manuscrits. C’est de sa demeure de la Renommée, que M. Pope a emprunté en partie l’idée de son temple de la Renommée. Il fit le testament d’amour (qui est un de ses meilleurs ouvrages) vers la fin de sa vie. Dryden, dans ses fables imprimées en 1700, a mis en langage moderne la légende de la femme dévote, le conte du chevalier, celui de la femme de Bath, & le poëme de la fleur & de la feuille. Il a fait aussi avec quelques additions, le caractere du bon curé, à l’imitation de la description du curé, par Chaucer dans son prologue. M. Pope a aussi habillé à la moderne le conte du marchand, & le prologue de la femme de Bath ; c’est ce que plusieurs personnes d’esprit ont fait à l’égard de quelques autres ouvrages de notre auteur. Sa vie publiée par M. Jean Urry, est à la tête de ses œuvres imprimées en 1721 à Londres, in-folio, édition supérieure à celle de 1602.

Tous les gens de goût en Angleterre donnent de grandes louanges à Chaucer. Le chevalier Philippe Sidney dit qu’il ignore ce qu’on doit le plus admirer, ou que dans un siecle si ténébreux Chaucer ait vu si clair ; ou que nous, dans un siecle si éclairé, marchions si fort en tâtonnant sur ses traces. Son style est en général familier, simple & semblable à celui des comédies, mais ses caracteres sont parlans. Son pélérinage de Cantorbery est entiérement à lui. Son but est de dépeindre toutes les conditions, & de dévoiler les vices de son siecle ; ce qu’il fait d’une maniere également juste & vive. Milton, dans le poëme intitulé il penseroso, met Chaucer au rang des maîtres de l’art.

Pour enrichir utilement & agréablement sa langue, il adopta tous les mots provençaux, françois & latins qu’il trouva convenables, leur donna une nouvelle forme, & les méla spirituellement avec ceux de la langue angloise ; il en bannit aussi tous les termes rudes ou surannés pour leur en substituer d’étrangers plus doux & plus propres à la poésie. Du tems de la reine Elisabeth, la langue commença à s’épurer davantage, & elle prit sous Waller de nouvelles beautés.

Il faut cependant convenir que les vers de Chaucer ne sont point harmonieux ; mais ses contemporains les trouvoient tels : ils ressemblent à l’éloquence de cet homme dont parle Tacite, auribus sui temporis accommodata. Du reste, Chaucer a prouvé dans ses contes de Cantorbery, qu’il savoit peindre les différens caracteres ; & toutes les humeurs (comme on les nomme aujourd’hui) de la nation angloise de son siecle. Il n’y a pas jusqu’aux caracteres graves & sérieux où il n’ait mis de la variété ; car ils ne sont pas tous graves de la même maniere. Leurs discours sont tels que le demande leur âge, leur vocation, & leur éducation ; tels qu’il leur convient d’en tenir, & ils ne conviennent qu’à eux seuls. Quelques-uns de ses personnages sont vicieux & d’autres sont honnêtes-gens ; les uns sont ignorans & les autres sont bien instruits. Le libertinage même des caracteres bas a ses nuances, qui y mettent de la variété. Le bailli, le meûnier, le cuisinier, sont autant d’hommes différens, & qui different autant l’un de

l’autre, que la dame prieure affectée & la femme de Bath, brechedent. (Le chevalier de Jaucourt.)

WOOLLI, (Géog. mod.) contrée d’Afrique, le long de la riviere de Gambra, au nord. Les marchands d’esclaves traversent cette contrée pour se rendre au port de Kover. Sa capitale qui n’est qu’un hameau, s’appelle Kaunkale. (D. J.)

WORCESTER, (Géog. mod.) ville d’Angleterre, capitale du Worcestershire, sur la pente d’une colline, au bord de la Saverne, qu’on y passe sur un pont, à 80 milles au nord-ouest de Londres.

Cette ville fut bâtie par les Romains, qui en firent une place forte contre les Bretons ou Gallois ; c’est le Branonium d’Antonin, & le Bronogenium de Ptolomée. Les Saxons la nommerent Woger-Cester, Weogorna-Cester & Wire-Cester, peut-être de la forêt de Wire, qui en est voisine. Les Gallois l’appellent Car Wrangon ; & les latins modernes l’ont nommée Vigornia.

Cette ville a beaucoup souffert de la part des Danois, qui la pillerent, & la réduisirent en cendres, en 1041. Elle souffrit encore la même désolation en 1113, par un incendie fortuit qui consuma, entr’autres édifices, le château & l’église cathédrale.

Worcester s’est néanmoins relevée de ses pertes ; c’est aujourd’hui une grande & belle ville, partagée en dix paroisses, bien bâtie, fermée de murailles, excepté dans la partie qui est bordée de la Saverne, & qui n’a pas besoin de murs. On y entre par sept portes, & l’on y compte douze églises, entr’autres la cathédrale, où est le tombeau du roi Jean, & celui du prince Arthur, fils aîné du roi Henri VII. Les habitans ont trois marchés par semaine, & font un grand négoce de draperies.

Le siege épiscopal de Vorcester a été établi en 680, par Sexwulphe, évêque des Merciens. Le diocese comprend toute la province, & une partie de Warwickshire. Long. 15. 24. latit. 52. 25.

Somers (Jean), grand-chancelier d’Angleterre, a fait honneur à Worcester, lieu de sa naissance, en l’année 1652. Peu après l’avénement du roi Guillaume & de la reine Marie à la couronne, il fut nommé solliciteur-général, ensuite procureur-général, bien-tôt après garde du grand sceau, enfin grand-chancelier, & l’un des régens du royaume pendant l’absence du roi ; mais au commencement de l’année 1700, il fut dépouillé de sa dignité de grand-chancelier, par le crédit du parti des torys. N’ayant plus d’emplois publics, il consacra son tems aux muses, & fut élu président de la société royale. Il mourut en 1716, à 64 ans. Il joignit à l’étude de la jurisprudence & de la politique, celle des belles-lettres, qu’il possédoit parfaitement, comme il paroît par sa traduction de la vie d’Alcibiade de Plutarque ; mais M. Addisson loue fortement son mérite à bien d’autres égards ; écoutons-le.

Il arrive ordinairement, dit-il, qu’en voulant étouffer l’amour de la gloire, qui a jetté de profondes racines dans les ames nobles, on détruit en même tems plusieurs vertus ; & qu’il n’y a rien de plus propre à plonger l’homme dans l’indolence, que d’arracher de son cœur le desir de la réputation. Mais lorsque sans aucun aiguillon de vanité, un homme est zélé pour le bien du genre-humain, & qu’il n’est pas moins soigneux à cacher qu’à faire de belles actions ; nous pouvons être assurés que c’est un cœur plein de bonté & de magnanimité. L’histoire, continue Addisson, nous offre un grand exemple de ce beau caractere dans mylord Somers, dont la devise étoit, prodesse quam conspici.

Il s’est usé par son application aux études propres à le rendre utile au public, en formant des desseins pour le bien de sa patrie, & en appuyant les mesures qui pouvoient les faire réussir. Mais ce