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qu’il a fait, n’a été que dans la vue du bien public ; tous ses généreux efforts n’ont eu d’autre but ; le desir d’acquérir de la réputation n’y est entré pour rien.

Toute sa vie a été décorée d’une aimable modestie, qui a relevé d’autant plus ses vertus, qu’elles étoient comme cachées sous cette ombre estimable. Son application à ce qu’il y a d’épineux dans l’étude du droit, ne l’avoit point rendu décisif. Il ne savoit ce que c’étoit que de disputer sur des choses indifférentes, pour faire parade de la supériorité de ses lumieres. A une grande politesse, qu’il tenoit de l’éducation, il joignoit une grande force de raison.

Ses principes étoient soutenus par la vertu, & par cela même, ils ne varioient point au gré de l’ambition, de l’avarice ou de la haine. Ses idées n’étoient pas moins fermes que droites. Il a fini sa carriere dans une parfaite union avec les amis choisis auxquels il s’étoit lié en la commençant. Le grand homme ne paroissoit pas davantage en lui, comme patriote & ministre d’état, que comme savant universel. En partageant son tems entre les affaires publiques & la retraite, il se perfectionna non-seulement dans la connoissance des hommes & des affaires, mais encore dans celle des arts & des sciences.

Quoiqu’il passât par les divers degrés des honneurs de la robe, on le regarda toujours comme un homme qui méritoit un poste plus élevé que celui qu’il occupoit, jusqu’à ce qu’il fut parvenu à la plus haute dignité, à laquelle cette sorte d’étude puisse conduire. Il possédoit deux talens, qui se trouvent rarement réunis dans une même personne, un fond de bon sens, & un goût exquis. Sans le premier, la science n’est qu’un fardeau, & sans le dernier, elle est désagréable.

Son éloquence étoit mâle & persuasive. Son style étoit pur, vif & poli. On a ose comparer pour la capacité, cet illustre seigneur avec le lord Vérulam, qui a été, comme lui, grand-chancelier d’Angleterre. Mais la conduite de ces deux grands hommes dans les mêmes circonstances, a été fort différente. Tous deux ont été accusés par la chambre des communes ; l’un qui avoit donné prise sur lui, succomba, & fut réduit à une humiliation, qui ternit beaucoup l’éclat d’un caractere si élevé : mais mylord Somers avoit un trop sûr garant dans son intégrité, pour craindre une impuissante attaque contre sa réputation ; & quoique ses accusateurs eussent été bien aises de laisser tomber leurs griefs, il les pressa de les soutenir, & voulut que l’affaire fût décidée : car la même grandeur d’ame, qui lui faisoit mépriser la gloire, l’empêchoit de souffrir patiemment un injuste blâme.

Il n’y a pas de doute que cet homme rare ne figure dans l’histoire de notre nation ; mais nous ne devons pas nous attendre à y voir briller son mérite dans tout son jour, parce qu’il a écrit plusieurs choses, sans se faire connoître ; qu’il a eu la principale part à d’excellens conseils, sans qu’il y parût ; qu’il a rendu des services à plusieurs personnes, sans qu’elles aient su d’où ils partoient ; & qu’il en a rendu de très grands à sa patrie, dont d’autres ont eu l’honneur ; en un mot, parce qu’il a tâché de faire de belles actions, plutôt que de s’acquérir un grand nom.

Je sai qu’on pourroit attribuer ce magnifique éloge du lord Somers à l’amitié d’Addisson ; mais il faut du-moins accorder, que les grandes qualités de ce seigneur ont été bien frappantes, puisque ses ennemis même les reconnoissent, & que madame Manley n’a pu s’empêcher de mêler des louanges parmi les traits satyriques dont elle le noircit. « Il avoit, dit-elle, du feu & de la modération, de l’esprit & de la complaisance, des lumieres étendues, réu-

nies à un jugement solide. Le dieu de l’éloquence,

continue-t-elle, étoit maître de sa langue. Minerve elle-même avoit son domicile dans son cerveau pour l’inspirer, aussi bien que dans son cœur pour lui donner du feu. Sa sagesse & la sérénité de son tempérament, entretenoient l’union dans la cabale. Enfin, il n’y avoit que lui qui pût retenir le furieux Cethégus (mylord Sunderland), aussi bien que l’inconsidéré Catilina (le marquis de Warton)». (Le chevalier de Jaucourt.)

WORCESTERSHIRE, (Géog. mod.) province méditerranée d’Angleterre, au diocèse de Worcester. Elle a 130 milles de tour, & contient environ 544 arpens.

La Saverne la traverse toute entiere, & presque par le milieu du nord au sud, & reçoit en passant les eaux de trois ou quatre rivieres. Elle est encore arrosée de la Stoure, & de la Salvarpe à l’orient, & de la Thame à l’occident, un peu au-dessous de la ville de Worcester : l’Avon venant du côté de Warwick, lave aussi un coin de cette province au sud-est.

Worcestershire est séparé au sud-est de Herefordshire par les montagnes nommées Malvernes, qui s’élevent à la hauteur de sept milles. Cette province est une des meilleures de l’Angleterre. En été on y voit de belles & grandes campagnes couvertes de blé, d’excellens pâturages, & de forêts ; il s’y trouve aussi quelques puits d’eau salée. & quelques fontaines medicinales. Les haies sont bordées de poiriers, dont on presse le fruit pour en faire un excellent poiré. Les rivieres qui l’arrosent lui fournissent beaucoup de poisson. En particulier la Saverne y nourrit quantité de lamproies, qui se plaisent dans les eaux limonneuses, telles que sont celles de cette riviere. L’air répond au terroir : il est sain & temperé. Outre Worcester la capitale, il y a onze autres bourgs ou villes à marché. Enfin les muses ont fleuri de bonne heure dans cette province.

Dès le xv. siecle, Littleton (Thomas) se fit une grande réputation par son livre des tenures, ouvrage dont le chevalier Edouard Coke fait le plus bel éloge. L’archidiacre Nicholson, dans son english historical library, part. III. p. 169, London, 1699, observe que ce livre est entre les mains de tous ceux qui se destinent à l’étude, ou à la profession du droit municipal d’Angleterre, & qu’il a été imprimé plus souvent qu’aucun autre livre de droit. Quantité de ses éditions sont très-fautives ; & il faut s’en servir avec précaution, parce que les ridicules notes marginales de quelques possesseurs ignorans des copies manuscrites, se sont glissées dans le texte, & qu’on y cite sans rime ni raison, des cas auxquels l’auteur n’a jamais pensé… Un grand nombre d’articles de son droit commun, sont à présent changés par des actes parlementaires, & d’autres ne sont plus en usage. Par exemple, tout ce qui regarde les dons en frankemariage, &c. ne sert qu’aux disputes, à fournir quelques questions subtiles pour exercer les jeunes gens dans les colleges, ou inns de cour. A l’égard de quelques endroits qui paroissent obscurs à-cause de la briéveté à laquelle la méthode de l’auteur l’obligeoit, on peut les trouver plus amplement expliqués dans le journal the year-book d’Edouard IV. où l’on verra souvent le sentiment de Littleton sur divers cas épineux, avec les raisons sur lesquelles il étoit appuyé ; d’autres sujets ont été traités plus amplement par Bracton & par Breton, que notre auteur a abrégés en ce qu’il y a de principal.

Habington (Guillaume), naquit dans le comté de Worcester, en 1605, & mourut en 1654. Ses ouvrages sont des poéfies, sous le titre de castara, Londres, 1635, in-8. & en prose, l’histoire d’Edouard IV. roi d’Angleterre, Londres, 1640, en un petit in-fol.