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n’ont point de calice, & qui sont attachées au reservoir. La partie intérieure de cette fleur est garnie de six étamines & d’autant de sommets ; elles deviennent dans la suite un fruit oblong, divisé en trois loges qui renferment des semences anguleuses, disposées en deux rangs. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que la racine n’est point bulbeuse, & que les feuilles sont pointues & ressemblent à celles des gramen. Pontederæ anthologia. Voyez Plante.

On en a déjà donné les caracteres au mot Cassave, parce que c’est de sa racine préparée qu’on fait du pain, ainsi nommé en françois, & qui sert de nourriture aux Américains. L’article Cassave vous indiquera la maniere curieuse dont on fait ce pain ; il ne s’agit ici que de la plante.

Elle est nommée yucca foliis cannabinis, par J. B. yucca foliis aloës, par C. B. P. 91. C’est un arbrisseau qui croît à la hauteur de cinq ou six piés ; sa tige est ligneuse, tortue, noueuse, verruqueuse, fragile, moëlleuse : ses feuilles sont toujours vertes, larges comme la main, divisées chacune en six ou sept parties qui sont comme autant de doigts. Ses fleurs sont des cloches d’une seule piece, blanchâtres, ayant près d’un pouce de diametre, découpées profondément en cinq parties ; le pistil qui est au milieu devient un fruit presque rond, gros à-peu près comme une aveline, composé de trois loges oblongues jointes ensemble, qui renferment chacune un noyau ou semence oblongue. Sa racine a la figure & la grosseur d’un navet ; elle est de couleur obscure en-dehors & blanche en-dedans. On cultive cette plante en plusieurs lieux de l’Amérique, dans les terres labourées en sillons : nos curieux en cultivent même dans leurs jardins trois ou quatre especes. Celle que nous venons de décrire souffre très-bien le froid de nos climats en plein air, & produit des fleurs.

On peut multiplier toutes les especes de ce genre de plante, soit de graine tirée du dehors, soit des têtes de la plante, comme on fait pour l’aloës. On seme celles qu’on éleve de graine dans un pot de terre légere, qu’on tient dans une couche chaude pendant une couple de mois. Au bout de ce tems-là, on met chaque nouvelle plante dans un pot à part, qu’on entretient de même dans une couche chaude ; on arrose les pots, & on donne de l’air à la plante, autant que la saison le permet. Vers la fin de l’été, on met ces pots dans une serre parmi les aloës. Enfin quand les plantes sont fortes, on en fait des bordures où elles se maintiennent pendant l’hiver, & fleurissent ensuite à merveille. (D. J.)

YUCATAN ou Yucatan, (Géog. mod.) province de l’Amérique septentrionale, dépendante de la nouvelle Espagne. Christophe Colomb en 1502, eut la premiere connoissance de ce pays, mais il n’y entra point. La découverte en fut faite en 1517 par François Fernandès de Cordoue. En 1527, François de Montéjo qui joint à Grijalva, avoit parcouru toute la côte de l’Yucatan, en fit la conquête, & en fut le premier gouverneur.

L’Yucatan est une presqu’île qui s’avance dans le golfe de Mexique. Son terroir est si fertile en grains, qu’on y moissonne deux fois l’année. Il y a des mines d’or & d’argent, & plusieurs animaux qui lui sont particuliers, comme le paresseux & le chat tigre. Les vaches y sont extrèmement grosses.

On trouve dans cette province beaucoup de bois propre à la charpente, du miel, de la cire, du sucre, du maïs & de la casse. Les habitans y sont néanmoins en petit nombre. Outre la capitale, qui est Mérida, il y a la nouvelle Valladolid, Salamanque & Campêche. (D. J.)

YVERDUN bailliage d’, (Géog. mod.) c’est un des cinq du pays de Vaud en Suisse, qui dépendent du canton de Berne. Ce bailliage s’étend d’un côté

jusqu’au mont Jura, & de l’autre environ trois lieues tirant vers Lausanne. Il comprend dix-sept ou dix-huit paroisses. (D. J.)

Yverdun, (Géog. mod.) ville de Suisse au pays de Vaud, chef-lieu d’un bailliage de même nom, à la tête du lac de Neuchâtel, près des rivieres d’Orbe & de Thiele, qu’on passe sur deux ponts, dont un se leve la nuit, à quinze lieues au sud-ouest de Berne. Cette ville nommée Castrum dans la notice des provinces, & Ebrudunum Sabaudiæ, dans la notice de l’empire, a toujours été assez forte. Elle est à-présent décorée d’une grande place, bordée aux quatre côtés d’un temple, d’un château, de la maison de ville, & d’un grenier public. Il s’y fait du commerce, par le moyen d’un petit port que forme l’Orbe. On a trouvé à Yverdun quelques médailles d’empereurs & une inscription romaine fort délabrée, & rapportée si diversement par Plantin & Scheuzchzer, qu’elle est inintelligible. Long. 24. 30. latit. 46. 48. (D. J.)

YVETOT, (Géog. mod.) bourg de France en Normandie, au pays de Caux, à deux lieues de Caudebec & à six de Rouen. Ce bourg a le titre de seigneurie, & ses habitans ne paient ni tailles, ni aides, ni gabelles. Cette seigneurie, après avoir été cent trente-deux ans dans la maison du Bellay, est entrée dans celle du marquis d’Albon S. Marcel, & les bénédictins en possedent aujourd’hui une partie, par leur abbaye de S. Vandreville.

On a raconté bien des fables au sujet de ce bourg, qu’on s’est avisé pendant long tems de qualifier de royaume, d’aprés Robert Gaguin, historien du seizieme siecle. Cet écrivain, l. II. fol. 17. rapporte que Gautier ou Vautier, seigneur d’Yvetot, chambrier du roi Clotaire I. ayant perdu les bonnes graces de son maître par des charités qu’on lui prêta, & dont on n’est pas avare à la cour, s’en bannit de son propre mouvement, passa dans les climats étrangers, où pendant dix ans il fit la guerre aux ennemis de la foi ; qu’au bout de ce terme, se flattant que la colere du roi seroit adoucie, il reprit le chemin de la France ; qu’il passa par Rome où il vit le pape Agapet, dont il obtint des lettres de recommandation pour le roi, qui étoit alors à Soissons capitale de ses états. Le seigneur d’Yvetot s’y rendit un jour de vendredi-saint de l’année 536 ; & ayant appris que Clotaire étoit à l’église, il fut l’y trouver, se jetta à ses piés, & le conjura de lui accorder sa grace par le mérite de celui qui en pareil jour avoit répandu son sang pour le salut des hommes ; mais Clotaire, prince farouche & cruel, l’ayant reconnu, lui passa son épée au-travers du corps.

Gaguin ajoute que le pape Agapet ayant appris une action si indigne, menaça le roi des foudres de l’Eglise, s’il ne réparoit sa faute, & que Clotaire justement intimidé, & pour satisfaction du meurtre de son sujet, érigea la seigneurie d’Yvetot en royaume, en faveur des héritiers & des successeurs du seigneur d’Yvetot ; qu’il en fit expédier des lettres signées de lui & scellées de son sceau ; que c’est depuis ce tems-là que les seigneurs d’Yvetot portent le titre de rois : & je trouve, par une autorité constante & indubitable, continue Gaguin, qu’un évenement aussi extraordinaire s’est passé en l’an de grace 536.

Tout ce récit a été examiné selon les regles de la plus exacte critique, par M. l’abbé de Vertot, dans une dissertation insérée en 1714 parmi celles du recueil des Mémoires des inscriptions, tome IV. in-4o. Ce savant abbé prouve qu’aucun des historiens contemporains n’a fait mention d’un événement si singulier ; que Clotaire I. qu’on suppose souverain de cet endroit de la France où est située la seigneurie d’Yvetot, ne régnoit point dans cette contrée ; que le pape Agapet étoit déjà mort ; que dans ce même tems les fiefs n’étoient point héréditaires ; & qu’enfin