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les destours, les destours mobids, & les destours de destours.

On appelle erbid celui qui a subi la purification légale, qui a lu quatre jours de suite, sans interruption, le izeschné & le vendidad, & qui est initié dans les cérémonies du culte ordonné par Zoroastre.

Si après cette espece d’ordination l’erbid continue de lire en public les ouvrages du zend qui forment le rituel, & à exercer les fonctions sacerdotales, il devient mobid, s’il n’entend pas le zenda vesta, s’il se renferme dans l’étude de la loi du zend & du pehlvi, sans exercer les fonctions de ministre, il est appellé destour. Le destour mobid est celui qui réunit en lui les qualités du mobid & du destour ; & le destour de destours est le premier destour d’une ville ou d’une province. C’est celui-ci qui décide des cas de conscience & des points difficiles de la loi. Les Parsis lui paient une sorte de dixme ecclésiastique. En aucun lien du monde les choses célestes ne se dispensent gratuitement.

Arrivé à Surate, M. Anquetil trouva les Parsis divisés en deux sectes animées l’une contre l’autre du zele le plus furieux. La superstition produit par-tout les mêmes effets. L’une de ces sectes s’appelloit celle des anciens croyans, l’autre celle des réformateurs. De quoi s’agissoit-il entre ces sectaires, qui penserent à tremper toute la contrée de leur sang ? De savoir si le penon, ou la piece de lin de neuf pouces en quarré que les Parsis portent sur le nés en certain tems, devoit ou ne devoit pas être mise sur le nés des agonisans. Quid rides ? mutato nomine de te fabula narratur ?

Que produisit cette dispute ? Ce que les hérésies produisent dans tous les cultes. On remonte aux sources & l’on s’instruit. Les anciens livres de la loi des Parsis furent feuilletés. Bientôt on s’apperçut que les ministres avoient abusé de la stupidité des peuples, pour l’accabler de purifications dont il n’étoit point question dans le zend, & que cet ouvrage avoit été défiguré par une foule d’interprétations absurdes. On se doute bien que ceux qui oserent révéler aux peuples ces vérités, furent traités de novateurs & d’impies. A ces disputes il s’en joignit une autre sur le premier jour de l’année. Un homme de bien auroit en vain élevé la voix, & leur auroit crié : « eh, mes freres, qu’importe à quel jour l’année commence ? elle commencera heureusement aujourd’hui, demain, pourvû que vous vous aimiez les uns les autres, & que vous ayez de l’indulgence pour vos opinions diverses Croyez-vous que Zoroastre n’eut pas déchiré ses livres, s’il eût pensé que chaque mot en deviendroit un sujet de haine pour vous ? » cet homme de bien n’auroit été entendu qu’avec horreur.

M. Anquetil profita de ces divisions des Parsis pour s’instruire & se procurer les ouvrages qui lui manquoient. Bientôt il se trouva en état d’entreprendre en secret une traduction de tous les livres attribués à Zoroastre. Il se forma une idée juste de la religion des Parsis ; il entra dans leurs temples qu’ils appellent derimers, & vit le culte qu’ils rendent au feu.

L’enthousiasme le gagna ; il jetta ses vues sur le sanskret, & il songea à se procurer les quatre vedes ; les quatre vedes sont des ouvrages que les bramines prétendent avoir été composés, il y a quatre mille ans, par Kreschnou. Ils se nomment le samyeda, le ridjouveda, l’atharnaveda & le raghouveda. Le premier est le plus rare. Il y avoit une bonne traduction de ces livres faite par Abulfazer, ministre d’Akbar, il y a environ deux cens ans, que M. Anquetil ne négligea pas. Il se procura des copies de trois voca-

bulaires sanskretains, l’amerkosch, le viakkeren &

le nammala. Les deux premiers sont à l’usage des bramines ; le dernier est à l’usage des sciouras. Il conféra avec les principaux destours des lieux qu’il parcourut ; & il démontra par ses travaux infinis qu’il n’y a nulle comparaison à faire entre la constance de l’homme de bien dans ses projets & celle du méchant dans les siens.

Il apprit des auteurs modernes que la doctrine de Zoroastre avoit été originairement divisée en vingt & une parties ; il y en avoit sept sur la création & l’histoire du monde, sept sur la morale, la politique & la religion, & sept sur la physique & l’astronomie.

C’est une tradition générale parmi les Parsis qu’Alexandre fit brûler ces vingt & un livres, après se les être fait traduire en grec. Les seuls qu’on put conserver, sont le vendidad, l’izeschné, le wispered, les jeschts & les neaeschs. Ils ont encore une traduction pehlvique, originale du zend, & un grand nombre de livres de prieres, qu’ils appellent nerengs, avec un poëme de cent vingt vers, appellé barzournama, sur la vie de Roustoun, fils de Zoroastre, de Ssorab, fils de Roustoun, & de Barzour, fils de Ssorab.

Ce qui reste des ouvrages de Zoroastre, traite de la matiere, de l’univers, du paradis terrestre, de la dispersion du genre humain & de l’origine du respect que les Parsis ont pour le feu, qu’ils appellent athro-Ehoremesdaopothre, fils de Dieu. Il y rend compte de l’origine du mal physique & moral, du nombre des anges à qui la conduite de l’univers est confiée, de quelques faits historiques, de quelques rois de la premiere dynastie, & de la chronologie des héros de Ssillan & Zaboulestan. On y trouve aussi des prédictions, des traits sur la fin du monde & sur la résurrection, d’excellens préceptes moraux, & un traité des rites & cérémonies très étendu. Le style en est oriental, des répétitions fréquentes, peu de liaisons, & le ton de l’enthousiasme & de l’inspiré. Dieu est appellé dans le zend Meniossepeneste, & dans le pehlvi, Madonnadafzouni ou l’être absorbé dans son excellence. Le texte des vingt & une parties ou nosks du législateur Parsis s’appelle l’avesta ou le monde. Il est dans une langue morte tout-à-fait différente du pehlvi & du parsique. Les plus savans destours ne disent rien de satisfaisant sur son origine. Ils croient à la mission divine de Zoroastre. Ils assurent qu’il reçut la loi de Dieu même, après avoir passé dix ans au pié de son throne. M. Anquetil conjecture qu’il la composa retiré avec quelques collegues habiles entre des rochers écartés ; conjecture qu’il fonde sur la dureté montagnarde & sauvage du style. L’alphabet ou les caracteres de l’avesta s’appellent zend. Ils sont nets & simples ; on en reconnoît l’antiquité au premier coup d’œil. Il pense que le pehlvi, langue morte, a été le véritable idiome des Parsis, qui en attribuent l’invention à Kaio-Morts, le premier roi de leur premiere dynastie. Le caractere en est moins pur & moins net que le zend.

Le pahzend est un idiome dont il ne reste que quelques mots conservés dans les traductions pehlviques.

L’avesta est la langue des tems de Zoroastre, il l’apporta des montagnes ; les Parsis ne la connoissoient pas avant lui. Le pehlvi est la langue qu’ils parloient de son tems ; & le pahzend est l’avesta corrompu dont il leur recommanda l’usage pour les distinguer du peuple ; le pahzend est à l’avesta ce que le syriaque est à l’hébreu. Mereod dans l’avesta signifie il a dit, & c’est meri, dans pahzend. L’alphabet du pahzend est composé du zend & du pehlvi.

Les manuscrits sont de lin ou de coton enduit