ce qui est tel qu’il nous paroît. Quand je dis, par exemple, voilà un lingot de véritable or, la vérité n’a lieu qu’au cas que ce lingot soit effectivement ce que j’affirme qu’il est ; mais cette vérité est plutôt celle du jugement que celle de l’être même. Le lingot n’est pas tel que vous dites, mais il n’en a pas moins sa vérité transcendentale ; c’est une masse réelle qui ne sauroit être autre qu’elle est, & dont l’essence & les attributs sont liés par des raisons suffisantes.
Les deux grands principes, l’un de contradiction, l’autre de raison suffisante, sont la source de cette vérité universelle, sans laquelle il n’y auroit point de vérité logique dans les propositions universelles, & les singulieres elles-mêmes ne seroient vraies que dans un instant : car si un être n’est pas tellement ce qu’il est & qu’il ne puisse être autre chose, comment puis-je former les notions des genres & des especes, & compter sur elles ? Ces qualités & ces attributs que j’ai séparés comme fixes & invariables, ne sont rien moins que tels ; tout être est indifférent à tout autre attribut, il en reçoit & il en perd sans raison suffisante. Ce n’est donc qu’en supposant la vérité des êtres, c’est-à-dire l’immutabilité de leur essence, & la permanence de leurs attributs, qu’on peut les ranger dans ces classes génériques & spécifiques, dont la nécessité est indispensable pour former le moindre raisonnement. Les propriétés des nombres & des figures ne seroient pas plus constantes. Peut-être que demain deux & deux feront cinq, & qu’un triangle aura quatre angles : par-là toutes les sciences perdroient leur unique & inébranlable fondement.
Vérité éternelle, (Logiq. Métaphysiq. Morale.) c’est une proposition générale & certaine, qui dépend de la convenance, ou de la disconvenance qui se rencontre dans des idées abstraites.
Les propositions qui en découlent, sont nommées vérités éternelles, non pas à cause que ce sont des propositions actuellement formées de toute éternité, & qui existent avant l’entendement qui les forme en aucun tems ; ni parce qu’elles sont gravées dans l’esprit, d’après quelque modele qui soit quelque part, & qui existoit auparavant : mais parce que ces propositions étant une fois formées sur des idées abstraites, en sorte qu’elles soient véritables, elles ne peuvent qu’être toujours actuellement véritables, en quelque tems que ce soit, passé ou à venir, auquel on suppose qu’elles soient formées une autre fois par un esprit en qui se trouvent les idées dont ces propositions sont composées ; car les noms étant supposés signifier toujours les mêmes idées, & les mêmes idées ayant constamment les mêmes rapports l’une avec l’autre, il est visible que des propositions qui étant formées sur des idées abstraites, sont une fois véritables, doivent être nécessairement des vérités éternelles.
Ainsi ayant l’idée de Dieu & de moi-même, celle de crainte & d’obéissance ; cette proposition : les hommes doivent craindre Dieu & lui obéir, est une vérité éternelle, parce qu’elle est véritable à l’égard de tous les hommes qui ont existé, qui existent, ou qui existeront.
Ce sont des vérités éternelles que les rapports d’équité antérieurs à la loi positive qui les établit, comme par exemple, que supposé qu’il y eût des sociétés d’hommes raisonnables, il seroit juste de se conformer à leurs lois ; que s’il y avoit des êtres intelligens qui eussent reçu quelque bienfait d’un autre être, ils devroient en avoir de la reconnoissance ; qu’un être intelligent qui a fait du mal à un être intelligent, mérite de recevoir le même mal, & ainsi du reste. (D. J.)
Vérité fondamentale, (Logiq. Métaphysiq.) nos esprits sont si lents à pénétrer le fond des objets de leurs recherches, qu’il n’y a point d’homme qui
puisse connoître toutes les vérités de son art. Il est donc sage de se fixer aux questions les plus importantes, & de négliger les autres qui nous éloignent de notre but principal.
Tout le monde sait combien de tems la jeunesse perd à se remplir la tête de choses la plûpart inutiles. C’est à-peu-près, comme si quelqu’un qui veut devenir peintre, s’occupoit à examiner les fils des différentes toiles sur lesquelles il doit travailler, & à compter les soies des pinceaux dont il doit se servir pour appliquer ses couleurs ; mais il suffit sans doute d’insinuer, que toutes les observations qui ne contiennent rien d’intéressant, & qui n’aident pas à pousser nos connoissances plus loin, doivent être négligées.
Il y a en échange des vérités fondamentales dont il faut nous occuper, parce qu’elles servent de base à plusieurs autres. Ce sont des vérités fécondes, qui enrichissent l’esprit, & qui semblables à ces feux célestes, qui roulent sur nos têtes, outre l’éclat qui leur est naturel, & le plaisir qu’il y a de les contempler, répandent leur lumiere sur bien d’autres objets qu’on ne verroit pas sans leur secours. Telle est cette admirable découverte de M. Newton, que tous les corps pesent les uns sur les autres ; découverte qu’on peut regarder comme la base de la Physique, & qui a donné à ce beau génie, les moyens de prouver au grand étonnement de tous les Philosophes, l’usage merveilleux de ce principe, pour entendre le système de notre tourbillon solaire.
En fait de morale, le précepte de Jesus-Christ, qui nous ordonne d’aimer notre prochain, est une vérité si capitale pour la conservation des sociétés humaines, qu’elle suffit toute seule, pour nous déterminer dans la plûpart des cas qui regardent les devoirs de la vie civile. Ce sont des vérités de cette nature, qu’on peut nommer fondamentales, & que nous devrions rechercher ou pratiquer avec ardeur. (D. J.)
Vérité métaphysique, (Métaphys.) on entend par vérité métaphysique, l’existence réelle des choses conforme aux idées auxquelles nous avons attaché des mots pour désigner ces choses ; ainsi connoître la vérité, dans le sens métaphysique, c’est appercevoir les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, & en juger conformément à leur nature ; mais comme le grand jour convient moins aux jeux du théatre que la lumiere, ainsi la vérité plait moins que l’erreur à la plûpart des hommes, cependant quelle que soit leur foible vue, ou leurs affections dépravées, l’amant de la vérité, qui la recherche, qui la connoît, & qui en jouit, possede le plus grand bien auquel on puisse aspirer ici-bas. Il est beau de considérer du haut d’un mont escarpé, les erreurs & les égaremens des foibles mortels, pourvû qu’on les regarde d’un œil compatissant, & non pas d’un œil orgueilleux. C’est du pic de cette montagne qu’on apprend pourquoi la vérité, fille du ciel, tombe flétrie sous le poids des chaînes de la superstition. (D. J.)
Vérité morale, (Morale.) conformité de la persuasion de notre esprit avec la proposition que nous avançons, soit que cette proposition soit conforme à la réalité des choses ou non. Voyez Véracité. (D. J.)
Vérité, (Critiq. sacrée.) en grec ἀληθέια ; ce mot a divers sens particuliers dans l’Ecriture, qu’il faut développer. Il se prend pour la justice de Dieu : tu m’as humilié dans ta justice, in veritate tuâ, ps. 118. 75. Pour la loi divine : la loi de l’Eternel sera méprisée sur la terre, prosternetur veritas in terrâ, Daniel, viij. 12. Pour l’intelligence qui paroît dans un ouvrage : opus textile viri sapientis judicio & veritate præditi, Ecclés. xxv. 12. Le rational étoit un ouvrage tissu par un homme habile & intelligent dans son