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capricorne, où le centre du soleil à ces degrés ne paroîtra sur la partie du nord de l’horison pendant 23 jours, depuis le 30 Novembre jusqu’au 21 Décembre, & que cependant une partie du soleil sera sur l’horison pendant tout ce tems. Le 10 Décembre le bord touche l’horison, le 30 Novembre & le 31 Décembre la moitié du soleil sera au-dessus, & le centre sera dans l’horison ; quand son centre aura atteint le quatorzieme degre du capricorne, il sera tout-à-fait au-dessus de l’horison, vers le 24 de Décembre, & aussi quand il est au seizieme degré du sagittaire ou vers le 26 Novembre.

Mais à 75 degrés de latitude ou même à 70, la différence entre le lever du centre & du bord sera petite, & à peine d’un jour ou un jour & demi ; car la déclinaison du soleil commence alors à croitre & décroître fort vîte.

Il s’ensuit de ce peu de dépression qu’il doit y avoir quelques jours de crépuscule avant le lever du soleil & après son coucher ; & quand même le soleil seroit un jour entier sans se lever, cependant il y a de la lumiere à presque toutes les heures du jour. Une autre cause qui fait qu’on apperçoit le soleil avant qu’il soit élevé au-dessus de l’horison, est la réfraction des rayons. Non-seulement le soleil paroît plutôt, mais le crépuscule arrive plutôt dans l’air qu’il ne feroit, s’il n’y avoit point de réfraction.

4°. La lune étant pleine ou presque pleine, reste plusieurs jours sur l’horison, quand le soleil reste dessous ; & ce tems est d’autant plus long que le lieu est plus voisin du pole ; cependant elle n’est pas assez haute pour pouvoir donner aucune chaleur ; mais quand le soleil reste sur l’horison pendant toute une révolution, la pleine lune n’est jamais au-dessus.

5°. Les mêmes étoiles fixes se trouvent presque toujours sur l’horison ; mais non les mêmes planetes. Saturne est au-dessus de l’horison pendant quinze ans auprès du pole & quinze ans au-dessous ; Jupiter en est six au-dessus & six au dessous ; Mars un an ; Mercure & Vénus environ six mois : ce qui met encore beaucoup de différence entre les saisons.

6°. La terre est pleine de pierres & de rochers en beaucoup d’endroits ; & dans cette zone il n’y a guere de terre sulphureuse, grasse, bitumineuse. Dans le premier cas, la terre est un peu stérile, & dans le second, elle est assez fertile.

7°. Les lieux de la zone glaciale sont entourés de mers ; on ne connoit guere l’intérieur des terres.

8°. Il y a des pays sous la zone glaciale où se trouvent de hautes montagnes, & d’autres où il n’y a que de vastes plaines.

9°. Il souffle du pole des vents fort froids ; le vent d’est y est rare, & celui d’ouest encore plus ; mais les vents du nord regnent sous la zone glaciale arctique ; & sous l’antarctique ce sont les vents de sud.

10°. On y voit des nuages & des pluies très-fréquentes.

On peut juger par ce détail quelles sont les saisons des zones froides ; l’air en hiver y est obscur, nébuleux & gelé : ces lieux ont cependant la lumiere de la lune qui reste long-tems sur l’horison ; mais la froideur du climat fait qu’il n’y croît rien du tout. Au printems le froid est plus modéré ; cependant le pays n’est pas encore exempt de neiges, de pluies & des vents glacés qui viennent du nord. Le froid se ralentit lorsque le soleil passe du premier degré du bélier jusqu’au premier de l’écrevisse. Alors commence la chaleur, chaleur qui cependant n’est pas assez forte pour fondre la neige. L’été arrive quand le soleil entre dans le signe de l’écrevisse, & dure jusqu’à ce qu’il vienne au premier degré de la balance ; mais cet été même est quelquefois traversé par la neige ; de-là vient que le blé ne peut pas mûrir, excepté en quelques endroits voisins du cercle polaire arctique.

Voilà d’après Varenius, le tableau de la zone glaciale ; c’est à M. Thompson qu’il appartient de le colorier ; vous allez voir une seconde fois comme il sait peindre ; car je suppose que vous avez déja lu la description de la zone torride.

Notre hiver, quelque rigoureux qu’il soit, dit cet aimable poëte, seroit bien foible, si nos yeux étonnés perçoient dans la zone glaciale, où durant les tristes mois, une nuit continuelle exerce sur une immense étendue son empire étoilé. Là le russe exilé dans des prisons sans bornes, erre arrêté par la main de la nature qui s’oppose à sa fuite. Rien ne s’offre à sa vue que des deserts ensévelis dans la neige, des bois qui en sont surchargés, des lacs gelés, & dans le lointain, de rustiques habitans, qui ne savent des nouvelles du genre humain, que quand les caravanes dans leurs courses annuelles tournent vers la côte dorée du riche Cathay. Cependant ces peuples fourrés vivent tranquilles dans leurs forêts ; ils sont vêtus d’hermines blanches comme la neige qu’ils foulent aux piés, ou de martres du noir le plus luisant, orgueil somptueux des cours !

Là les daims s’assemblent en troupe & se serrent pour s’échauffer. L’élan avec son bois éleve sa tête de dessous la neige, & reste endormi dans l’abysme blanc. L’ours difforme, sauvage habitant de ces lieux, est encore défiguré par les glaçons qui pendent autour de lui. Il marche seul, & avec une patience fiere, dédaignant de se plaindre, il s’endurcit contre le besoin pressant.

Dans les régions spatieuses du Nord, qui voient le bouvier céleste conduire son char à pas lents, une race nombreuse en butte aux fureurs du Caurus glacial, ne connoit point le plaisir, & ne craint point les peines. Ce peuple ralluma une fois la flamme du genre humain éteinte dans un esclavage policé ; il chassa courageusement & avec une rapidité terrible, les tribus errantes de la Scythie, les poussa sans qu’elles pussent résister, jusqu’au sud affoibli, & donna une nouvelle forme à l’univers vaincu.

Les fils de Lapland méprisent au contraire le métier barbare & insensé de la guerre ; ils ne demandent que ce que la simple nature peut leur donner ; ils aiment leurs montagnes, & jouissent de leurs orages. Les faux besoins, enfans de l’orgueil, ne troublent point le cours paisible de leur vie, & ne les engagent point dans les détours agités de l’ambition. Leurs rennes font toutes leurs richesses ; ils en tirent leurs tentes, leurs robes, leurs meubles, une nourriture saine, une boisson agréable. La tribu de ces animaux débonnaires, docile à la voix du maître, tend le col au harnois qui l’attache à la voiture, & ils l’emportent rapidement à-travers les collines & les vallons, qui ne sont qu’une plaine endurcie sous une croûte de glace bleuâtre.

Ces peuples trouvent même dans la profondeur de la nuit polaire un jour suffisant pour éclairer leur chasse, & pour guider leurs pas hardis vers les belles plaines de Finlande ; ils sont conduits par la clarté vacillante des météores, dont la lueur réfléchit sans cesse sur les cieux, & par des lunes vives, & des étoiles plus lumineuses, qui brillent d’un double éclat dans le firmament. Le printems leur arrive du sud rembruni. L’aurore obscure s’avance lentement ; le soleil ne fait d’abord que paroître ; il étend ensuite son cercle enflé, jusqu’à ce qu’il soit vu pendant des mois entiers ; toujours faisant la ronde, il continue sa course spirale ; & il est prêt à submerger son orbe enflammé, il tourne encore, & remonte au firmament.

Dans cette joyeuse saison, les habitans tirent leur pêche des lacs & des fleuves aux lieux où s’élevent les montagnes de Néemi fréquentées par les fées, & où le Tenglio, orné de quelques roses, roule les flots argentins : ils retournent gaiement le soir char-