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sur la Genèse tirés des anciens peres, & qu’on nomme ordinairement catenæ.

» Je ne dois point oublier ici un beau pseautier in-4°. écrit en grec par un latin qui y a ajouté une traduction latine interlinéaire : le latin est écrit correctement, mais le grec qui est écrit sans accens est plein de fautes … Après cela ce que j’ai vu de plus curieux est un manuscrit fort récent, contenant un traité du patriarche Photius, περὶ πιστέως, qui n’est point imprimé, à-moins qu’il ne le soit dans ses épîtres ; plusieurs discours & sermons d’Eustathe, archevêque de Thessalonique, forment un autre manuscrit plus ancien, écrit sur du papier, & fort difficile à lire. J’y ai vu entr’autres un discours qui porte ce titre, Εὐσταθίου ἔτι διαϰόνοις ὄντος πρόλογος τῶν Πινδάρου παρεϰϐολῶν, ce qui prouve qu’Eustathe a fait des commentaires sur Pindare, dont je n’ai point ouï dire qu’on eût de connoissance. On trouve dans le même manuscrit des oraisons funebres de quelques empereurs de Constantinople, & plusieurs discours qui pourroient peut-être servir à l’histoire de ces tems-là.

» Il y a dans la même bibliotheque divers auteurs classiques manuscrits, comme Thucydide grec, avec les scholies anciennes, duquel Camérarius s’est servi pour l’édition latine qu’il a donnée de cet auteur ; un Salluste in-4°. du ix. siecle d’une beauté admirable. Quelques Virgiles, & quelques Ovides anciens : deux Horaces manuscrits vieux de cinq à six cens ans. Ils sont tous remplis de scholies marginales & interlinéaires, de peu de valeur … M. Patin parle d’un Virgile ; c’est un manuscrit moderne, qui n’est considérable que par la beauté de l’écriture & des ornemens qu’on y a prodigués.

» Ceux qui y chercheront l’alcoran écrit sur du papier de la Chine, dont Misson parle dans ses voyages, perdront leurs peines. L’alcoran dont il s’agit est écrit sur du papier oriental comme tous les autres, & ce n’est pas une piece rare … Entre les manuscrits modernes que j’y ai vus, est une histoire de Saladin in fol. écrite en arabe, & traduite en latin par un savant de Bâle, qui se nommoit M. Harder … Le cabinet d’Amerbach se conserve dans la même bibliotheque.

» Il y a plusieurs médailles & plusieurs tableaux d’Holbein dans le même lieu, &c. J’y ai vu une traduction d’un traité de Plutarque de la main d’Erasme : son testament écrit aussi de sa main ; & une permission qu’il avoit obtenue de manger de la viande toute sa vie.

» Entre les ouvrages de la nature & de l’art que l’on garde dans ce cabinet, ce qui m’a frappé davantage est une grosse piece de plomb que l’on a trouvée depuis quelques années dans un pré, en un endroit où l’herbe ne croissoit point, & où l’on fouilla pour en découvrir la raison. C’est, selon les apparences, un poids ancien : il y a dessus cette inscription, Societat. S. T. Luc. Ret. Ce morceau de plomb pese prodigieusement, & beaucoup plus que ne doit peser une piece d’un volume égal à celui-là ». Histoire de la vie & des ouvrages de M. de la Croze. (D. J.)

BIBLIOTHEQUE de Vienne. (Hist. Littéraire.) Lambecius (Pierre) né à Hambourg en 1628, & mort en 1680, nous a donné le vaste catalogue de la Bibliotheque de Vienne.

Cet ouvrage est en huit volumes in-folio, qui ont paru successivement depuis l’année 1665 jusqu’en 1679, sous le titre de commentariorum de augustissimâ bibliothecâ Cæsareâ Vindobonensi, lib. I. II. &c. Le premier contient l’histoire générale de la bibliothéque ; il est divisé en deux parties : dans la premiere

se trouve l’histoire de la bibliotheque depuis sa fondation jusqu’au tems où il écrit ; & il parle de tous ceux qui l’ont précédé dans la garde de cette bibliotheque. Il y donne aussi une idée générale des médailles dont il spécifie les plus rares ; & il fait la description d’un tombeau très-ancien qu’on découvrit à Vienne en 1662. Dans la seconde partie il traite de sept manuscrits qui sont dans la bibliotheque de Vienne, d’un ouvrage de Grégoire de Nice, de creatione hominis. Il donne trois lettres de Luc Holstenius à Sébastien Teugnagel, bibliothéquaire de l’empereur en 1630, où l’on trouve entr’autres choses une notice des livres arabes & syriaques imprimés à Rome. Il corrige aussi le catalogue que Possevin a publié des manuscrits grecs de la bibliotheque impériale. Il parle du seul manuscrit qu’on ait de l’histoire ecclésiastique de Nicephore Calliste ; il donne un catalogue des manuscrits hébreux, arabes & turcs qui s’y trouvent. Ce premier tome parut en 1665.

Le second fut publié en 1669. L’auteur y fait des recherches sur le nom de la ville de Vienne. Il y parle de quelques manuscrits concernant cette ville, des livres de la bibliotheque des archiducs du Tyrol qui avoient été transportés dans celle de Vienne.

Je ne sais où le p. Niceron a pris les livres de la bibliotheque de Bude, transportés dès-lors à Vienne, quoiqu’ils n’y aient été remis que près de dix-sept ans après ; mais cet auteur a confondu la relation que Lambecius a faite dans le chapitre IX. de ce second livre de son voyage de Bude. Le troisieme livre parut en 1670 ; le quatrieme en 1671 & le cinquieme en 1672. Il s’agit dans ces trois livres des manuscrits grecs de théologie, dont Lambecius donne une notice exacte & détaillée. Il marque les ouvrages qui sont véritablement des auteurs dont ils portent le nom, & ceux qui sont supposés ; ceux qui ont été imprimés & ceux qui n’ont pas encore paru : tout cela accompagné de remarques sur les auteurs, sur les éditeurs, sur l’usage qu’on peut tirer des manuscrits dont il parle.

Le sixieme livre qu’il publia en 1673, traite des manuscrits grecs de jurisprudence & de médecine. On y trouve douze lettres de Libanius à Aristénette, que Luc Holstenius lui avoit autrefois envoyées copiées sur un manuscrit du vatican ; & vingt-deux lettres que le même Holstenius avoit écrites à Lambecius dans sa jeunesse : celui-ci y a ajouté des remarques.

Le septieme livre parut en 1675 ; il y est question des manuscrits grecs de philosophie. Parmi les additions on trouve un ouvrage du p. Prosper Intercetta, jésuite & procureur des missions à la Chine en 1667, & à Goa en 1669. Le huitieme livre qui parut en 1679, traite des manuscrits grecs sur l’histoire ecclésiastique.

Voici le plan de cet immense ouvrage tel que Lambecius lui-même l’a donné. Dans la seconde partie du livre VIII. il devoit parler des manuscrits grecs sur l’histoire profane. Dans le neuvieme, des manuscrits grecs de philologie. Il destinoit les six livres suivans aux manuscrits latins, italiens, espagnols, françois & allemands, sur toutes les sciences dont il avoit produit les manuscrits grecs. Le seizieme étoit pour les manuscrits orientaux ; c’est-à-dire, hébreux, syriaques, arabes, turcs, persans, chinois, sur toutes sortes de matieres. Dans le dix-septieme, l’auteur devoit donner une liste de trois mille médailles & d’autres raretés ou antiquités qui embellissent la bibliotheque de Vienne. Le dix-huitieme étoit pour un recueil de mille lettres choisies, écrites pendant le xvj. & xvij. siecle, soit aux bibliothéquaires de l’empereur, soit par ceux-ci à divers savans. Les six livres suivans étoient destinés à donner le catalogue des livres imprimés en toutes les sciences. En-