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ter ? De tels moyens sont utiles à tous les artistes ; car ils enflammeront ceux qui sont nés avec un puissant génie, & ceux que la nature n’a pas si bien traités, en ressentiront au-moins quelque chaleur, qui se répandra sur leurs ouvrages.

Qu’on ne vienne point ensuite le crayon à la main, éplucher, censurer les légers défauts qui ont pu échapper à l’artiste à la suite de son transport, & qui doivent échapper nécessairement aux plus grands maitres, par l’effet de l’enthousiasme même. Plaignons ces peintres flegmatiques réduits aux vérités seches & correctes, & qui sont incapables de goûter les beautés de l’imagination & du sentiment. (D. J.)

EPIGAMIE, s. f. (Littérature.) ἐπιγαμία, droit réciproque que des personnes de différente nation avoient de se marier ensemble ; c’étoit une sorte de convention que l’on inséroit chez les Grecs dans le traité d’alliance. Xénophon en parle dans la cyropédie. (D. J.)

ESTER, s. f. (Comm.) espece de natte, ou tissu de paille. Les Orientaux les étendent par terre, & se couchent dessus ; ils n’ont point d’autre lit.

Il y a aussi des esters de crin de différentes couleurs avec lesquelles on forme divers compartimens ; celles-là servent à couvrir les matelats de canapés.

ETAT, (Droit politique.) il faut ajouter les réflexions suivantes de Bacon, à l’article du Dictionnaire.

La grandeur d’un état se mesure par l’étendue de son territoire, par le calcul de ses revenus, par le dénombrement de ses habitans, par la quantité de ses villes, & la force de ses places ; par sa marine & par son commerce. Il y a des empires si grands, qu’ils ne peuvent que perdre & se démembrer ; d’autres si heureusement bornés, qu’ils doivent se maintenir dans leur constitution naturelle.

De bonnes citadelles, des arsenaux bien munis, de nombreux haras, une brillante artillerie, ne font pas la force d’un état, s’il n’y a des bras pour les mettre en œuvre, & surtout du courage dans le cœur de la nation. On a beau dire que l’argent est le nerf de la guerre, si le soldat n’est pas libre & vigoureux. Les troupes étrangeres, soudoyées aux frais d’une nation, la défendront, mais ne l’aggrandiront pas.

Un état qui veut s’aggrandir, doit prendre garde au corps de sa noblesse ; car si elle vient à opprimer le peuple, il arrivera ce qu’on voit dans les forêts, où les arbres de haute futaie étouffent les rejettons. L’état a beau peupler alors, il n’en sera pas plus fort. L’Angleterre se soutient par la force du bas-peuple, à qui sa liberté releve le courage : elle a par cet endroit un avantage visible sur tous les pays voisins.

L’homme, il est vrai, ne peut ajouter une coudée à sa stature, mais il dépend toujours des souverains d’aggrandir le corps d’un empire ; les lois, les mœurs, les entreprises, sont autant de semences de grandeur ; c’est au génie à les développer ; mais comme les grands projets sont des peines brillantes, il en coûte moins aux ministres de livrer un empire au cours de la fortune.

C’est le commerce extérieur qui fait la principale richesse des états. Il roule sur la matiere, le travail & le transport ; trois objets dans le prix des marchandises. Souvent l’ouvrage surpasse la matiere, & le port ou les droits l’emportent sur l’une & l’autre ; c’est alors que l’industrie produit plus que le fonds.

Un état peut être fort riche, & les citoyens mourir de faim, si l’argent ne circule pas, ou s’il se trouve dans un trop petit nombre de mains. L’usure & les monopoles font plus de ravages que les brigands de la mer & des forêts. (D. J.)

ETOILE qui file, (Physiq.) Ce n’est pas réellement une étoile comme le vulgaire l’imagine, c’est une espece d’exhalaison enflammée dans l’air, très-com-

mune en été, & dont la lumiere parcourant rapidement

un espace du ciel, fait voir une lumiere continue, parce que la ligne d’impression vive qu’elle trace dans l’œil, s’opere si promptement, que tous les points de cette ligne d’impression subsistent ensemble un certain espace de tems. C’est ainsi que les enfans trompent leurs yeux, en remuant avec vitesse un petit morceau de bois embrasé par le bout. (D. J.)

EUSEBIENS, les, (Hist. ecclesiast.) cette secte prit son nom d’Eusebe, l’auteur de l’histoire ecclésiastique, que l’on suppose avoir favorisé Arius. Voici ce qu’il pensoit sur la Trinité. Il déclare en plusieurs endroits, que le verbe est Dieu & fils de Dieu : il soutient expressément qu’il n’a pas été tiré du néant, & créé dans le tems, mais qu’il étoit engendré de toute éternité de la substance du pere : il rejette absolument le sentiment de ceux qui disoient que le verbe avoit été produit de rien, & qui le mettoient au rang des créatures.

Mais il paroît insinuer en plusieurs endroits, & principalement dans son traité contre Marcel, que le fils n’est pas égal au pere, & qu’on ne lui doit point le même degré d’adoration. Il soutient cette même opinion dans tous les ouvrages dans lesquels il rejette le sentiment de ceux qui prétendoient que le fils avoit été tiré du néant, & n’étoit point d’une même substance avec le pere, ni de toute éternité ; mais il semble admettre quelque inégalité entre le pere & le fils, & penser que la connoissance du fils est en quelque maniere dépendante & inférieure à celle du pere.

De là vint qu’il ne se fit point de peine de reconnoître dans le concile de Nicée, que le fils étoit Dieu de toute éternité, & de rejetter en terme exprès la doctrme d’Arius, qui soutenoit que le fils avoit été tiré du néant, & qu’il y avoit eu un tems où il n’existoit point : mais il se fit toujours de la peine d’approuver le terme de consubstantiel, qui signifie que le fils est de la même substance que le pere ; & quand il souscrivit à ce terme, il y donna un sens fort éloigné de celui qui établit l’égalité du pere & du fils.

Dans la lettre qu’il écrivit à son église : Quand on affirme, dit-il, que le fils est consubstantiel au pere, on entend seulement que le fils de Dieu n’a aucune ressemblance avec les créatures qui ont été faites par lui, & qu’il en a une parfaite avec son pere, parce qu’il a été engendré, & non d’une autre hypostase ou d’une autre substance. Ce qui fait voir qu’Eusèbe n’a point approuvé ce terme, en tant qu’il établit une parfaite égalité entre le pere & le fils, mais en tant qu’il établit la ressemblance du fils avec le pere, ce qui signifie que le fils est engendré du pere.

On doit observer ici qu’Athanase, dans le traité des synodes, & dans le livre de la décision du concile de Nicée, témoigne qu’il n’approuve en aucune maniere l’explication qu’Eusèbe donnoit à ce terme. Mais ce qui le rendit suspect d’hétérodoxie sur cet article, ce furent principalement les liaisons qu’il eut avec les évêques du parti d’Arius, les louanges qu’il leur a toujours données, son silence dans son histoire ecclésiastique sur ce qui regarde le concile de Nicée, & la maniere peu avantageuse dont il en parle dans ses livres de la vie de Constantin.

Il est bien plus difficile de le défendre sur son opinion, par rapport au S. Esprit ; car il assure qu’il n’est point véritablement Dieu. Le S. Esprit, dit-il, n’est ni Dieu, ni fils de Dieu, parce qu’il ne tire point son origine du pere comme le fils, étant au nombre des choses qui ont été faites par le fils.

Ce que nous avons dit jusqu’ici des sentimens d’Eusèbe, fait voir d’un côté que c’est à tort que Socrate, Sozomene & quelques auteurs modernes l’excusent de s’être écarté des notions reçues sur la Tri-