Le mur extérieur est tout désolé ; il n’en reste que sept trémeaux ; Panvinus rapporte qu’il fut abattu par un tremblement de terre en 1583 ; mais on a un peu réparé les bancs, à mesure que le tems les a voulu détruire.
Il y en avoit du tems de Misson quarante-quatre, & il ajoute qu’il a compté cinq cens trente pas dans le tour du plus élevé, & deux cens cinquante au plus bas. Antoine Desgodetz architecte, a écrit que le diametre de l’arène sur la longueur, est de deux cens trente-trois piés, mesure de France ; que l’autre diametre sur la largeur est de cent trente-six piés huit pouces : que l’épaisseur du bâtiment, sans le corridor extérieur, est de cent piés quatre pouces ; & qu’avec chaque épaisseur du mur & du corridor aux deux bouts de l’amphithéatre, il est de cent-vingt piés dix ponces ; de sorte que la longueur du tout est de quatre cens soixante & quatorze piés, huit pouces. Chaque degré a près d’un pié & demi de haut, & à-peu-près vingt-six pouces de large ; l’élévation du tout, est de quatre-vingt-treize piés, sept pouces & demi.
On voit encore à Vérone les vestiges d’un arc de triomphe, érigé en l’honneur de Marius, après la victoire qu’il remporta dans le territoire de cette ville. C’est en cet endroit, selon la commune opinion, que passoit la voie Emilienne qui conduisoit d’Arimini à Vérone, & à Aquilée. Il y reste un arc de marbre qui fut autrefois consacré à Jupiter, & tout proche, sont les débris d’un temple ; mais les curieux de tout ce qui concerne cette ville, trouveront de quoi se satisfaire dans l’histoire de Vérone par Muratori, Venise, 1732, in-fol. & in-8°. en 4 vol. avec figures, ainsi que dans la chronica della cita di Verona, descritta da Pietro Zagusta, in Verona, 1745, in-4°. 2. vol.
Cette ville se glorifie d’avoir produit sous l’ancienne Rome, Pline le naturaliste, Vitruve, Catulle, & Cornelius Nepos, dont j’ai parlé sous le mot Verona ; elle n’a pas été stérile en savans depuis le retour des Belles-Lettres. J’en vais nommer quelques-uns dont elle est la patrie ; Bianchini, Bossus, Fracastor, Guarini, Panvini, Noris, Scaliger, & Paul Emile.
Bianchini (François) physicien & mathématicien, naquit dans cette ville en 1662, & mourut en 1729, à 67 ans. On a de lui une édition d’Anastase le bibliothécaire, & quelques dissertations de physique.
Bossus (Matthieu) mérite un rang parmi les hommes illustres en vertu & en savoir, du xv. siecle. Il naquit à Vérone l’an 1427, & mourut à Padoue en 1502, à 75 ans ; il composa plusieurs livres de morale & de piété, entre autres celui de immoderato mulietum cultu, imprimé à Strasbourg, en 1509, in-4°. mais on répondit à son ouvrage, & les dames trouverent un apologiste qui plaida leur cause avec autant d’esprit que de savoir. Les femmes aimeront toujours d’être parées ; S. Jérome appelle le beau sexe philocosmon, le sexe amateur de la parure ; & il ajoute qu’il savoit beaucoup de femmes de la plus grande vertu qui se paroient pour leur seule satisfaction, sans avoir dessein de plaire à aucun homme. « L’affection des femmes, dit-il à Démétrias, est fort imparfaite ; car lorsque vous étiez dans le siecle, vous aimiez les choses du siecle ; comme de blanchir votre visage, de relever votre teint avec du vermillon, de friser vos cheveux, & d’orner votre tête de cheveux étrangers. L’objet de la passion & de la folie des dames de qualité, continue-t-il, est de rechercher la richesse des diamans, la blancheur des perles pêchées au fond de la mer rouge, le beau verd des émeraudes, & l’éclat des rubis ». Nos saints Jéromes disent que c’est toujours
la même chose, & nous avons vu dans quelque autre article, que ce goût naturel au sexe est fort excusable.
Fracastor (Jérome) poëte & médecin du xvj. siecle, mourut d’apoplexie en 1553, à 71 ans ; sa patrie lui fit élever une statue en 1559. Ses ouvrages ont été imprimés à Padoue en 1735, 2. vol. in-4o. mais son poëme intitulé Syphilis, méritoit seul cet honneur.
Fratta (Jean) poëte italien véronois, du xvj. siecle. On a de lui des églogues médiocres, & un poëme héroïque, intitulé la Maltéïde, auquel le Tasse donnoit son suffrage ; mais la postérité ne l’a point confirmé.
Guarini, natif de Vérone, a été l’un des premiers qui ont rétabli les Belles-Lettres dans l’Italie au xv. siecle. Il mourut à Ferrare en 1460 ; sa traduction d’une partie de Strabon, étoit bonne pour le tems ; mais son nom a été encore plus illustré par son petit-fils, auteur du Pastor-Fido, poëme pastoral, qu’Aubert le Mire a mis plaisamment au nombre des livres de piété, croyant que c’étoit un traité théologique des devoirs des pasteurs.
Panvini (Onuphre) religieux de l’ordre de saint Augustin, dans le xvj. siecle, étoit savant littérateur, comme il paroît par ses ouvrages sur les fastes consulaires, les fêtes & les triomphes des Romains ; mais il n’osoit avouer qu’il ignoroit quelque chose, par sa présomption d’avoir des lumieres dont les autres manquoient. Il inventoit des inscriptions & des monumens dont il servoit à autoriser ses sentimens, ou ses rêveries. Cette fraude découverte, a décrié ses ouvrages, qui auroient été estimables, s’il eût eu moins d’imagination, & sur-tout s’il eût eu de la bonne foi ; il est mort en 1578, âgé d’environ 40 ans.
Noris (Henri) l’un des savans hommes du xvj. siecle, s’éleva par son mérite au cardinalat. Il dut cette dignité à Innocent XII. qui l’employa en 1702 à la réformation du calendrier. Il mourut à Rome en 1704, à 73 ans ; toutes ses œuvres ont été recueillies, & imprimées à Vérone en 1729, en 5 vol. in-fol. On estime beaucoup son traité sur les époques des Syro-Macedoniens, ainsi que son histoire pélagienne, dont-il donna la quatrieme édition en 1702. Quand ce dernier ouvrage parut pour la premiere fois, il fut déféré au tribunal de l’inquisition, qui heureusement étoit tout dévoué à l’auteur ; en sorte que ce livre non seulement sortit de l’examen sans flétrissure, mais le pape Clément X. honora Noris du titre de qualificateur du saint office. Ses ennemis revinrent à la charge en 1692, & attaquerent encore son histoire pélagienne, mais sans succès ; tous les témoignages des examinateurs lui furent si favorables, que sa sainteté pour marquer à l’auteur son estime particuliere, le nomma consulteur de l’inquisition, membre de toutes les congrégations, & bibliothécaire du Vatican.
Scaliger (Jules-César) critique, poëte, médecin, philosophe, & l’un des plus habiles hommes du xvj. siecle, naquit en 1484, au château de Ripa, dans le territoire de Vérone. Il se disoit descendu des princes de l’Escale souverains de Vérone, & qui s’y rendirent formidables par leurs conquétes ; mais la gloire de la naissance de Scaliger lui fut contestée, & les lettres de naturalité qu’il obtint en France, sont entierement contraires à sa prétention, vu qu’il n’y est qualifié que médecin natif de Vérone : on trouvera ces lettres dans le dictionnaire de Bayle, au mot Vérone.
Scaliger est mort à Agen le 21 Octobre 1558, à 75 ans ; son traité de l’art poëtique, son livre des causes de la langue latine, & ses exercitations contre Cardan, sont ses trois ouvrages les plus estimés.