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au cadet, la remet en sa place, donne le couteau ou spatule, embarre au-devant de l’affut pour l’alignement sur le piquet, passe un levier sous le ventre du mortier pour l’élevation, prend le boute-feu, & met le feu à la fusée, nettoye le mortier avec la curette.

Deuxieme servant à la gauche : va chercher la bombe chargée, aide au cadet à la placer, embarre au derriere de l’affut pour l’alignement, pousse ou retire le coin derriere pour l’élevation, prend un levier & met le mortier debout.

Deuxieme servant de la droite : va chercher la bombe chargée, aide au cadet à la placer, embarre au derriere de l’affut pour l’alignement, prend un levier, & met le mortier debout, balaye la batterie. Mém. d’Artillerie de S. Remy, troisieme édition.

Batterie à ricochet, c’est celle qui est destinée à tirer le canon à ricochet.

On dit qu’on tire le canon à ricochet, lorsqu’on le charge d’une quantité de poudre capable seulement de chasser ou porter le boulet vers le commencement des faces des pieces attaquées. Il faut pour cela que le canon soit posté dans le prolongement de ces faces. Le boulet tiré de cette maniere va en roulant & en bondissant, & il tue ou estropie tous ceux qu’il rencontre dans le cours de son mouvement. Il fait bien plus de desordre en allant ainsi mollement, que s’il étoit chassé avec force ou roideur.

Les batteries à ricochet ont été inventées par M. le maréchal de Vauban : il commença à les employer au siege d’Ath en 1697. Voici ce qu’il prescrit touchant ces batteries, dans son traité de l’Attaque des places.

Pour tirer à ricochet il faut mettre les pieces sur la semelle, c’est-à-dire à toute volée, & charger avec des mesures remplies & raclées avec exactitude, versant la charge dans la lanterne, & la conduisant doucement au fond de la piece, sur laquelle on coule la bourre, appuyant dessus avec le refouloir sans battre. La piece étant chargée de la sorte, pointée & posée sur la semelle, comme il est dit ci-dessus, il n’y aura plus que le trop ou le trop peu de charge qui puisse empêcher le coup d’aller où l’on veut. Mais on a bien-tôt trouvé la véritable charge qu’il lui faut ; car en chargeant toûjours de même poudre & de mesure, on l’augmente ou diminue jusqu’à ce qu’on voie le boulet entrer dans l’ouvrage, effleurant le sommet du parapet, ce qui se voit aisément, parce qu’on conduit le boulet à l’œil. Quand on a une fois trouvé la vraie charge, il n’y a qu’à continuer : comme la piece ne recule pas, au moins sensiblement, à cause de cette charge qui est beaucoup plus petite que la charge ordinaire, tant que la même poudre dure, le boulet se porte toûjours où il doit aller.

Observez aussi que quand on change de poudre, il faut prendre garde au ricochet, & le régler de nouveau ; & quand il est trop fort, c’est-à-dire quand il éleve considérablement, il sera bon de l’abaisser & d’employer pour cet effet le coin de mire, & augmenter la charge afin de le roidir un peu davantage ; il en devient plus dangereux : mais il faut prendre garde à deux choses ; l’une, de ne pas trop roidir, parce qu’il pourroit passer sans plonger ; & l’autre, qu’il rase toûjours les paniers dont les soldats assiégés se couvrent ; & quand il en abat quelqu’un, il n’est que meilleur ; car c’est la perfection de bien tirer que de raser toûjours le sommet du parapet le plus près qu’il est possible, sans le toucher ; un peu d’expérience & d’attention l’ont bientôt reglé.

Il faut encore bien prendre garde à une chose, c’est que le ricochet ne doit pas faire bond sur le parapet des faces prolongées, mais sur le rempart qui est derriere ; c’est pourquoi il faut toûjours laisser quatre toises ou environ, depuis le devant des pieces que l’on bat jusqu’à l’endroit où l’on pointe. Quand il y

a lieu de changer d’objet & de battre en revers sur le chemin couvert, ou dans le fossé ou sur l’arriere des bastions, il n’y a qu’à donner un peu de flasque à la piece, la repointer, & toûjours l’abattre sur la semelle, & remonter ensuite le ricochet jusqu’à ce qu’on soit ajusté, après quoi il n’est plus nécessaire d’y retoucher. Quand les pieces sont dirigées sur ce qu’on veut battre, comme elles ne reculent point, on peut les affermir pour la nuit & le jour, & quand même il faudroit les contenir par des tringles cloüées sur les plattes-formes pour mieux s’en assûrer, cela n’en seroit que mieux.

Le nombre des pieces aux batteries à ricochets doit être depuis cinq jusqu’à huit ou dix ; si l’on en mettoit moins, le ricochet seroit trop lent, & laisseroit du tems à l’ennemi, dont il pourroit se prévaloir pour travailler à ses retranchemens.

Par cette raison on ne doit jamais permettre de tirer en salve, mais toûjours un coup après l’autre par intervalles égaux.

On ne doit jamais non plus tirer à ricochet qu’on ne charge avec des mesures, c’est de quoi on doit être abondamment fourni.

Les mesures nécessaires doivent être de fer-blanc, comme celles dont on mesure le sel ; savoir, d’une once, de deux, de trois, de quatre, de huit qui font la demi-livre, & de seize onces qui font la livre.

Cette quantité par chaque piece doit suffire, & même on pourroit se contenter de moins ; car s’il s’agit de charger d’une once, vous en aurez la mesure, si de deux, vous l’avez aussi ; si de trois, de même ; si de quatre, vous l’avez encore ; si de cinq, ajoûtez un à quatre ; si de six, ajoûtez deux à quatre ; si de sept, ajoûtez trois à quatre ; la huitieme fait la demi-livre, qui repetée deux fois fait la livre ; trois fois fait la livre & demie ; quatre fois font deux livres.

Il vaut mieux néanmoins avoir quelques mesures de plus pour ne point tâtonner, & les faire toutes numéroter avec bien de l’exactitude. On est bientôt accoûtumé au ricochet, qui est la meilleure & la plus excellente maniere d’employer utilement le canon dans les siéges.

Les propriétés de ces batteries dans les commencemens d’un siége, sont,

1°. De démonter promptement les barbettes & toutes les autres pieces montées le long des faces des bastions & demi-lunes, qui peuvent incommoder la tranchée, en battant à pleine charge.

2°. De plonger les fossés, y couper les communications de la place aux demi-lunes, principalement s’ils sont pleins d’eau.

3°. De chasser l’ennemi des défenses de la place opposées aux attaques, en battant à ricochet.

4°. De chasser l’ennemi des chemins couverts, & de l’y tourmenter tellement par la rupture des pallissades, en les plongeant d’un bout à l’autre, qu’il soit obligé de les abandonner.

5°. De prendre le derriere des flancs & des courtines qui peuvent s’opposer aux passages des fossés, & les rendre inutiles.

6°. D’être d’une grande œconomie, en ce qu’elles peuvent servir tant que le siége dure, sans qu’on soit obligé de changer les batteries.

7°. De consommer sept ou huit fois moins de poudre, & de ne tirer jamais inutilement.

8°. De tirer plus juste & plus promptement, & bien plus efficacement que par toutes les autres manieres de battre.

Après les batteries à ricochet, il n’en faut pas d’autres que celles du chemin couvert ; car pour ce qui est de rompre les défenses, outre qu’elles sont de longue discussion, c’est une erreur, on ne le fait jamais ; & il n’arrive point qu’un parapet à l’épreuve soit assez rasé pour que l’on ne s’en puisse plus servir.