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papier, l’or, l’argent, les livres, &c. voyez ci-dessous quelques autres significations du même terme, ou quelques-unes des précédentes plus détaillées.

* Battre l’or, l’argent, le cuivre (Ordre encyc. Entend. Mém. Hist. Hist. de la Nat. employée, Arts Méchan. Art de battre l’or.) ; c’est l’action de réduire ces métaux en feuilles extrèmement minces, mais plus ou moins cependant, selon le prix qu’on se propose de les vendre : cette action s’appelle batte, & l’ouvrier batteur.

Les opérations principales sont la fonte, la forge, le tirage au moulin, & la batte. On peut appliquer ce que nous allons dire de l’or aux autres métaux ductiles.

L’or qu’on employe est au plus haut titre, & il est difficile d’en employer d’autre : l’alliage aigrit l’or, le rend moins ductile ; & l’ouvrier qui l’allieroit s’exposeroit à perdre plus par l’inutilité de son travail, qu’il ne gagneroit par le bas alloi de la matiere. Les Batteurs d’or le prennent en chaux chez l’affineur de la monnoie, à vingt-quatre carats moins un quart, ou à cent trois livres l’once. Il y en a qui préferent à cet or les piastres, & autres anciennes pieces d’Espagne : ils prétendent que même en alliant l’or de ces monnoies, il se bat mieux & plus facilement que celui qu’ils sont obligés d’acheter à cent trois livres l’once. Il y a trois sortes d’or en feuille ou battu, l’or pâle, l’or fin ou verd, & l’or commun. On employe l’or dans toute sa pureté, & comme il vient de l’affinage dans l’or fin battu : il y a quatre gros de blanc ou d’argent sur l’once d’or, dans l’or pâle ou verd ; & jusqu’à douze grains de rouge, ou de cuivre de rosette, & six grains de blanc ou d’argent dans l’or commun.

On fond l’or dans le creuset avec le borax, comme on voit Pl. du Batteur d’or fig. 1. & quand il a acquis le degré de fusion convenable, on le jette dans la lingotiere a, qu’on a eu grand soin de faire chauffer auparavant pour en ôter l’humidité, & de frotter de suif.

Ces précautions sont nécessaires ; elles garantissent de deux inconvéniens également nuisibles ; l’un en ce que les parties de la matiere fondue qui toucheroient l’endroit humide pourroient rejaillir sur l’ouvrier ; l’autre en ce que les particules d’air qui s’insinueroient dans l’effervescence causée par l’humidité entre les particules de la matiere, y produiroient de petites loges vuides ou soufflures, ce qui rendroit l’ouvrage défectueux. Après la fonte on le fait recuire au feu pour l’adoucir, & en ôter la graisse de la lingotiere.

Quand la matiere ou le lingot est refroidi, on le tire de la lingotiere pour le forger. On le forge sur une enclume b qui a environ trois pouces de large, sur quatre de long, avec un marteau c qu’on appelle marteau à forger : il est à tête & à panne ; il pese environ trois livres ; sa panne peut avoir un pouce & demi en quarré, & son manche six pouces de long. Si l’ouvrier juge que ce marteau ait rendu sa matiere écroüie, il la fait encore recuire : d est le bloc de l’enclume.

Ou l’on destine la matiere forgée & étirée au marteau à passer au moulin, ou non : si l’on se sert du moulin, il suffira de l’avoir réduite sur l’enclume à l’épaisseur d’environ une ligne & demie, ou deux lignes, au plus. Le moulin est composé d’un banc très-solide, vers le milieu duquel se fixe avec de fortes vis le chassis du moulin : ce chassis est fait de deux jumelles de fer d’un demi-pouce d’épaisseur, sur deux pouces & demi de largeur, & quatorze pouces de hauteur. Ces jumelles sont surmontées d’un couronnement, qui avec la traverse inférieure servent à consolider le tout. Le couronnement & les jumelles sont unis par de longues & fortes vis. Dans

les deux jumelles sont enarbrés deux cylindres d’acier, polis, de deux pouces de diametre, sur deux pouces & demi de longueur ; le supérieur traverse des pieces à coulisses, qui à l’aide d’une vis placée de chaque côté, l’approchent ou l’écartent plus ou moins de l’inférieure, selon que le cas le requiert : l’axe du cylindre inférieur est prolongé de part & d’autre du chassis ; à ses deux extrémités équarries s’adaptent deux manivelles d’un pié & demi de rayon, qui mettent les cylindres en mouvement. Les cylindres mobiles sur leur axe étendent en tournant la matiere serrée entre leurs surfaces, & la contraignent de glisser par le mouvement qu’ils ont en sens contraires.

L’artiste se propose deux choses dans le tirage ; la premiere d’adoucir les coups de marteau qui avoient rendu la surface du métal inégale & raboteuse ; la seconde d’étendre en peu de tems le métal très-également. Les ouvriers suppléoient autrefois au moulin par le marteau ; & quelques-uns suivent encore aujourd’hui l’ancienne méthode.

Ceux qui se servent du moulin obtiennent par le moyen de cette machine un long ruban, qu’ils roulent sur une petite latte ; ils le pressent fortement sur la latte, afin qu’il prenne un pli aux deux côtés de la latte, qu’ils retirent ensuite ; & afin que le ruban ne se détortille pas, qu’il conserve son pli aux endroits où il l’a pris, & que les surfaces de ses tours restent bien exactement appliquées les unes sur les autres, ils font deux ligatures qui les contiennent dans cet état, l’une à un bout, & l’autre à l’autre : ces ligatures sont de petites lanieres de peau d’anguille. Cela fait, avec le même marteau qui a servi à forger ils élargissent la portion du ruban comprise entre les deux ligatures, en chassant la matiere avec la panne vers les bords, d’abord d’un des côtés du ruban, puis de l’autre ; ensuite ils frappent sur le milieu pour égaliser l’épaisseur, & augmenter encore la largeur.

Lorsque la portion comprise entre les ligatures est forgée, ils ôtent les ligatures, ils inserent leurs doigts au milieu des plis, & amenent vers le milieu les portions qui étoient d’un & d’autre côté au-delà des ligatures ; de maniere que quand les ligatures sont remises, ce qui est précisément au-delà des ligatures, est la partie forgée qui étoit auparavant comprise entr’elles ; & que ce qui a été amené entr’elles, est la partie qui n’a pû être forgée, qui formoit le pli, & qui étoit au-delà des ligatures. Il est évident que cette portion doit former une espece de croissant : on forge cette portion comme la précédente, en commençant par les bords, & s’avançant vers le milieu d’un & d’autre côté, puis forgeant le milieu, jusqu’à ce que le ruban se trouve également épais & large dans toute sa longueur : cette épaisseur est alors à peu près d’une demi-ligne, ou même davantage.

Si l’on ne se sert point du moulin, on forge jusqu’à ce que la matiere ait à peu près l’épaisseur d’une forte demi-ligne, puis on la coupe tout de suite en parties qui ont un pouce & demi de long, sur un pouce de large ; ce qu’on ne fait qu’après le tirage au moulin, quand on s’en sert. Ces portions d’un pouce & demi de long sur un pouce de large, & une demi-ligne & davantage d’épais, s’appellent quartiers : on coupe ordinairement cinquante-six quartiers ; l’ouvrier prend entre ses doigts un nombre de ces quartiers, capable de former l’épaisseur d’un pouce ou environ, il les applique exactement les uns sur les autres, & il leur donne la forme quarrée sur l’enclume & avec la panne du marteau, commençant à étendre la matiere vers les bords, s’avançant ensuite vers le milieu, en faisant autant à l’autre côté, forgeant ensuite le milieu, & réduisant par cette maniere de forger réitérée tous les quartiers du même