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paquet, & tous à la fois, à l’épaisseur d’une feuille de papier gris, & à la dimension d’un quarré dont le côté auroit deux pouces.

Lorsque l’or est dans cet état, on prend des feuillets de vélin, on en place deux entre chaque quartier ; ainsi pour cela seul les cinquante-six quartiers exigent cent douze feuillets de velin : mais il en faut encore d’autres qu’on met à vuide en-dessus & en-dessous ; & sur ces feuillets vuides, tant en-dessus qu’en-dessous, on met encore deux feuillets de parchemin. Cet assemblage s’appelle le premier caucher ; & les feuillets vuides, avec les feuillets de parchemin ou sans eux, s’appellent emplures. Ainsi voici donc la disposition & l’ordre du premier caucher ; deux feuillets de parchemin, une vingtaine plus ou moins de feuillets de vélin vuides ; un quartier, deux feuillets de vélin ; un quartier, deux feuillets de velin ; & ainsi de suite jusqu’à la concurrence de cinquante-six quartiers, une vingtaine de feuillets de vélin vuides, & deux feuillets de parchemin. L’usage des emplures est d’amortir l’action des coups de marteau sur les premiers quartiers, & de garantir les outils. Les Batteurs d’or entendent par les outils l’assemblage des feuillets de velin. Le caucher se couvre de deux fourreaux ; le fourreau est une enveloppe de plusieurs feuillets de parchemin appliqués les uns sur les autres, & collés par les deux bouts, de maniere qu’ils forment une espece de sac ouvert. On a deux fourreaux ; quand on a mis le caucher dans un, on fait entrer le caucher & ce premier fourreau dans le second, mais en sens contraire : d’où il arrive que quoique les fourreaux soient tous les deux ouverts, cependant ils couvrent par-tout le caucher. Voy. fig. 6. un caucher, & fig. 7. & 8. les fourreaux. Mettre les fourreaux au caucher, cela s’appelle enfourrer. Les feuillets de vélin & de parchemin sont des quarrés dont le côté a quatre pouces.

Le caucher ainsi arrangé, on le bat sur un marbre, comme on voit fig. 2. ce marbre est noir ; il a un pié en quarré, & un pié & demi de haut. On ajuste à sa partie supérieure une espece de boîte F, ouverte du côté de l’ouvrier : cette boîte s’appelle la caisse ; elle est faite de sapin, & revêtue en-dedans de parchemin collé : le parchemin collé qui s’étend jusque sur le marbre, n’en laisse appercevoir au milieu de la caisse que la portion e. La caisse est embrassée du côté de l’ouvrier par une peau h que l’ouvrier releve sur lui, & dont il se fait un tablier. Quand il travaille, cette peau ou tablier reçoit les lavures. On entend par les lavures, les parties de matiere qui se détachent d’elles mêmes, ou qu’on détache des cauchers.

Comme l’action continuelle d’un marteau de douze à quinze livres sur une masse de pierre d’un poids énorme, ne manqueroit pas d’ébranler à la longue les voûtes d’une cave, s’il s’en trouvoit une immédiatement dessous ; dans ce cas, il est prudent de l’étayer, soit par une forte piece de bois, soit par un massif de pierre, placé sous l’endroit qui correspond au marbre du batteur d’or.

Il faut que la surface du marbre & du marteau soit fort unie, sans quoi les cauchers ou outils, & les feuilles d’or seroient maculées. On bat le premier caucher pendant une demi-heure, en chassant du centre à la circonférence, le retournant de tems en tems, & appliquant au marbre la surface sur laquelle >on frappoit, & frappant sur l’autre. Le marteau dont on se sert dans cette opération s’appelle marteau plat, ou à dégrossir : il pese quatorze à quinze livres ; sa tête est ronde, & tant soit peu convexe : il a six pouces de haut, & va depuis sa tête jusqu’à son autre extrémité un peu en diminuant, ce qui le fait paroître cone tronqué : sa tête a cinq pouces de diametre ou environ. L’ouvrier a l’attention de défourrer de tems en tems son cancher, & d’examiner en quel état

sont les quartiers. Il ne faut pas espérer qu’ils s’étendent tous également ; il en trouvera qui n’occuperont qu’une partie de l’étendue du feuillet de vélin ; d’autres qui l’occuperont toute entiere ; d’autres qui déborderont : il pourra, s’il le veut, ôter les avant-derniers, & il fera bien d’ôter les derniers : il est évident qu’après cette soustraction le caucher sera moins épais. Mais on empêchera les fourreaux d’être lâches, en insérant de petits morceaux de bois dans les côtés, entr’eux & le caucher.

On continuera de battre jusqu’à ce qu’on ait amené les quartiers restant à l’étendue ou environ des feuillets de vélin qui les séparent cela fait, la premiere opération de la batte sera finie. Si on laissoit desafleurer les quartiers au-delà des outils, ceux-ci pourroient en être gâtés.

Au sortir du premier caucher les quartiers sont partagés en quatre parties égales avec le ciseau. On a donc deux cents vingt-quatre nouveaux quartiers, dont on forme un second caucher de la maniere suivante : on met deux feuillets de parchemin, une douzaine de feuillets de vélin vuides ou d’emplures ; un quartier, un feuillet de vélin ; un quartier, un feuillet de vélin ; & ainsi de suite jusqu’à cent douze inclusivement : une douzaine d’emplures, deux feuillets de parchemin ; deux autres feuillets de parchemins, une douzaine d’emplures ; un quartier, un feuillet de vélin ; un quartier, un feuillet de vélin ; & ainsi de suite jusqu’à cent douze inclusivement, douze emplures & deux feuillets de velin.

D’où l’on voit que le second caucher est double du premier, & qu’il est séparé par le milieu en deux parts distinguées par quatre feuillets de parchemin, dont deux finissent la premiere part, & lui appartiennent, & deux appartiennent à la seconde part, & la commencent : en un mot il y a dans le milieu du second caucher quatre feuillets de parchemin entre vingt-quatre emplures de vélin, douze d’un côté & douze de l’autre. Au reste il n’y a pas d’autre différence entre le premier caucher & le second : il a ses deux fourreaux aussi, il ne s’enfourre pas différemment, & les feuillets de vélin sont de la même forme & de la même grandeur.

Ce second caucher enfourré comme le premier, on le bat de la même maniere, avec le même marteau, & pendant le même tems que le premier : observant non-seulement d’opposer tantôt une des faces, tantôt l’autre au marteau & au marbre : au marbre celle qui vient d’être opposée au marteau ; au marteau celle qui vient d’être opposée au marbre : mais encore de défourrer de tems en tems, de séparer les deux parts du caucher, afin de mettre en dedans la face de l’une & de l’autre part qui étoit en-dehors, & en-dehors celle qui étoit en-dedans ; & d’examiner attentivement quand les quartiers desafleurent les outils : lorsque les quartiers desafleurent les outils ; alors la seconde opération sera finie.

On desemplit le second caucher ; pour cet effet, on a à côté de soi le caucher même : on écarte les deux parchemins & les emplures ; on prend la premiere feuille d’or que l’on rencontre, & on l’étend sur un coussin ; on enleve le second feuillet de vélin, & l’on prend la seconde feuille d’or qu’on pose sur la premiere ; mais de maniere que la seconde soit plus reculée vers la gauche que la premiere : on ôte un autre feuillet de vélin, & l’on prend une troisieme feuille d’or que l’on étend sur la seconde, de maniere que cette troisieme soit plus avancée vers la droite que la seconde : en un mot, on range les feuilles en échelle ; on fait ensorte qu’elles ne se débordent point en-haut, mais qu’elles se débordent toutes à droite & à gauche d’un demi-pouce ou environ ; puis avec un coûteau d’acier, émoussé par le bout, & à l’aide d’une pince de bois léger qu’on voit fig. 10. on les