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par-là avoir plus d’affinité avec la terre calcaire, que celle-ci n’en a avec l’eau ; & l’on peut tirer de cette considération la raison de l’insolubilité de la sélénite, qu’il faut considérer comme un sel terreux qui ne contient peut-être d’autre eau que celle qui est essentielle à la mixtion de l’acide.

L’acide nitreux versé sur la chaux, produit une violente effervescence, beaucoup de chaleur, quantité de vapeurs blanches, & une odeur pénétrante qui paroît être dûe à un peu d’esprit de sel dégagé par l’acide nitreux, & à l’acide nitreux lui-même volatilisé par le mouvement de l’effervescence & par la chaleur. Une bonne quantité de chaux étant dissoute dans un acide nitreux médiocrement concentré, la dissolution ne se trouble point ; elle reste au contraire aussi transparente que l’esprit de nitre qu’on a employé l’étoit auparavant. Cette dissolution évaporée a une douce chaleur, donne une résidence comme gommeuse, dans laquelle on apperçoit de petits crystaux informes, qui étant aussi solubles que la masse saline non crystallisée, ne peuvent en être séparés par aucun moyen. Cette masse saline desséchée attire l’humidité de l’air, & se résout en liqueur ; elle est analogue au sel de nitre à base terreuse, qui constitue une partie de l’eau mere du salpetre. M. Duhamel, mém. de l’acad. 1747, a découvert une propriété singuliere dans ce sel : en ayant poussé au feu une certaine quantité dans une cornue, il passa presque tout dans le récipient, & il ne restoit dans la cornue qu’un peu de terre qui étoit soluble par l’acide nitreux, & formoit avec lui un sel qui apparemment auroit été volatilisé tout entier par des cohobations réitérées : cette volatilité le fait différer essentiellement du sel formé par l’union du même acide & de la craie ; car ce dernier supporta un feu assez fort auquel on l’exposa dans un creuset pour la préparation du phosphore de Baudouin, Balduinus (Voyez Phosphore de Balduinus, au mot Phosphore), à moins que la circonstance d’être traité dans les vaisseaux fermés ne fût essentielle à la volatilité du premier ; ce qu’on ne peut guere présumer. L’acide vitriolique précipite ce sel avec effervescence, & forme une sélénite avec sa base terreuse.

L’acide du sel marin excite avec la chaux une très-violente effervescence, accompagnée d’une chaleur considérable & de vapeurs blanches & épaisses, qui ne sont autre chose qu’un esprit de sel foible ; cette solution évaporée selon l’art, donne une masse saline qui a la consistance du beurre, dans laquelle on distingue quelques petits crystaux qu’il est très-difficile d’en séparer par la lotion à l’eau froide, parce qu’ils sont presque aussi solubles que la masse saline qui les entoure : cette masse séchée est très-déliquescente ; elle est précipitée par l’acide vitriolique qui fait avec la chaux une sélénite ; elle est soluble par l’acide nitreux, qui ne paroît produire sur elle aucun dérangement sensible, mais concourir avec l’acide du sel marin à la dissolution de sa base.

Ce sel est fixe au feu, ensorte que si on le pousse dans les vaisseaux fermés à un feu très-violent, on n’en sépare qu’un flegme très-légerement acide. Duhamel, Mém. acad. 1747. Le sel qu’on retire du résidu du sel ammoniac distillé par la chaux (& qui est connu dans l’art sous le nom de sel fixe ammoniac lorsqu’on l’a sous forme seche, & sous celui d’huile de chaux lorsqu’il est tombé en deliquium) ce sel, dis-je, est le même que celui dont nous venons de parler ; il peut cependant en différer (selon la prétention de plusieurs illustres chimistes) par quelque matiere phlogistique prise dans le sel ammoniac. Voyez Sel ammoniac.

Le vinaigre distillé dissout la chaux avec efferves-

cence & chaleur. Le sel qui résulte de cette union

est très-soluble dans l’eau ; il crystallise pourtant assez bien, lorsque sa dissolution est très-rapprochée ; il se forme en petites aiguilles soyeuses & flexibles. Ce sel est très-analogue au sel de corail, & à tous ceux qui sont formés par l’union de l’acide du vinaigre aux terres absorbantes quelconques. M. Hales a observé que l’effervescence de la chaux avec tous ces acides, étoit accompagnée de fixation d’air. Voyez Clissus & Effervescence.

On trouve dans un mémoire de M. Geoffroi le cadet imprimé parmi ceux de l’académie R. D. S. ann. 1746, une expérience curieuse faite sur la chaux de Melun éteinte avec le vinaigre distillé. C’est ainsi que s’exprime l’auteur : « J’ai mis, dit M. Geoffroi, dans une terrine de grès une livre de chaux de Melun ; je l’ai éteinte en versant dessus, peu-à-peu, deux livres de vinaigre distillé ; il s’est fait une légere fermentation : après quoi, à mesure que la liqueur s’est évaporée, il s’est formé à la superficie de la masse une croûte saline d’un goût amer & un peu acre. La masse s’est refendue en se séchant ; & au bout de quelques mois j’ai trouvé sous la croûte saline, dont je viens de parler, des morceaux d’une matiere compacte pénétrée de la partie acide & huileuse de vinaigre. Ces morceaux ressemblent à des morceaux rompus de pierre-à-fusil ; leurs faces cassées sont polies & luisantes ; leur couleur est blonde ou cendrée ; les bords tranchans des parties minces sont transparents comme ceux du silex, de même couleur ; & il est difficile à la simple vûe de distinguer cette matiere factice, de la vraie pierre-à-fusil ; car il ne manque à ce caillou artificiel que le poids & la dureté nécessaires pour faire du feu. Pendant les premieres années on en enlevoit des parties avec l’ongle ; il y faut maintenant employer le fer ; & peut-être que si l’on suivoit avec soin le progrès du vrai silex dans les lits de craie où il se forme, aux environs de Rouen, d’Evreux, & autres endroits, on lui trouveroit différens degrés de dureté relatifs aux époques de sa formation ».

La creme de tartre s’unit aussi à la chaux, & forme avec elle un sel parfaitement semblable par toutes les qualités extérieures au sel végétal. Voy. Sel végétal.

Tous ces acides forment avec l’eau de chaux, les mêmes sels que chacun forme avec la chaux vive ou la chaux éteinte ; d’où il faut nécessairement conclure que si la creme de chaux étoit un sel sélénitique, elle différeroit essentiellement de la matiere suspendue dans l’eau de chaux : car on ne sauroit retrouver l’acide vitriolique dans les sels formés par l’union de l’acide nitreux ; de l’acide marin, du vinaigre distillé, & de la creme de tartre, avec la substance calcaire dissoute dans l’eau de chaux. L’on divise chacun de ces sels neutres exactement en deux parties ; savoir leur acide respectif, & une terre calcaire pure : l’acide vitriolique, s’il s’en trouve dans la creme de chaux, a donc été réellement engendré.

C’est par cette qualité absorbante, que la chaux peut être employée, quoique peut-être avec danger pour la santé, à prévenir ou à corriger l’acidité de certains vins. Voyez Vin.

Action de la chaux sur le soufre, les huiles, &c. La chaux vive agit sur toutes les matieres sulphureuses & huileuses ; elle dissout le soufre, soit par la voie humide, soit par la voie seche, & forme avec ce corps un composé concret, & qui subsiste sous forme seche ; en cela différent de celui qui résulte de l’union du soufre & de l’alkali fixe. Voyez foie de soufre au mot Soufre. C’est par cette qualité qu’elle dissout l’orpiment, & qu’elle forme avec ce minéral un foie d’arsenic, qui est un des réactifs de l’encre de