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Lorsque la pâte du cacao est bien affinée sur la pierre (voyez l’article Cacao.), on y ajoûte le sucre en poudre passé au tamis de soie ; la véritable proportion du cacao & du sucre est de mettre le poids égal de l’un & de l’autre : on diminue pourtant d’un quart la dose du sucre, pour empêcher qu’il ne desseche trop la pâte, & ne la rende aussi trop susceptible des impressions de l’air, & plus sujette ensuite à être piquée de vers. Mais ce quart de sucre supprimé est remplacé quand il s’agit de préparer en boisson le chocolat.

Le sucre étant bien mêlé avec la pâte de cacao, on y ajoûte une poudre très-fine, faite avec des gousses de vanille & des bâtons de canelle pilés & tamisés ensemble : on repasse encore ce mêlange sur la pierre ; & le tout bien incorporé, on met la pâte dans des moules de fer blanc, où elle prend la forme qu’on a voulu lui donner, & sa dureté naturelle. Quand on aime les odeurs, on y verse un peu d’essence d’ambre avant que de la mettre dans les moules.

Lorsque le chocolat se fait sans vanille, la proportion de la canelle est de deux dragmes par livre de cacao ; mais lorsqu’on y employe la vanille, il faut diminuer au moins la moitié de cette dose de la canelle. A l’égard de la vanille, la dose en est arbitraire ; une, deux, ou trois gousses, & même davantage, par livre de cacao, suivant la fantaisie.

Les ouvriers en chocolat pour faire paroître qu’ils y ont employé beaucoup de vanille, y mêlent le poivre, le gingembre, &c. Il y a même des gens accoûtumés aux choses de haut goût, qui ne le veulent point autrement ; mais ces épiceries n’étant capables que de mettre le feu dans le corps, les gens sages ne donneront pas dans ces excès, & seront attentifs à n’user jamais de chocolat qu’ils n’en sachent sûrement la composition.

Le chocolat composé de cette maniere a cela de commode, que lorsqu’on est pressé de sortir du logis, ou qu’en voyage on n’a pas le tems de le mettre en boisson, on peut en manger une tablette d’une once, & boire un coup par dessus ; laissant agir l’estomac pour faire la dissolution de ce déjeûné à l’inpromptu.

Aux Antilles on fait les pains de cacao pur & sans addition. V. Cacao. Et quand on veut prendre le chocolat réduit en boisson, voici comme on y procede.

Préparation du chocolat à la maniere des îles Françoises de l’Amérique. On ratisse légerement les pains de cacao avec un couteau, ou plûtôt avec une rape plate, quand ils sont assez secs, pour ne pas l’engraisser ; quand on a ratissé la quantité qu’on souhaite, (par exemple quatre grandes cueillerées combles qui pesent environ une once) on y mêle deux ou trois pincées de canelle en poudre passée au tamis de soie, & environ deux grandes cueillerées du sucre en poudre.

On met ce mêlange dans une chocolatiere avec un œuf frais entier, c’est-à-dire jaune & blanc ; on mêle bien le tout avec le moulinet, on le réduit en consistance de miel liquide ; surquoi ensuite on se fait verser la liqueur bouillante (eau ou lait, suivant la fantaisie) pendant qu’on fait rouler soi-même le moulinet avec force, pour bien incorporer le tout ensemble.

Enfin on met la chocolatiere sur le feu, ou au bain-marie dans un chauderon plein d’eau bouillante ; & dès que le chocolat monte, on en retire la chocolatiere ; & après avoir fortement agité le chocolat avec le moulinet, on le verse à diverses reprises & bien moussé dans les tasses. Pour en relever le goût on peut avant que de le verser y ajoûter une cueillerée d’eau de fleur d’orange, où on a fait dissoudre une goutte ou deux d’essence d’ambre.

Cette maniere de faire le chocolat a plusieurs avantages qui lui sont propres, & qui la rendent préférable à toute autre.

En premier lieu, on peut s’assûrer qu’étant bien exécutée, le chocolat est d’un parfum exquis & d’une grande délicatesse de goût ; il est d’ailleurs très-leger sur l’estomac, & ne laisse aucune résidence ni dans la chocolatiere, ni dans les tasses.

En second lieu, on a l’agrément de le préparer soi-même & selon son goût, d’augmenter & de diminuer à sa volonté les doses du sucre & de la canelle, d’y ajoûter ou d’en retrancher l’eau de fleur d’orange, & l’essence d’ambre ; en un mot d’y faire tel autre changement qu’on aura pour agréable.

En troisieme lieu, en n’y substituant rien qui puisse détruire les bonnes qualités du cacao, il est si tempéré qu’on le peut prendre à toute heure & à tout âge, en été comme en hyver, sans en craindre la moindre incommodité : au lieu que le chocolat assaisonné de vanille & d’autres ingrédiens acres & chauds, peut quelquefois être dangereux, sur-tout en été, aux jeunes gens & aux constitutions vives & seches. Le verre d’eau fraîche qu’on a coûtume de lui faire précéder ou succéder, ne fait que pallier pour un tems l’impression de feu qu’il laisse dans le sang & dans les visceres, après que l’eau s’est écoulée par les voies ordinaires.

En quatrieme lieu, ce chocolat est à si bon marché que la tasse ne revient presqu’à un sou. Si les artisans en étoient une fois instruits, il y en a peu qui ne missent à profit un moyen si aisé & si gracieux de déjeûner à peu de frais, & de se soûtenir avec vigueur jusqu’au dîner sans autre aliment solide ni liquide. Hist. nat. du cacao. Voyez Cacao.

Chocolat. (Diete.) L’usage du chocolat ne mérite ni tout le bien ni tout le mal qu’on en a dit : cette espece d’aliment devient à-peu-près indifférent par l’habitude, comme tant d’autres. Une nation entiere en vit presque : manquer de chocolat chez les Espagnols, c’est être réduit au même point de misere que manquer de pain parmi nous ; & l’on ne voit pas que ce peuple tire de grandes utilités de cet usage, ni qu’il en éprouve des maux sensibles.

Il y a long-tems qu’on a appellé le chocolat le lait des vieillards : on le regarde comme très-nourrissant, & comme très-propre à réveiller les forces languissantes de l’estomac. Ces prétentions s’accordent assez avec ce qu’on connoît de la nature des différens ingrédiens de notre chocolat, & elles sont confirmées par l’expérience. Effectivement le cacao contient une substance farineuse, & une quantité considérable d’une matiere huileuse ou butyreuse, qui peuvent fournir abondamment l’une & l’autre une substance propre à la réparation de nos humeurs ou à la nutrition. Le sucre qui entre dans la composition du chocolat, & le jaune d’œuf ou le lait avec lequel on le prend ordinairement, sont encore des matieres très-nourrissantes.

La vanille, la canelle, & les autres aromates dont on l’anime, sont capables d’exciter l’appétit, fortifier l’estomac, &c.

Le chocolat de santé même, c’est-à-dire celui qui est préparé sans aromate, n’est pas absolument privé de cette propriété tonique & stomachique : on observe assez communément qu’après en avoir pris le matin, on attend le dîner avec plus d’impatience que si on étoit resté à jeûn. Mais ce sont les gens peu habitués à son usage chez qui il produit cet effet ; il soûtient assez bien au contraire ceux qui en prennent journellement le matin, pour ne manger ensuite que le soir. C’est encore ici, comme on voit, une affaire d’habitude. (b)

CHOCOLOCOCA, (Géog.) ville de l’Amérique méridionale au Pérou. Il se trouve de riches mines d’argent dans son voisinage.