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la terre, dépendent beaucoup de leur situation, des montagnes dont ils sont environnés, & de la nature du sol ; les montagnes contribuant beaucoup à refroidir l’air par les vents qui passent sur leur sommet, & qui se font ensuite sentir dans les plaines. Voyez Vent.

Les montagnes qui présentent au soleil un côté concave, font quelquefois l’effet d’un miroir ardent sur la plaine qui est au bas. Les nuées qui ont des parties concaves ou convexes, produisent quelquefois le même effet par réflection ou par réfraction : il y a même des auteurs qui prétendent que cette forme de nuages suffit pour allumer les exhalaisons qui se sont élevées dans l’air, & pour produire la foudre, le tonnerre, & les éclairs. Voyez Montagne, Miroir ardent, &c.

Pour ce qui est de la nature des sols, on sait qu’un terrein pierreux, sablonneux, plein de craie, refléchit la plûpart des rayons, & les renvoie dans l’air, tandis qu’un terrein gras & noir absorbe la plûpart des rayons, & n’en renvoye que fort peu ; ce qui fait que la chaleur s’y conserve long-tems. Voyez Blancheur, &c.

Ce qu’on vient de dire est confirmé par l’expérience qu’en font les paysans qui habitent les marais à tourbes ; car en s’y promenant, ils sentent que les piés leur brûlent sans avoir chaud au visage : au contraire dans quelques terreins sablonneux, à peine sent-on de la chaleur aux piés, tandis que le visage est brûlé par la force de la réflection.

Une table construite par l’auteur dont nous avons parlé, donne la chaleur pour chaque dixieme degré de latitude aux jours tropiques & équinoxiaux, & par ce moyen on peut estimer la chaleur des degrés intermédiaires : d’où l’auteur déduit les corollaires suivans.

1°. Que sous la ligne équinoxiale, la chaleur est comme le sinus de la déclinaison du soleil.

2°. Que dans les zones glaciales, lorsque le soleil ne se couche point, la chaleur est à-peu-près comme la circonférence d’un grand cercle multipliée par le sinus de la hauteur moyenne ; & par conséquent que dans la même latitude, la chaleur est comme le sinus de la déclinaison moyenne du soleil à midi ; & qu’à la même déclinaison du soleil, elle est comme le co-sinus de la distance du soleil au zénith.

3°. Que la chaleur des jours équinoxiaux est partout comme le co-sinus de la latitude.

4°. Que dans tous les lieux où le soleil se couche, la différence entre les chaleurs d’été & d’hyver, lorsque les déclinaisons sont contraires, est à-peu-près proportionnelle à la différence des sinus des hauteurs méridiennes du soleil. Chambers.

Vollà le précis de la théorie de l’auteur dont il s’agit sur la chaleur. Cependant il semble qu’on pourroit lui faire plusieurs objections. En premier lieu, l’effet de la chaleur n’est pas simplement comme le sinus de l’angle d’incidence des rayons, mais comme le quarré de ce sinus, suivant les lois de l’impulsion des fluides. Pour faire bien concevoir ce principe, imaginons un faisceau de rayons paralleles qui tombent sur un pié quarré de la surface de la terre perpendiculairement ; il est certain que la chaleur sera proportionnelle au produit de la quantité de ces rayons par le sinus total, puisque chaque rayon en particulier agit sur le point qu’il frappe. Supposons ensuite que ce même faisceau de rayons vienne à tomber obliquement sur le même plan d’un pié en quarré ; il est aisé de voir qu’il y aura une partie de ce faisceau qui tombera hors du plan, & que la quantité des rayons qui le frappent, sera proportionnelle au sinus de l’angle d’incidence. Mais, de plus, l’action de chaque rayon en particulier est comme le sinus de l’angle d’incidence : donc l’ac-

tion de la chaleur sera comme le quarré du sinus. C’est pourquoi il seroit bon de corriger à ce premier égard la table, & au lieu des sinus d’incidence, de substituer leurs quarrés.

D’un autre côté il s’en faut beaucoup, comme l’observe l’auteur lui-même, que la chaleur des différens climats suive les lois que cette table lui prescrit pour ainsi dire : 1°. parce qu’il y a une infinité de causes accidentelles qui font varier le chaud & le froid, causes dont l’action ne peut être soûmise à aucun calcul : 2°. parce qu’il s’en faut beaucoup que l’auteur n’ait fait entrer dans le sien toutes les causes même qui ont un effet réglé, & une loi uniforme, mais dont la maniere d’agir est trop peu connue. L’obliquité plus ou moins grande des rayons du soleil est sans doute une des causes de la différence de la chaleur dans les différens jours & dans les différens climats, & peut-être en est-elle la cause principale. Mais, de plus, les rayons du soleil traversent fort obliquement notre atmosphere en hyver ; & par conséquent ils occupent alors dans l’air grossier qui nous environne, un plus grand espace qu’ils ne font pendant l’été lorsqu’ils tombent assez directement. Or il suit de-là que la force de ces rayons est jusqu’à un certain point amortie, à cause des différentes réfractions qu’ils sont obligés de souffrir. Ces rayons sont plus brisés à midi pendant l’hyver que pendant l’été ; & c’est pour cette raison que lorsqu’ils tombent le plus obliquement qu’il est possible, comme il arrive toutes les fois que le soleil parvient à l’horison, alors on peut sans aucun risque regarder cet astre, soit dans la lunette, soit à la vûe simple ; ce qui n’arrive pas à beaucoup près lorsque le soleil est à de plus hauts degrès d’élévation, & sur-tout dans les grands jours d’été vers le midi. Or cet affoiblissement des rayons causé par leur passage dans l’atmosphere, est jusqu’à présent hors de la portée de nos calculs. Il y a une cause beaucoup plus considérable, qui influe bien plus que toutes les autres sur la vicissitude des saisons & sur la chaleur des différens climats. L’on sait communément qu’un corps dur & compact s’échauffe d’autant plus qu’il demeure exposé à un feu plus violent. Or en été la terre est échauffée par les rayons du soleil pendant seize heures continuelles, & ne cesse de l’être que pendant huit heures. On peut aussi remarquer que c’est tout le contraire pour l’hyver : d’où on voit clairement pourquoi il doit y avoir une grande différence de chaleur entre ces deux saisons. Il est vrai que l’auteur fait entrer cette considération dans le calcul de sa table, mais il suppose que la chaleur instantanée d’un moment quelconque s’ajoûte toûjours à la chaleur du moment précédent ; d’où il paroîtroit s’ensuivre que tant en été qu’en hyver, la chaleur la plus grande seroit à la fin du jour ; ce qui est contre l’expérience : & d’ailleurs on sait que la chaleur imprimée à un corps ne se conserve que quelque tems : ainsi sur le soir d’un grand jour d’été, la chaleur que le soleil a excitée dans les premieres heures du matin est ou totalement éteinte, ou au moins en partie. Or comme on ne sait suivant quelle loi la chaleur se conserve, il est impossible de calculer d’une maniere assez précise l’augmentation de chaleur à chaque heure du jour, quoiqu’on ne puisse douter que la longueur des jours n’entre pour beaucoup dans l’intensité de la chaleur.

On pourroit faire ici l’objection suivante. Puisque la force des rayons du soleil est la plus grande lorsqu’ils tombent le plus directement qu’il est possible, & lorsque cet astre reste le plus long-tems sur l’horison, la plus grande chaleur devroit toûjours se faire sentir le jour du solstice d’été ; & le plus grand froid, par la même raison, le jour du solstice d’hy-