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siblement cette opération au plomb & au fer. Origine méch. du chaud. Voilà les principales opinions des Philosophes sur la chaleur. L’opinion de M. Lemery paroît être la plus suivie. Chambers.

Chaleur, (Chimie.) degrés de chaleur employés dans les différentes opérations chimiques, &c. Voyez Feu.

Chaleur, (Œconomie animale.) chaleur animale. Quelques Zoologistes ont divisé les animaux en chauds & en froids : les derniers, s’il en existe réellement d’absolument tels, sont ceux qui, comme les plantes & la matiere la plus inactive, participent exactement à tous les changemens qui arrivent dans la température du milieu qui les environne. Les animaux chauds au contraire, tels que l’homme, chez qui nous avons à considérer plus particulierement ce phénomene, sont ceux qui joüissent ordinairement d’un degré de chaleur très-supérieur à celui du milieu dans lequel ils vivent, & qui peuvent conserver une température uniforme dans les différens degrés de froid & de chaud de ce milieu.

La chaleur absolue de l’homme dans l’état de santé, est au moins de 97 à 98d du thermometre de Fahrenheit, selon les expériences réitérées du D. Martine ; & la température la plus commune de l’air n’excede guere, dans les contrées & dans les saisons les plus chaudes, ce terme ordinaire de la chaleur animale, tandis qu’elle peut descendre jusqu’à 216 degrés au-dessous du même terme, c’est-à-dire 150 au-dessous du point de la congélation, &c. du ther. de Fahr. selon l’observation que M. Delisle en a faite à Kirenga en Sibérie, dont les habitans ont éprouvé ce froid rigoureux en 1738. On en a essuyé un plus terrible encore à Yeniseik en 1735, selon le même observateur. Mais sans faire entrer en considération ces degrés extrèmes, l’homme est exposé en général, dans ces climats tempérés, sans en être incommodé, à des vicissitudes de chaleur qui varient dans une latitude d’à-peu-près 60 degrés, c’est-à-dire, depuis le 48e ou 50e au-dessus du point de la congélation du thermometre de Fahrenneit, jusqu’au douzieme ou quinzieme au-dessous de ce point ; ou selon la graduation de M. de Réaumur, qui nous est beaucoup plus familiere, depuis le vingt-cinquieme ou le vingt-sixieme degré au-dessus de 0, ou du terme de la glace, jusqu’au sixieme ou septieme au-dessous. La température ou le degré spécifique de la chaleur de l’homme est uniforme dans ces différens degrés de chaleur ou de froid extérieur, du moins jusqu’à une certaine latitude. Ce fait est établi par les observations exactes de Derham, & de plusieurs autres Physiciens.

La loi de la propagation de la chaleur, selon laquelle un corps doit prendre, au bout d’un certain tems, la température du milieu qui l’environne, est connue de tous les Physiciens. Donc un corps qui joüit constamment d’un degré de chaleur uniforme, malgré les changemens arrivés dans la température de ce milieu, & dont le degré de chaleur naturelle ordinaire est toûjours supérieur à celui du même milieu ; un pareil corps, dis-je, doit engendrer continuellement une quantité de chaleur qui répare celle qu’il perd par son contact immédiat & continu avec le corps environnant, & en engendrer d’autant plus que ce corps est plus froid, plus dense, ou plus souvent renouvellé. C’est cette chaleur continuellement engendrée, & à peu près proportionnelle à l’excès dont la chaleur absolue d’un animal chaud surpasse celle du milieu qui l’environne, qui est proprement la chaleur animale : car un animal mort, privé de toute cause intrinseque de chaleur, & ne participant plus de celle dont il joüissoit pendant la vie, en un mot un cadavre froid, est exactement dans la même température que le milieu ambient.

Ainsi donc si la chaleur absolue d’un animal est de 98d, comme celle de l’homme, par exemple, & que celle de l’atmosphere, &c. soit de 40d, sa chaleur propre ou naturelle est de 58d.

Le docteur Douglas (Essai sur la generation de la chaleur des animaux, trad. de l’Anglois, Paris 1751.) reproche, avec raison, à quelques Physiologistes modernes, de n’avoir pas distingué cette chaleur animale, qu’il appelle innée (expression peu exacte employée dans ce sens, qui n’est pas celui que lui donnoient les anciens), de la chaleur commune, ou dépendante d’une cause externe, savoir, de la température du milieu dans lequel l’animal vit ; car la seule maniere d’évaluer exactement la chaleur animale, dépend de cette distinction : distinction qui n’avoit pas échapé aux anciens Medecins ; car ils faisoient abstraction, dans l’évaluation de la chaleur animale, de la chaleur qu’ils appelloient primitive, qui avoit précédé la formation de l’animal, & qui ne cessoit pas à sa mort ; au lieu que sa chaleur naturelle ou vitale dépendoit essentiellement de la vie de l’animal : observation très-fine & très-ingénieuse pour ces tems-là.

L’idée précise & déterminée que nous devons nous former de la chaleur animale, étant ainsi établie, je passe à l’exposition de ses principaux phénomenes. Les voici.

Il y a un certain degré de chaleur extérieure, dans lequel la chaleur innée d’un animal, quoique vivant & en bonne santé, est totalement détruite. Ce degré, dans les animaux chauds, répond à celui de la température naturelle de leur sang. Si de ce terme nous supposons qu’un animal chaud passe dans une suite indéfinie de degrés de froid qui aillent en croissant, sa chaleur innée augmentera dans la même proportion que les degrés de froid, jusqu’à une certaine limite ; ensuite de quoi elle diminuera par degrés à mesure que le froid augmentera, jusqu’à ce que l’animal meure, & que sa chaleur soit totalement détruite. Douglas.

On peut se convaincre aisément qu’un animal chaud, dans un milieu de même température que son sang, n’engendre point de chaleur. Si on entre dans un bain qui soit échauffé précisément à ce degré, on trouvera alors par le thermometre, qu’il n’y a point de différence sensible entre la température de son corps, & celle du milieu ambient ; par conséquent on n’engendre point de chaleur, quoique non-seulement on vive, mais qu’on joüisse pendant un tems considerable d’une bonne santé, & que la circulation se fasse avec beaucoup de vigueur. On peut faire cette expérience plus aisément, en tenant dans sa main la boule d’un thermometre plongée dans un bassin rempli d’eau chaude, au 96e ou 98e degré. Id. ibid.

De plus, depuis ce terme de la chaleur innée d’un animal, qui dans l’homme est environ 98 degrés, dans les quadrupedes & les oiseaux à 100, 102, 104 & 106 degrés, son accroissement est proportionnel à celui du froid, jusqu’à une certaine limite. Ainsi, par exemple, un homme n’engendre pas de chaleur dans un milieu qui est au 98d ; dans celui qui est au 90d, il en produit 8d ; dans celui qui a 80d de chaleur, il en engendre 18d ; dans un milieu qui n’est qu’à 70d, sa chaleur innée est égale à 28d, &c. Ainsi tant qu’il conserve son point naturel de chaleur, qui peut subsister au moins dans le tronc sous un accroissement considérable du froid extérieur, il engendre des degrés de chaleur égaux aux augmentations du froid : mais on sait que dans la suite il perd sa température naturelle ; & le froid augmentant toûjours, les accroissemens de sa chaleur innée sont de plus en plus en moindre raison que ceux du froid, jusqu’à ce qu’à un certain pério-