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qu’elle soit invétérée, il est besoin de répéter les clysteres plusieurs fois de suite, d’y joindre les suppositoires & les fomentations émollientes sur le bas-ventre. La fumée de tabac, que quelques-uns recommandent d’injecter dans le fondement par le moyen d’une seringue convenable, doit être abandonnée aux Maréchaux pour les chevaux. On s’abstiendra des carminatifs, des échauffans, des sudorifiques dans toutes les coliques convulsives & inflammatoires. Enfin l’on évitera de tomber dans l’erreur des Praticiens, qui, tant que la colique est encore renfermée dans les bornes de l’inflammation, l’attribuent mal-à-propos au froid, aux flatuosités, aux vents, & la traitent par des remedes chauds, carminatifs, dont les suites sont très-funestes. Il faut espérer que cette mauvaise pratique, contraire à tous les principes, tombera dans notre pays avec les livres qui la recommandent ; c’est ici où la bonne théorie doit servir de guide, & c’est dans le traité d’Hoffman sur cette matiere qu’on la trouvera. Toutes les observations qu’on lit dans tant d’ouvrages sur la colique guérie par tels & tels remedes, par les noix de Bicuibas, Hist. de l’acad. des Scienc. 1710, p. 16. par la Pareira-brava, Ib. p. 57. par des teintures chimiques, 1733. Mém. p. 262. &c. tous ces remedes, dis-je, & autres les plus vantés ne servent qu’à jetter dans l’erreur.

Antiquité de la maladie. Si présentement à la diversité prodigieuse des causes de la colique on joint la connoissance de la structure de notre machine, & en particulier des intestins, qui sont le siége de cette maladie, on ne pourra douter que son existence ne soit un apanage inséparable de l’humanité. Je sai bien que le nom de cette maladie est du nombre de ceux qui ne se trouvent point dans Hippocrate ; mais il ne s’ensuit pas de-là que la maladie n’eût pas lieu de son tems. Elle est certainement comprise sous le nom de tranchées ou de douleurs de ventre, dont il parle en plusieurs endroits ; & en effet la colique est-elle autre chose ?

S’il en faut croire Pline, le nom n’étoit pas seulement nouveau du tems de Tibere, mais la maladie elle-même étoit toute nouvelle, & personne n’en avoit été attaqué avant cet empereur, ensorte qu’il ne fut pas entendu à Rome lorsqu’il fit mention de ce mal dans un édit où il parloit de l’état de sa santé. Il se peut que le nom de colique eût été inconnu jusqu’à ce tems-là, mais la conséquence du nom à la chose est pitoyable. Les medecins inventerent un nouveau mot, soit pour flatter l’empereur, soit pour se faire plus d’honneur dans la guérison de la maladie, soit pour se singulariser dans cette conjoncture : cette espece de charlatanerie n’est pas sans exemple.

Quand Mademoiselle eut, il y a quelques années, une petite vérole qui heureusement fut légere, M. Sylva son medecin, dont la pratique consistoit en Néologisme & en tournures gentilles de ces bulletins modernes qu’on compose sans réflexion pour le public, & qu’il lit sans intérêt ou sans être mieux instruit de l’état du malade ; M. Sylva, dis-je, qualifia pour lors le premier du nom de discrete la petite vérole de S. A. S. Le terme bien imaginé prit faveur : mais l’espece de petite vérole en question n’étoit pas plus nouvelle dans le monde, que la colique l’étoit du tems de Tibere. Si la petite vérole discrete devient plus rare parmi les grands, la colique y devient plus commune ; & n’eût-elle pour cause que la seule intempérance, on peut présumer sans crainte de se tromper, que ce mal subsistera jusqu’à la fin du monde. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Colique bilieuse, (Med.) espece de colique qui procéde d’un débord de bile âcre dans les intestins.

Cette espece de colique est très-commune, & regne sur-tout en été & au commencement de l’automne ; elle attaque principalement les jeunes gens d’un tempérament chaud & bilieux, les personnes qui vivent d’alimens gras, huileux, alkalins & pourrissans, les gens riches qui ont ce qu’on nomme les meilleures tables, servies des plus rares poissons & du gibier le plus délicat par sa chair & son fumet.

Les symptomes de cette maladie, sont des douleurs vagues & violentes dans le ventricule, les intestins, les hypochondres, le dégoût, les nausées, le vomissement, la constipation, des tiraillemens, des agitations, des sueurs froides, des syncopes, l’abattement des forces, la déjection d’une matiere jaune, verte, poracée, âcre & corrosive.

L’indication curative consiste à évacuer cette humeur, à la mitiger & à appaiser les douleurs.

On ne peut trop-tôt employer la saignée, les boissons aqueuses, simples, legeres, diluentes, en quantité ; les purgatifs doux, liquides, souvent répétés, & suivis des narcotiques après leur effet ; les clysteres, les fomentations adoucissantes sur le bas-ventre, les bains chauds faits avec les plantes émollientes, & joints avec soin à tous ces remedes. Pour confirmer la guérison & empêcher la rechûte, la diete sévere est absolument nécessaire, la boisson de crême de ris, d’orge, de gruau, les panades, le lait coupé, la promenade en voiture & ensuite à cheval. Enfin on rétablira peu-à-peu prudemment par les stomachiques le ton des visceres affoiblis : je renvoye le lecteur à Sydenham, qui a donné une description si complete & si sage de cette espece de colique, sect. jv. ch. vij. qu’elle ne laisse rien à desirer. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Colique de Poitou, (Medecine.) espece particuliere de colique qui provient des exhalaisons, des préparations de plomb, & de l’usage des vins sophistiqués avec des préparations de ce métal ; en Latin colica Pictonum.

En 1572, dit M. de Thou, t. VI. p. 537. la France fut affligée d’une maladie jusqu’alors inconnue, qu’on nomma colique de Poitou, parce qu’elle commença à se faire sentir dans cette province. Dès qu’un homme en est attaqué, ajoûte-t-il, son corps devient comme paralytique ; il a le visage pâle, l’esprit inquiet, des maux de cœur, des vomissemens, un hoquet continuel, une soif ardente, une difficulté d’uriner, une douleur violente dans l’estomac, les intestins, les hypochondres, les reins : il y en a même dont les piés, les jambes, & les mains, deviennent paralytiques, après avoir été attaqués de convulsions épileptiques, &c. Ce trait historique est d’autant plus singulier, que d’un côté il renferme une description exacte des symptomes de la colique des Plombiers, autrement dite colique des Peintres, colique convulsive saturnine ; & que de l’autre on ne comprend guere comment elle est restée inconnue dans ce royaume jusqu’au tems où M. de Thou en rapporte la naissance. Quoi qu’il en soit, c’est une colique nerveuse, qui depuis n’a fait que trop de progrès dans l’Europe, & dont voici la cause & les symptomes.

Elle provient des vapeurs qui s’élevent des fourneaux où l’on fond le plomb, que l’on respire & que l’on avale avec la salive. Elle est très-fréquente parmi les ouvriers qui s’occupent à fondre, à purifier ce métal, ou à le séparer de l’argent dans des fourneaux d’affinage, comme le pratiquent ceux qui travaillent dans les mines de la forêt Noire en Allemagne, dans celles d’Angleterre en Derbishire, & ailleurs, où malgré l’attention que l’on a de ne dresser les fourneaux que sur des lieux élevés, & de les exposer aux vents, les exhalaisons en sont fatales aux ouvriers, aux habitans, & même en Angleterre