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Colonne bellique, columna bellica, petite colonne placée devant le temple de Bellone à Rome derriere le cirque Flaminien, où est maintenant le couvent di Tor de specchi. Quand on déclaroit la guerre à des peuples, le consul lançoit de dessus ou contre cette colonne un dard vers la contrée qu’ils habitoient.

Hinc solet hasta manu belli prænuntia mitti ;
In regem & gentes, cum placet arma capi. Ov.

Colonne de César, columna Cæsaris : elle étoit de marbre de Numidie ; elle avoit vingt piés de hauteur : on l’avoit élevée in foro Romano, à l’honneur de Jule César. On y lisoit l’inscription parenti patria. Le peuple l’avoit en telle vénération qu’il y faisoit des sacrifices, qu’il y terminoit ses différends, & qu’il y juroit par Cesar. Dolabella la fit abattre, & Cicéron l’en loue. Il y en a qui prétendent que ce ne fut dans les commencemens qu’un autel, que le peuple & le faux Marius avoient fait construire ; qu’Antoine éleva la colonne sur cet autel, & que l’inscription étoit parenti optime merito.

Colonne de feu & Colonne de fumée, c’est la même qui obscure pendant le jour, lumineuse pendant la nuit, servit de signe au peuple Juif pendant sa marche au sortir d’Egypte, & pendant les quarante ans de son séjour dans le desert.

Colonnes du Tabernacle, columnæ atrii, piliers sur lesquels les rideaux furent tendus autour du tabernacle : les uns disent qu’ils étoient de bronze ; d’autres, de bois : il y en avoit vingt du côté du nord, vingt du côté du midi, dix à l’occident, dix à l’orient, ce qui fait soixante ; à moins qu’en comptant les piliers des angles pour deux, cela ne réduise le nombre à cinquante-six. Ces piliers avoient des appuis d’airain.

* Colonne d’Hercule. On dit qu’Hercule arrivé à Gades, aujourd’hui Cadix en Espagne, se crut aux extrémités de la terre ; qu’il sépara deux montagnes qui se touchoient, Calpé & Abyla, l’une en Afrique & l’autre en Europe ; qu’il fit communiquer l’Océan & la Méditerranée ; & qu’il éleva sur ces montagnes deux colonnes, avec cette inscription : Non ultra. Quoi qu’il en soit, on nomma cet endroit portæ Gaditanæ, portes de Gadira. Charles V. successeur de Ferdinand & d’Isabelle, sous qui la découverte de l’Amérique s’étoit faite, changea l’inscription, & substitua plus ultra au non ultra d’Hercule.

Colonne lactaire, columna lactaria : elle étoit dans la onzieme région de Rome ; toutes les meres y portoient leurs enfans par superstition ; quelques-unes les y laissoient exposés par indigence ou par inhumanité : on appelle maintenant le lieu de cette colonne la Piazza Montanara.

Colonnes légales, (Hist. anc.) étoient chez les Lacédémoniens des colonnes élevées dans les places publiques, où étoient gravées sur des tables d’airain les lois fondamentales de l’état.

Colonne Mænienne, columna Mænia ; elle étoit dans la huitieme région ; elle fut élevée, selon quelques-uns, à l’honneur du consul Mænius, après une victoire remportée sur les Antiates ; selon d’autres, par un certain Mænius qui s’étoit réservé ce droit en vendant sa maison aux censeurs Caton & Flaccon, afin de voir de-là le combat des gladiateurs ; comme la forme en étoit particuliere, on donna dans la suite aux édifices semblables le nom de Mæniana, dont on a fait le nom mignani. Il est mention de deux colonnes Mæniennes ; c’est au pié d’une de ces deux colonnes que les triumvirs surnommés capitales, jugeoient les voleurs & autres bandits.

Colonnes rostrées, columnæ rostratæ ; c’étoit là qu’on attachoit les éperons des vaisseaux pris sur l’ennemi. La premiere fut élevée à l’occasion de

la victoire sur mer de C. Duilius sur les Carthaginois. Elle étoit dans le marché Romain ; on la trouva en 1260 près de l’arc Septimien. Le cardinal Alexandre Farnese la fit porter au capitole ; elle est de marbre blanc. Auguste en avoit fait construire au même lieu quatre autres semblables des éperons des navires qui furent pris sur Cléopatre.

Colonne Trajane, (Hist. anc. Arch.) monument à l’honneur de Trajan, mort l’an 117 de J. C. à l’âge de 64 ans, dans une ville de Cilicie alors nommée Selinunte, depuis la ville de Trajan, Trajanopolis, & que les Turcs appellent à présent Islénos.

Un des plus superbes restes de la magnificence Romaine est la colonne Trajane, qui a plus immortalisé l’empereur Trajan, que toutes les plumes des historiens n’auroient pû faire.

Elle avoit 128 piés de haut, & l’on y montoit par un escalier de 185 degrés, éclairé de 45 fenêtres : on y voyoit tout-autour en bas-reliefs tous les exploits de Trajan, dont après sa mort les cendres furent placées au haut de cette colonne dans une urne d’or.

Un prince qui le premier avoit ajoûté de son ordre cette expresse condition aux vœux publics qu’on feroit pour sa personne, « que ce ne seroit qu’autant qu’il veilleroit à la conservation de la patrie ; & que s’il faisoit rien qui y fût contraire, les dieux détournassent de dessus lui leurs regards & leur protection » : Ut Trajanum dii sospitem incolumenque præstarent, si bene rempublicam ex utilitate omnium rexerit ; sin contra, ut ab illius custodia oculos dimoverent : un prince qui pensoit que le souverain bonheur étoit de pouvoir faire tout le bien qu’on veut, & le comble de la grandeur, de pouvoir faire tout le bien qu’on peut : un prince enfin qui, comme le remarque Pline le jeune son ami, n’avoit point de plus grand modele à se proposer que lui même ; un tel prince méritoit sans doute les plus sublimes efforts de l’Architecture, pour célébrer sa gloire & ses vertus.

Aussi le sénat & le peuple Romain lui érigerent avec zele ce mausolée, si l’on peut parler ainsi, en reconnoissance de ses rares qualités, & des grands services qu’il avoit rendus à la république.

De plus, dit M. Rollin, dont je ne peux m’empêcher de transcrire ici les réflexions, « le sénat & le peuple réunis voulant que la mémoire de Trajan fût présente à tous les siecles, & qu’elle durât autant que l’empire, ils ordonnerent que ses actions seroient gravées sur le marbre du plus riche style qui ait jamais été employé ».

L’Architecture fut l’historiographe de cet ingénieux genre d’Histoire ; & parce qu’elle devoit préconiser un Romain, elle ne se servit pas des ordres Grecs, quoiqu’ils fussent incomparablement plus parfaits & plus en usage dans l’Italie même, que les deux autres originaires du pays, de peur que la gloire de ce monument admirable ne se trouvât en quelque façon partagée, & pour faire voir aussi qu’il n’y a rien de si simple que l’art ne sache perfectionner. Elle choisit donc la colonne de l’ordre toscan, qui jusqu’alors n’avoit eu place que dans les choses grossieres & rustiques ; & de cette masse informe elle en fit naître le plus riche & le plus noble chef-d’œuvre du monde, que le tems a épargne & conservé tout entier jusqu’à présent, au milieu d’une infinité de ruines dont Rome est remplie.

C’est en effet, ajoûte M. Rollin, une espece de merveille, de voir que le colisée, le théatre de Marcellus, ces grands cirques, les thermes de Dioclétien, de Caracalla, & d’Antonin, ce superbe mole de la sépulture d’Adrien, le septizone de Sévere, le mausolée d’Auguste, & tant d’autres édifices qui sembloient être bâtis pour l’éternité, soient maintenant si caducs & si délabrés, qu’à peine peut-on remarquer leur ancienne forme, pendant que la colonne