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étoit distribué en 193 centuries ; on y décidoit les affaires à la pluralité des voix des centuries ; on en fait remonter l’institution jusque sous le roi Servius Tullius ; on y élisoit, au tems de la république, les consuls, les préteurs, les censeurs, les proconsuls, le rex sacrorum ; on y délibéroit des lois, des traités de paix, des déclarations de guerre, du jugement d’un citoyen in crimine perduellionis. Les consuls y présidoient ; en leur absence c’étoient les dictateurs, les tribuns militaires qui avoient puissance consulaire, les décemvirs appellés legibus scribendis, l’interrex ; on les annonçoit au peuple par des crieurs, ou par des affiches ou publications faites dans trois marchés consécutifs ; on ne les tenoit point dans la ville, parce qu’une partie du peuple s’y trouvoit en armes, c’étoit au champ de Mars ; quand les questeurs ou tribuns du peuple présidoient, il ne s’agissoit que du jugement d’un citoyen : cependant il falloit que le comice fût autorisé par le consentement d’un consul. Lorsque l’objet de l’assemblée étoit ou la publication d’une loi, ou le jugement d’un citoyen, elle n’avoit point de jour fixe ; s’il s’agissoit de l’élection d’un magistrat, elle se faisoit nécessairement avant que le tems de la fonction de cette magistrature fût expiré. Il n’y eut cependant de jour fixe qu’en 600 : on prit le premier Janvier. Il falloit toûjours l’agrément du sénat ; & il dépendoit de lui d’infirmer ou de confirmer la délibération du comice. Ces actes de despotisme déplaisoient au peuple ; & Quintus Publius Philo parvint, pour les réprimer, à faire proposer au peuple les sujets de délibération, & les sentimens du sénat, par le sénat même ; ce qu’on appelloit autores fieri. Le peuple devint ainsi juge des délibérations du sénat, au lieu que le sénat avoit été jusqu’alors juge des siennes. Quand le sénat vouloit des comices, on les publioit, comme nous avons dit ; le jour venu, on consultoit les augures, on sacrifioit ; & s’il ne survenoit aucun obstacle, le président conduisoit le peuple au champ de Mars : là il proposoit le sujet de la délibération, & l’avis du sénat, & disoit au peuple : rogo vos, quirites, velitis, jubeatis, &c. Aussitôt chaque citoyen se rangeoit dans sa classe & dans sa centurie ; on commençoit à prendre les voix par la premiere classe, & dans cette classe par les dix-huit centuries des chevaliers ; on passoit ensuite aux quatre-vingts centuries restantes. Quand le consentement étoit unanime, l’affaire étoit presque terminée. Si les sentimens étoient partagés, on prenoit les voix de la seconde classe ; en cas de partage des voix, on prenoit celles de la troisieme ; & ainsi de suite jusqu’à la quatre-vingts-dix-sept. En cas d’égalité de voix dans les cinq premieres classes ou dans les 192 centuries qui les composoient, la sixieme classe décidoit. On alloit rarement jusqu’à la quatrieme ou cinquieme classe.

Sous la république, on mettoit tous les noms des centuries dans un vaisseau, & l’on en tiroit au sort le rang de voter. La premiere centurie tirée, s’appelloit centuria prærogativa. Les autres centuries adhéroient ordinairement à son avis, & cette centurie à l’avis de celui qui votoit le premier. Les candidats ne négligeoient donc pas de s’assûrer de cette premiere voix. Les centuries qui donnoient leurs voix après la premiere, selon que le sort en avoit ordonné, s’appelloient jure vocatæ. Il importoit encore beaucoup de s’assûrer de la voix du premier de chaque jure vocata.

Ces comices par curies représenterent dans la suite les comices par tribus ; au lieu qu’anciennement on n’entroit point en charge, sans avoir été élû par les comices appellés tributaria & centuriata. Alors le peuple votoit à haute voix ; comme cela n’étoit pas sans inconvénient, il fut arrêté en 611, sur les représentations du tribun Gabinius, que les voix se pren-

droient autrement. On employa des tablettes. S’il

s’agissoit de lois, il y avoit dessus la tablette les lettres V. R. uti rogas, ou la lettre A. antiquo. Pour l’élection d’un magistrat, on mettoit sur la tablette la premiere lettre de son nom. On distribuoit de ces tablettes au peuple, par les diribiteurs ; puis la centurie dite prærogativa, appellée par un crieur, approchoit & entroit dans une enceinte ; on en recevoit les tables sur le pont à mesure qu’elle passoit ; on les jettoit dans des urnes gardées par les custodes, pour empêcher la fraude : quand les tablettes étoient toutes reçûes, les custodes ou gardiens les tiroient des urnes, & séparoient celles qui étoient pour & contre, ce qui s’appelloit dirimere suffragia ; ils marquoient les suffrages par différence, par le moyen de points ; d’où l’on a fait omne tulit punctum. On annonçoit au peuple le côté pour lequel étoit la différence, & de combien elle étoit de points ; & ainsi des autres centuries : quand il y avoit égalité de voix pour & contre, & que par conséquent la différence étoit nulle, on n’annonçoit point cette centurie ; on la passoit sans mot dire, excepté dans les affaires capitales, ou quand il s’agissoit d’emploi ; alors on faisoit tirer au sort les candidats. Pour le consulat, il falloit avoir non-seulement l’avantage des suffrages sur ses compétiteurs, mais réunir plus de la moitié des suffrages de chaque centurie. Quand l’élection étoit valable, celui qui tenoit les comices disoit : quod mihi, magistratuique meo, populo, plebique Romanæ bene atque feliciter eveniat, L. Murænam consulem renuntio. Cela fait, les comices se séparoient ; on accompagnoit l’élu jusque chez lui avec des acclamations, & l’on rendoit les mêmes honneurs à celui qui sortoit de charge.

Comices consulaires : le peuple y étoit distribué par centuries ; on y élisoit les consuls. Les premiers se tinrent en 245 par Sp. Lucretius, interrex pour lors, & on y nomma consuls M. Jun. Brutus & Tarquinius Collatinus. On créa souvent un interrex pour présider à ces comices, quand l’élection des consuls ne se pouvoit faire au tems marqué. L’interrex sous lequel l’élection des consuls se commençoit, n’en voyoit pas ordinairement la conclusion, son regne n’étant que de cinq jours. On en créoit un second. Ce fut dans la suite à un exconsul à tenir les comices consulaires. Au défaut d’exconsul, on faisoit un dictateur. Ils se tenoient à la fin du mois de Juillet, ou au commencement d’Août. Lorsque les séances étoient interrompues, l’élection duroit jusqu’au mois d’Octobre. Cependant les candidats au consulat s’appelloient consuls designés, consules designati ; & la fonction des dictateurs ne finissoit qu’au premier Janvier, & avant qu’on eût fixé le premier Janvier, qu’au commencement de Mars. Alors les consuls désignés entroient en exercice.

Comices dits curiata ; assemblées où le peuple étoit distribué dans ses trente curies, & où l’on terminoit les affaires selon le plus grand nombre de voix des curies. On en fait remonter l’origine jusque sous Romulus. On dit qu’à la mort d’un roi, on en élisoit un autre par curies : c’étoit alors un interrex qui tenoit les comices ; dans la suite ce furent les consuls, les préteurs, les dictateurs, les interrex, les souverains pontifes, auxquels cependant les historiens n’attribuent pas ce droit unanimement. On délibéra dans ces comices des lois & des affaires capitales des citoyens ; on y procéda à l’élection des premiers magistrats, jusqu’à ce que Servius Tullius institua les comices dits centuriata, & y transféra les affaires les plus importantes. Les augures y étoient appellés, parce qu’ils ne se tenoient jamais sans les avoir consultés. On y décidoit de ce qui concerne le commandement des armées, les forces des armées, des légions qu’on accorderoit aux consuls, du gouverne-