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barbares par une convention réciproque entre les parens de la personne offensée & ceux de l’offenseur.

Cette satisfaction regardoit celui qui avoit été offensé, s’il pouvoit la recevoir ; & les parens, si l’injure ou le tort leur étoit commun, ou si par la mort de celui qui avoit été offensé la composition leur étoit dévolue.

Tacite en parle dans les mœurs des Germains, de même que la loi des Frisons, qui laissoit le peuple, pour ainsi dire, dans l’état de nature, & où chaque famille pouvoit à sa fantaisie exercer sa vengeance, jusqu’à ce qu’elle eût été satisfaite par la composition.

Depuis, les sages des nations barbares mirent un prix juste à la composition que devoit recevoir celui à qui on avoit fait quelque tort ou quelqu’injure, & leurs lois y pourvûrent avec une exactitude admirable.

La principale composition étoit celle que le meurtrier devoit payer aux parens du mort. La différence des conditions en mettoit une dans les compositions : ainsi dans la loi des Angles, la composition étoit de six cents sous pour la mort d’un adalingue, de deux cents pour celle d’un homme libre, & de trente pour celle d’un serf. Il semble que dans notre façon de penser nous ayons retenu quelque chose de cette loi. La grandeur de la composition établie sur la tête d’un homme constituoit donc une de ses grandes prérogatives ; car outre la distinction qu’elle faisoit de sa personne, elle établissoit pour lui parmi des nations violentes une plus grande sûreté.

Toutes ces compositions étoient à prix d’argent ou de denrées, dont la loi arbitroit même la valeur : ce qui explique comment avec si peu d’argent il y avoit chez les peuples barbares tant de peines pécuniaires. Ces lois s’attacherent à marquer avec précision la différence des torts, des injures, des crimes, afin que chacun connût au juste le montant de la composition qu’il devoit avoir, & qu’il n’en reçût pas davantage. Dans ce point de vûe, celui qui se vengeoit après la satisfaction reçûe, commettoit un grand crime. Un autre crime étoit de ne vouloir point faire la satisfaction. Nous voyons dans divers codes des lois de ces peuples, que les législateurs y obligeoient absolument.

Il auroit été injuste d’accorder une composition aux parens d’un voleur tué dans l’action du vol, ou à ceux d’une femme qui avoit été renvoyée après une séparation pour crime d’adultere. La loi des Bavarois ne donnoit point de composition dans des cas pareils, & punissoit les parens qui en poursuivoient la vengeance.

Il n’est pas rare de trouver dans leurs codes des compositions pour des actions involontaires. La loi des Lombards est presque toûjours sensée ; elle vouloit que dans ce cas on composât suivant sa générosité, & que les parens ne pussent plus poursuivre la vengeance.

Clotaire II. fit un decret très-sage : il défendit à celui qui avoit été volé de recevoir sa composition en secret, & sans l’ordonnance du juge. Voici la raison de cette derniere partie de la loi qui requeroit l’ordonnance du juge.

Il arriva par laps de tems, qu’outre la composition qu’on devoit payer aux parens pour les meurtres, les torts, ou les injures, il fallut payer en outre un certain droit que les codes des lois des Barbares appellent fredum, c’est-à-dire, autant qu’on peut rendre ce mot dans nos langues modernes, une récompense de la protection accordée contre le droit de vengeance.

Quand la loi ne fixoit pas ce fredum, il étoit or-

dinairement le tiers de ce qu’on donnoit pour la composition, comme il paroît dans la loi des Ripuaires ; & c’étoit le coupable qui payoit ce fredum, lequel étoit un droit local pour celui qui jugeoit dans le territoire. La grandeur du fredum se proportionna à la grandeur de la protection ; cela étoit tout simple : ainsi le droit pour la protection du roi fut plus grand que le droit accordé pour la protection du comte ou des autres juges.

On voit déjà naître ici la justice des seigneurs. Les fiefs comprenoient de grands territoires ; ceux qui obtinrent des fiefs, en obtinrent tous les émolumens possibles ; & comme un des plus grands étoit les profits judiciaires, freda, celui qui avoit le fief avoit aussi la justice, c’est-à-dire le soin de faire payer les compositions de la loi, & sur-tout celui d’en exiger les amendes. Ainsi les compositions ont produit par filiation les justices des seigneurs.

Ensuite les églises ayant acquis des biens très-considérables, firent aussi payer les droits des compositions dans leurs fiefs ; c’est encore ce qu’on devine sans peine : & comme ces droits emportoient nécessairement celui d’empêcher les officiers royaux d’entrer dans leurs territoires pour exiger ces freda, le droit qu’eurent les ecclésiastiques de rendre la justice dans leurs domaines, fut appellé immunité dans le style des formules, des chartes, & des capitulaires. Voilà donc encore l’origine des immunités ecclésiastiques ; & je n’en dirai pas davantage, sinon que cet article est extrait de l’esprit des lois, livre où l’auteur dégage perpétuellement des inconnues, & en trouve la valeur par des grandeurs connues. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Composition, (Jurisprud.) signifie dans cette matiere accord, transaction, remise, diminution. Il est parlé dans plusieurs anciennes ordonnances de compositions faites avec des officiers qui avoient malversé dans leurs offices, & avec ceux qui avoient contrevenu aux ordonnances sur le fait des monnoies, au moyen dequoi ils ne pourroient plus être inquiétés à ce sujet. Le reglement de Charles V. du mois de Septembre 1376, défend aux officiers des eaux & forêts de plus faire de compositions dans les procès pendans devant eux, & leur ordonne de les juger conformément aux lois. Il y a aussi des lettres de remission du mois de Septembre 1374 accordées au maître particulier de S. Aventin, qui avoit malversé dans son office, après que par composition faite avec les gens du grand-conseil du roi & les généraux des maîtres des monnoies, il eut promis de payer mille livres au roi. Ordonn. de la troisieme race, VI. vol. On voit par-là que le terme de composition signifie quelquefois une amende qui n’est point décernée en jugement, mais dont celui qui est en faute convient en quelque sorte à l’amiable.

Compositions de rentes, à tems, à vie, à héritage, ou à volonté. Cette expression se trouve dans une ordonnance de Charles V. du dernier Février 1378, & paroît signifier un acte par lequel une personne à laquelle il est dû une rente, consent de perdre une partie du fonds ou des arrérages.

Composition signifie aussi quelquefois une espece d’imposition qui a été concertée avec les habitans d’une province ou d’une ville, ou certains impôts pour lesquels on avoit la liberté de s’abonner. Il en est parlé comme d’une imposition en général, dans l’ordonnance de Charles V. du 2 Juin 1380. (A)

Composition, en Musique ; c’est l’art d’inventer & noter des chants, de les accompagner d’une harmonie convenable, & de faire en un mot une piece de musique complete avec toutes ses parties.

La connoissance de l’harmonie & de ses regles, est le fondement de la composition ; mais elle ne suffit pas pour y réussir : il faut outre cela bien connoître