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que dans les verbes : les Latins au contraire ne s’en sont guere servis que dans l’interjection ai, ou dans quelques mots tirés du Grec. Ovide parlant d’Hyacinthe, dit,

Ipse suos gemitus foliis inscribit : & ai ai
Flos habet inscriptum. Ovid. met. liv. X. v. 215.

Lorsque les Latins changent l’æ en ai, cet ai n’est point diphthongue, il est dissyllabe. Servius sur ce vers de Virgile,

Aulaï in medio. Æneid. liv. III. v. 354.


dit aulaï pro aulæ, & est diæresis de grecâ ratione veniens ; quorum ai diphthongus resoluta, apud nos duas syllabas facit. Voyez Dierèse.

Mais passons aux autres diphthongues. J’observerai d’abord que l’i ne doit être écrit par y, que lorsqu’il est le signe du mouillé foible.

Eau. Fléau, ce mot est de deux syllabes.

Etre l’effroi du monde & le fléau de Dieu. Corneille.

A l’égard de seau, eau, communément ces trois lettres eau se prononcent comme un o fort long, & alors leur ensemble n’est qu’une dipthongue oculaire ou une sorte de demi-diphtongue dont la prononciation doit être remarquée : car il y a bien de la différence dans la prononciation entre un seau à puiser de l’eau & un sot, entre de l’eau & un os, entre la peau & le riviere ou Pau ville. M. l’abbé Regnier, gramm. pag. 70. dit que l’é qui est joint à au dans cette diphthongue, se prononce comme un é féminin, & d’une maniere presqu’imperceptible.

Ei, comme en Grec τείνω, tendo : nous ne prononçons guere cette diphthongue que dans des mots étrangers, bei ou bey, dei ; ou dey ; le dey de Tunis ; ou avec le n nazal, comme dans teindre, Rheims, ville.

Selon quelques grammairiens on entend en ces mots un i très-foible, ou un son particulier qui tient de l’e & de l’i. Il en est de même devant le son mouillé dans les mots so-l-eil, con-s-eil, so-m-eil. &c.

Mais selon d’autres il n’y a en ces derniers que l’e suivi du son mouillé ; le v-ie-il-home, con-s-e-il, some-il, &c. & de même avec les voyelles a, ou, eu. Ainsi selon ces grammairiens, dans œil qu’on prononce euil, il n’y a que eu suivi du son mouillé, ce qui me paroît plus exact. Comme dans la prononciation du son mouillé, les organes commencent d’abord par être disposés comme si l’on alloit prononcer i, il semble qu’il y ait un i ; mais on n’entend que le son mouillé, qui dans le mouillé fort est une consonne : mais à l’égard du mouillé foible, c’est un son mitoyen qui me paroît tenir de la voyelle & de la consonne : moi-yen, pa-yen ; en ces mots, yen est un son bien différent de celui qu’on entend dans bien, mien, tien.

Ia, d-ia-cre, d-ia-mant, sur-tout dans le discours ordinaire : fiacre ; les Plé-ia-des, de la v-ian-de, négoc-ian-t, inconvé-n-ien-t.

. P-ié ou p-iéd, les p-ié-ds, ami-t-ié, pi-t-ié, prem-ier, der-n-ier, mé-t-ie-r.

ouvert. Une v-iè-le instrument, vol-iè-re, Gu-iène province de France, V-iè-ne ville, ou verbe, veniat, n-iai-s, b-iai-s ; on prononce niès, biès, f-iè-r, un t-iè-rs ; le c-ie-l, Ga-br-ie-l, es-sen-t-ie-l, du m-ie-l, f-ie-l.

Ien, où l’i n’est point un mouillé foible ; b-ien, m-ien, t-ien, s-ien, en-tre-t-ien, ch-ien, comé-d-ien, In-d-ien, gar-d-ien, pra-ti-c-ien ; l’i & la voyelle nazale en sont la diphthongue.

Ieu ; D-ieu, l-ieu, les c-ieu-x, m-ieu-x.

Io ; s-io-le, capr-io-le, car-io-le, v-io-le, sur-tout en prose.

Ion ; p-ion, que nous ai-m-ion-s, di-s-ion-s, &c.

ac t-ion, occa-s-ion : ion est souvent de deux syllabes en vers.

Iou ; cette diphthongue n’est d’usage que dans nos provinces méridionales, ou bien en des mots qui viennent de-là ; Mon-tes-qu-iou, Ch-iou-r-me, O-l-iou-les ville de Provence ; la Ciotat, en Provence on dit la C-iou-tat.

Ya, yan, ye e muet, , &c. l’i ou l’y a souvent devant les voyelles un son mouillé foible ; c’est-à-dire un son exprimé par un mouvement moins fort que celui qui fait entendre le son mouillé dans Versailles, paille ; mais le peuple de Paris qui prononce Versa-ye, pa-ye, fait entendre un mouillé foible ; on l’écrit par y. Ce son est l’effet du monvement affoibli qui produit le mouillé fort ; ce qui fait une prononciation particuliere différente de celle qu’on entend dans mien, tien, où il n’y a point de son mouillé, comme nous l’avons déjà observé.

Ainsi je crois pouvoir mettre au rang des diphthongues les sons composés qui résultent d’une voyelle jointe au mouillé foible ; a-yan-t, vo-yan-t, pa-yen, pai-yan-t, je pai-ye, em-plo-ye-r, do-yen, afin que vous so-ye-z, dé-lai-ye-r, bro-ye-r.

Oi. La prononciation naturelle de cette diphthongue est celle que l’on suit en grec, λόγοι ; on entend l’o & l’i. C’est ainsi qu’on prononce communément voi-ye-le, voi-ye-r, moi-yen, loi-yal, roi-yaume ; on écrit communément voyelle, voyer, moyen, loyal, royaume. On prononce encore ainsi plusieurs mots dans les provinces d’au-delà de la Loire ; on dit Sav-oi-e, en faisant entendre l’o & l’i. On dit à Paris Sa-v-o-ya-rd ; ya est la diphthongue.

Les autres manieres de prononcer la diphthongue oi ne peuvent pas se faire entendre exactement par écrit : cependant ce que nous allons observer ne sera pas inutile à ceux qui ont les organes assez délicats & assez souples pour écouter & pour imiter les personnes qui ont eu l’avantage d’avoir été élevées dans la capitale, & d’y avoir reçû une éducation perfectionnée par le commerce des personnes qui ont l’esprit cultivé.

Il y a des mots où oi est aujourd’hui presque toûjours changé en æ, d’autres où oi se change en ou, & d’autres enfin en oua : mais il ne faut pas perdre de vûe que hors les mots où l’on entend l’o & l’i, comme en grec λόγοι, il n’est pas possible de représenter bien exactement par écrit les differentes prononciations de cette diphthongue.

Oi prononcé par oe où l’e a un son ouvert qui approche de l’o ; f-oi, l-oi, sr-oi-d, t-oi-ct, m-oi, à s-oison, qu-oi, c-oi-ffe, oi-seau, j-oi-e, d-oi-gt (digitus), d-oi-t (debet), ab-oi-s, t-oi-le, &c.

Oi prononcé par oa ; m-oi-s, p-oi-s, n-oi-x, tr-oi-s, la ville de Tr-oi-e, & c. prononcez, m-oa, p-oa, & c.

Oi prononcé par oua ; b-oi-s (lignum), prononcez b-ou-a.

Oin : s-oin, l-oin, be-s-oin, f-oin, j-oin-dre, m-oin-s, on doit plûtôt prononcer en ces mots une sorte d’e nazal après l’o, que de prononcer ouin ; ainsi prononcez soein plûtôt que souin.

Il faut toûjours se ressouvenir que nous n’avons pas de signes pour représenter exactement ces sortes de sons.

Oua écrit par ua, éq-ua-teur, éq-ua-tion, aq-uatique, quin-q-ua-gésime ; prononcez é-c-oua-teur, é-q-ouation, a-q-oua-tique, quin-q-oua-gésime.

 : p-oe-te, p-oe-me ; ces mots sont plus ordinairement de trois syllabes en vers ; mais dans la liberté de la conversation on prononce poe comme diphthongue.

Ou an : Ec-ouan, R-ouan, villes, diphthongues en prose.

Oue : oue-st, sud-oue-st.