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moniales entre ceux qui ont quelque liaison de parenté ou affinité proprement dite.

Les dispenses de mariage entre ceux qui sont parens ou alliés en un degré prohibé, ne peuvent être accordées que par le pape.

On n’accorde jamais de dispense de parenté entre parens en ligne directe, la prohibition étant à cet égard de droit naturel & divin.

Pour ce qui est de la collatérale, on n’accorde point non plus de dispense au premier degré de cognation civile ou naturelle, sous quelque prétexte que ce soit, c’est-à-dire entre les freres & sœurs, soit légitimes ou naturels.

Il en est de même ordinairement du premier degré d’affinité spirituelle, c’est-à-dire qu’un parrain ne peut obtenir dispense d’épouser sa filleule ; ces sortes de mariages étant défendus par le premier concile de Nicée, canon 70. Les plus savans canonistes, tels que Panorme, Abbas, Felinus, & Benedictus, assûrent que le pape n’a jamais accordé de dispense du premier degré d’affinité spirituelle : il y en a néanmoins quelques exemples, entr’autres celui dont il est parlé dans l’arrêt du 11 Décembre 1664, rapporté au journal des audiences : mais ces exemples sont rares.

Le pape a aussi quelquefois accordé des dispenses au premier degré d’affinité contractée ex illicitâ copulâ, par exemple entre le concubin & la fille légitime de la concubine, comme on voit dans l’arrêt du 20 Août 1664, rapporté dans la bibliotheque canonique, tom. I. p. 514.

A l’égard du second degré de cognation naturelle ou spirituelle, le pape en peut dispenser ; mais il ne le fait jamais que pour des considérations importantes ; quelques canonistes en donnent pour exemple deux cas ; savoir lorsque c’est entre de grands princes, ou lorsqu’il s’agit du salut de l’état.

On voit même que dans le xiije siecle, Alexandre IV. refusa d’abord à Valdelmac roi de Suede, la dispense qu’il lui demandoit pour épouser la princesse Sophie sa niece, fille de Henri roi de Danemark : il est vrai qu’il l’accorda ensuite ; mais ce ne fut qu’après avoir été pleinement informé des grands avantages que les deux royaumes de Danemark & de Suede recevroient de ce mariage, comme il arriva en effet.

Urbain V. refusa pareillement une dispense à Edmond fils d’Edoüard roi d’Angleterre, qui vouloit épouser Marguerite de Flandres veuve de Philippe, dernier duc de la premiere branche de Bourgogne, quoiqu’ils ne fussent parens qu’au troisieme degré ; & ils eurent tant de respect pour le refus du pape, que quoique leur traité de mariage fût arrêté entre eux, ils ne voulurent pas passer outre, & se marierent tous deux ailleurs.

Le concile de Trente, tenu en 1545 sous le pontificat de Paul III, dit : in contrahendis matrimoniis vel nulla omnino detur dispensatio, vel raro, idque ex causâ & gratis concedatur.

On voit par-là qu’anciennement ces sortes de dispenses s’obtenoient beaucoup plus difficilement qu’aujourd’hui, puisque de simples particuliers en obtiennent lorsqu’il y a quelque considération importante qui engage à les leur accorder. On a vû des oncles épouser leurs nieces, des femmes épouser successivement les deux freres avec dispense, & vice versa des hommes épouser les deux sœurs.

La cour de Rome n’accorde plus de dispenses pour se marier entre parens en degrés prohibés, qu’à ceux qui reconnoissent le pape pour chef de l’Église.

Ces dispenses n’ont lieu qu’en trois cas ; savoir, quand il y a eu copulation charnelle, lorsque les parties demeurent dans des lieux voisins, & que par la rareté des habitans on a de la peine à trouver des

partis sortables, & enfin lorsque c’est pour le bien de la paix, & pour ne point desunir les biens dans les familles. Les dispenses qui sont dans ce dernier cas, sont taxées à la componende selon la proximité & la qualité des parties.

A l’égard des hérétiques qui ne reconnoissent point le pape, ils doivent obtenir du roi des dispenses pour se marier dans les degrés prohibés ; autrement leurs mariages sont nuls, & ne produisent point d’effets civils.

Les dispenses qui viennent de Rome doivent être fulminées, c’est-à-dire vérifiées par l’official diocésain des parties qui veulent contracter mariage, avant qu’elles puissent faire usage de la dispense, sans quoi il y auroit abus dans la célébration.

Les évêques sont en possession de donner des dispenses de parenté & d’affinité au quatrieme degré, & aussi du troisieme au quatrieme : ils en donnent même au troisieme degré inter pauperes. Voyez Rebuffe, practica cancellar. apostol. le même de dispensat. in gradibus prohibitis, prax. benef. part. III. & de dispensat. in gradibus consanguin. dans ses additions sur la regle 50. de chancellerie ; recueil de Decombes, ch. ij. & v. dict. de Pontas, & les défin. canon. au mot dispense ; le tr. des dispenses, par Nic. Schouter ; Franç. Marc, tome II. qu. 761 ; bibliot. can. tom. II. & Albert au mot mariage ; Basset, tom. I. liv. IV. tit. 6. ch. vij. Soefve, tom. II. cent. 1. chap. xlvj. & cent. 3. chap. lxxxvij. & cent. 4. chap. lxjx. & lxxxv ; journal du palais, arrét du 15 Mars 1672 ; quinzieme plaid. de le Noble ; Dufail, liv. I. ch. cccxxx. & liv. II. ch. ccccxxxij. Frain, p. 222. bibliot. can. tom. I. p. 389. col. 1. Maynard, liv. IX. ch. lvj. Catelan, liv. I. ch. xxviij. Boniface, tom. I. liv. V. tit. 10. chap. j. mém. du cle’gé, édition de 1716, tom. V. pag. 908. Voyez Mariage, Parenté. (A)

Dispense d’age, est la licence que l’on donne à quelqu’un, d’être pourvû d’un office ou d’un bénéfice avant l’âge requis pour le posséder.

L’émancipation que l’on accorde aux adultes, est aussi une espece de dispense d’âge, pour administrer eux-mêmes leur bien avant la majorité ; mais dans l’usage on distingue les lettres de bénéfice d’âge des dispenses d’âge, les premieres n’étant que pour l’administration des biens, au lieu que les autres sont à l’effet de posséder un office ou un bénéfice.

Il y avoit chez les Romains des lois appellées annales, qui fixoient l’âge requis pour pouvoir parvenir à la magistrature ; cet usage jusqu’au tems d’Auguste étoit de 25 ans : Auguste le réduisit à 20 ans.

Mais il paroît que l’on accordoit dès-lors des dispenses d’âge, non pas à prix d’argent comme on fait aujourd’hui, mais lorsque le mérite & l’expérience du sujet devançoient le nombre des années ; c’est pourquoi Cassiodore dit : spectata siquidem virtus annalibus legibus subjecta non est, jamque honoris infulis adultam cingere dignus est cæsariem, quisquis meritorum laude ætatis præjudicia superavit.

C’est aussi ce que dit Cicéron dans la cinquieme philippique : ab excellenti eximiâque virtute progressum annorum expectari non oportere, ne antequam reipublicæ prodesse possit, extinguatur.

Vopiscus in probo, dit aussi, in eo non expectari ætatem, qui virtutibus fulget & moribus posset.

Pline, en ses épîtres, dit pareillement, ab optimâ indole frustra exigi annorum numerum.

Enfin Cujas sur la loi derniere de decurionibus, apporte une exception par rapport à l’âge requis par les lois : nisi dignitas, dit-il, certa spes honoris, id faceret ut princeps indulgere posset.

On voit par-là que les dispenses d’âge s’accordoient dès-lors pour différentes considérations ; que l’on avoit égard à la noblesse d’extraction, à la prestance du corps, à la capacité, & parce que ce sont autant