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trement, ou lorsque la loi a disposé simplement sans défendre de déroger à sa disposition. (A)

Disposition libre, est un acte fait par quelqu’un de sa bonne volonté, sans aucune force ni contrainte, & sans suggestion ni captation de personne. Voyez Captateur, Force, Violence, Suggestion. (A)

Disposition de la loi, est tout ce que la loi ordonne : & l’on entend par-là non seulement ce qui est porté par les lois proprement dites, telles que les lois romaines, & les ordonnances, édits, & déclarations ; mais aussi toute disposition qui a force de loi, telles que les coûtumes, & même les usages non écrits qui s’observent de tems immémorial. La disposition de l’homme fait cesser celle de la loi. Voyez ci-dev. Disposition de l’homme, & Loi. (A)

Disposition modale, est celle à laquelle le testateur a attaché une certaine charge, de faire ou donner quelque chose en considération de sa libéralité, & après que le légataire l’aura reçûe. Il y a quelques lois qui donnent le nom de condition, à ce qui n’est proprement qu’un mode, quoique le mode soit différent de la condition affirmative & de la condition négative. Voyez Mode. (A)

Disposition négative, est la disposition d’une loi qui se contente d’ordonner quelque chose, sans défendre de faire aucune convention ou disposition au contraire. Tel est l’article 139. de la coûtume de Reims, qui porte : « homme & femme conjoints par mariage, ne sont uns & communs en biens meubles & conquêts faits durant & constant le mariage ». Cette disposition est simplement négative, parce que quoiqu’elle n’établisse pas la communauté, elle ne défend pas aux parties de la stipuler. Ce ne sont pas les termes négatifs qui forment ce que l’on appelle une disposition négative ; car une disposition de cette espece peut être conçûe en termes affirmatifs, qui soient équipollens à des termes negatifs. La disposition simplement négative est opposée à la disposition prohibitive, qui défend de rien faire de contraire à ce qu’elle ordonne. Il y a des dispositions qui sont tout à la fois négatives prohibitives ; c’est-à-dire qui en rejettant quelque usage, défendent en même tems de déroger à cette disposition. Voyez ci-après Disposition prohibitive. (A)

Disposition onéreuse, est un acte qui transmet à quelqu’un une chose à titre onéreux, & non à titre lucratif. (A)

Disposition pénale, voyez Loi pénale.

Disposition prohibitive, est une disposition d’une loi ou d’un jugement, qui défend de faire quelque chose. Il n’est pas permis aux parties de déroger à ces sortes de dispositions : tel est, par exemple, l’article 330. de la coûtume de Normandie, qui porte : « quelque accord ou convenant qui ait été fait par contrat de mariage, les femmes ne peuvent avoir plus grande part aux conquêts faits par le mari, que celle qui est reglée par la coûtume à laquelle les contractans ne peuvent déroger ». Cette disposition est tout à la fois prohibitive négative. Il y a des dispositions où la prohibition n’est pas si marquée, & qui ne laissent pas d’être prohibitives négatives ; telles que l’article 251. de la coûtume de Paris, « nul ne peut être héritier & légataire ». Voyez ci-devant Disposition négative, & la treizieme question des dissertations de M. Boulenois. (A)

Disposition rémunératoire, est un acte qui a pour objet de récompenser quelqu’un des services qu’il a rendus. (A)

Disposition de Sentence, c’est ce qui est ordonné par une sentence. Voyez ci-devant Disposition d’un arrêt. (A)

Disposition testamentaire, c’est une chose qui est ordonnée par testament. Voy. Testament. (A)

Disposition d’une armée, (Art mil.) c’est la position ou l’arrangement que lui donne le général. Voy. Ordre de bataille. La meilleure disposition d’une armée, selon Vegece, n’est pas tant celle qui nous met en état de battre l’ennemi, que celle qui l’affame & le ruine à la longue. C’étoit aussi le sentiment de César : ce fameux Romain, dans la guerre d’Afranius, ayant coupé les vivres à l’armée ennemie, & étant pressé par ses soldats de profiter de l’occasion de combattre, ne voulut pas hasarder de braves soldats, ni se mettre au pouvoir de la fortune ; parce qu’il n’est pas moins du devoir d’un grand capitaine de vaincre son ennemi par adresse, que par force. Comm. de César par d’Ablancourt. (Q)

Disposition, en Architecture, est la distribution juste de toutes les différentes parties d’un bâtiment, conformément à leur nature & à leur utilité. Voyez Ordonnance.

Disposition, (Jard.) Voyez Distribution.

DISPUTE, s. f. (Métaph. & Morale.) L’inégale mesure de lumieres que Dieu a départies aux hommes ; l’étonnante variété de leurs caracteres, de leurs tempéramens, de leurs préjugés, de leurs passions ; les différentes faces par lesquelles ils envisagent les choses qui les environnent, ont donné naissance à ce qu’on appelle dans les écoles dispute. A peine a-t-elle respecté un petit nombre de vérités armées de tout l’éclat de l’évidence. La révélation n’a pû lui inspirer le même respect pour celles qu’elle auroit dû lui rendre encore plus respectables. Les sciences en dissipant les ténebres, n’ont fait que lui ouvrir un plus vaste champ. Tout ce que la nature renferme de mystérieux, les mœurs d’intéressant, l’histoire de ténébreux, a partagé les esprits en opinions opposées, & a formé des sectes, dont la dispute sera l’immortel exercice. La dispute, quoique née des défauts des hommes, deviendroit néanmoins pour eux une source d’avantages, s’ils savoient en bannir l’emportement ; excès dangereux qui en est le poison. C’est à cet excès que nous devons imputer tout ce qu’elle a d’odieux & de nuisible. La modération la rendroit également agréable & utile, soit qu’on l’envisage dans la société, soit qu’on la considere dans les sciences. 1°. Elle la rendroit agréable pour la société. Si nous défendons la vérité, pourquoi ne la pas défendre avec des armes dignes d’elle ? Ménageons ceux qui ne lui résistent qu’autant qu’ils la prennent pour le mensonge son ennemi. Un zele aveugle pour ses intérêts les arme contre elle ; ils deviendront ses défenseurs, si nous avons l’adresse de dessiller leurs yeux sans intéresser leur orgueil. Sa cause ne souffrira point de nos égards pour leur foiblesse ; nos traits émoussés n’en auront que plus de force ; nos coups adoucis n’en seront que plus certains ; nous vaincrons notre adversaire sans le blesser.

Une dispute modérée, loin de semer dans la société la division & le desordre, peut y devenir une source d’agrémens. Quelle charme ne jette-t-elle pas dans nos entretiens ? n’y répand-elle pas, avec la variété, l’ame & la vie ? quoi de plus propre à les dérober, & à la stérilité qui les fait languir, & à l’uniformité qui les rend insipides ? quelle ressource pour l’esprit qui en fait ses délices ? combien d’esprits qui ont besoin d’aiguillons ? Froids & arides dans un entretien tranquille, ils paroissent stupides & peu féconds. Secoüez leur paresse par une dispute polie, ils sortent de leur léthargie pour charmer ceux qui les écoutent. En les provoquant, vous avez réveillé en eux le génie créateur qui étoit comme engourdi. Leurs connoissances étoient enfoüies & perdues pour la société, si la dispute ne les avoit arrachés à leur indolence.

La dispute peut donc devenir le sel de nos entre-