Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/107

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honnêtes gens qui avoient plus de mérite que d’écus, comme cela arrive assez souvent, la fit entierement supprimer par l’empereur Léon : on donna seulement un repas aux sénateurs & aux chevaliers, & on leur envoya quelques présens qui s’appellerent munera consularia. Les consuls juroient immédiatement après leur élection de ne rien entreprendre contre les lois ; ils haranguoient le peuple aux rostres ; ils avoient preté serment devant le consul à leur désignation ; à leur entrée en charge, ils le pretoient devant le peuple : tout ce cérémonial duroit cinq jours au plus. Les consuls furent d’abord tous patriciens ; mais le peuple obtint par force en 388, qu’il y en auroit toûjours un de son ordre. L. Sextus Lateranus fut le premier de cette création. On ne pouvoit briguer le consulat avant quarante-un ans, & même quarante-trois. César enfreignit cette loi, appellée lex annuaria, en nommant consul Dolabella qui n’étoit âgé que de vingt-cinq. Les empereurs qui lui succederent firent des consuls qui n’avoient pas même de barbe ; ils pousserent l’abus jusqu’à désigner leurs enfans avant qu’ils eussent l’usage de la parole. Dans ces tems où la dignité de consul n’étoit qu’un vain nom, il étoit assez indifférent à qui on la conférât. On n’avoit auparavant dérogé à cette sage institution que dans des cas extraordinaires, en faveur de personnages distingués, tels que le fils adoptif de Marius qui entra en charge à vingt-six ans, & Pompée à trente-quatre, avant que d’avoir été questeur. Il falloit avoir été préteur pour être consul ; il y avoit même un interstice de deux ans, fixé entre le consulat & la dignité prétorienne, & un interstice de dix ans entre la sortie du consulat & la rentrée dans la même fonction. Le peuple s’étoit déjà relâché du premier de ces usages sous Marius ; les empereurs foulerent aux piés l’un & l’autre ; & le peuple, à qui ils avoient appris à souffrir de plus grandes avanies, n’avoit garde de se récrier contre ces bagatelles. Les faisceaux furent originairement les marques de la dignité consulaire ; ils en avoient chacun douze, qui étoient portés devant eux par autant de licteurs. On ne les baissoit que devant les vestales. Cet appareil effaroucha le peuple ; il craignit de ne s’être débarrassé d’un tyran, que pour s’en donner deux ; & il fallut lui sacrifier une partie de cette ostentation de souveraineté : on portoit des faisceaux devant un des consuls ; l’autre n’étoit précédé que par les licteurs. Ils eurent alternativement de mois en mois les licteurs & les faisceaux. Après la mort de Brutus, Valerius dont le peuple se méfioit, détermina même son collegue à quitter les faisceaux dans la ville, & à les faire baisser dans les assemblées. La loi Julienne décerna dans la suite les faisceaux au plus âgé des consuls ; ils appartinrent aussi de préférence ou à celui qui avoit le plus d’enfans, ou à celui qui avoit encore sa femme, ou à celui qui avoit déjà été consul. Lorsque les haches furent supprimées, pour distinguer le consul en fonction, de son collegue, on porta les faisceaux devant celui-là, & on les porta derriere l’autre. Sous les empereurs, le consulat eut des intervalles d’éclat ; & on lui conserva quelquefois les faisceaux. La chaire curule fut encore une des marques de la dignité consulaire : il ne faut pas oublier la toge prétexte, qui restoit le premier jour de leur magistrature devant les penates, & qui se transportoit le jour suivant au capitole pour y être exposée à la vûe du peuple ; le bâton d’ivoire terminé par l’aigle ; & sous les empereurs la toge peinte ou fleurie, les lauriers autour des faisceaux, les souliers brodés en or, & d’autres ornemens qui décoroient le stupide consul à ses yeux & aux yeux de la multitude, mais qui ne lui conferoient pas le moindre degré d’autorité. Le pouvoir du consulat fut très-étendu dans le commence-

ment ; il autorisoit à déclarer la guerre, à faire la

paix, à former des alliances, & même à punir de mort un citoyen. Mais bientôt on appella de leur jugement à celui du peuple, & l’on vit leurs sentences suspendues par le vetamus d’un tribun. Il y avoit des circonstances importantes, où l’on étendoit leurs priviléges ; viderent ne quid detrimenti respublica caperet : mais ils ne furent jamais dispensés de rendre compte de leur conduite. Si les consuls étoient si petits en apparence devant le peuple, ils n’en étoient pas moins grands aux yeux des étrangers, & ils ont eu des rois parmi leurs cliens. Les autres magistrats leur étoient subordonnés, excepté les tribuns du peuple ; ils commandoient en chef à la guerre, alors ils punissoient de mort ; ils influoient beaucoup dans les élections des tribuns, des centurions, des préfets, &c. ils étoient tout-puissans dans les provinces ; ils avoient droit de convoquer le peuple ; ils faisoient des lois ; ils leur imposoient leur nom ; ils recevoient les dépêches des pays éloignés ; ils convoquoient les autres magistrats ; ils donnoient audience aux envoyés ; ils proposoient dans les assemblées ce qui leur paroissoit convenable ; ils recueilloient les voix. Sous les empereurs, ils affranchissoient les esclaves ; ils avoient l’inspection du commerce & de ses revenus ; ils présidoient aux spectacles, &c. Auparavant l’un d’eux restoit ordinairement à Rome, à la tête du sénat & des affaires politiques ; l’autre commandoit les armées ; leur magistrature étant de peu de durée, & chacun se proposant de fixer la mémoire de son année par quelque chose d’important, on vit & l’on dut voir par ce seul moyen les édifices somptueux, les actions les plus éclatantes, les lois les plus sages, les entreprises les plus grandes, les monumens les plus importans se multiplier à l’infini : telle fut la source de la splendeur du peuple Romain dans Rome ; la jalousie du peuple & l’inquiétude de ses maîtres qui pour n’en être pas dévorés au-dedans étoient obligés de le lâcher au-dehors sur des ennemis qu’ils lui présentoient sans cesse, furent la source de ses guerres, de ses triomphes, & de sa puissance prodigieuse au-dehors. Après l’année du consulat, le consul faisoit une harangue aux rostres ; il juroit avoir rempli fidelement ses fonctions ; lorsque le peuple en étoit mécontent, il lui interdisoit ce serment ; & Ciceron, nonobstant tout le bruit qu’il fit de son consulat, essuya cette injure publique. On passoit communément du consulat à la dignité de proconsul & à un gouvernement de province. Les gouvernemens se tiroient au sort, à moins que les consuls ne prissent entr’eux des arrangemens particuliers, ce qui s’appelloit parare cum collega ou comparare. C’est-là qu’ils se dédommageoient des dépenses qu’ils avoient faites pendant leur consulat. Les pauvres provinces pillées, desolées, payoient tout ; & tel Romain s’étoit illustré à la tête des affaires, qui alloit se deshonorer en Asie, ou ailleurs, par des concussions épouventables. La création & succession des consul sont dans la chronologie des époques très-sûres. On a vû plus haut ce que c’étoit que l’état du consul désigné. Il y eut sous Jules César des consuls honoraires, consul honorarius : c’étoient quelques particuliers qu’il plaisoit à l’empereur d’illustrer, de ces gens qui croyoient sottement qu’il dépendoit d’un homme d’en faire un autre grand, en lui disant : sois grand, car telle est ma volonté. L’empereur leur conféroit les marques & le rang de la dignité consulaire. Ces titulaires sont bien dignes d’avoir pour instituteur un tyran. La race en fut perpétuée par les successeurs de Jules César. Celui des deux consuls qui étoit de service, & devant qui l’on portoit les faisceaux, dans le tems où on les distinguoit en les faisant porter devant ou derriere, s’appelloit consul major. Il y en a qui prétendent que l’épithete de major a une autre origine, & qu’on la