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Les dixmes inféodées sont patrimoniales, & entrent dans le commerce : on en peut disposer comme des autres biens, soit avec le fief auquel elles sont attachées, ou séparément.

Lorsque la dixme inféodée est vendue, cédée, ou donnée à l’Eglise séparément du fief auquel elle étoit attachée, elle est censée rentrer dans son premier état, & devient dixme ecclésiastique ; c’est pourquoi l’Eglise la peut posséder sans permission du Roi : elle n’est point sujette au retrait lignager ni au féodal, & dépend de la jurisdiction ecclésiastique pour le pétitoire : mais si elle est vendue ou donnée à l’Eglise avec le fief dont elle fait partie, elle continue d’être considérée comme inféodée ; elle suit la nature du fief dont elle n’est que l’accessoire ; elle est toûjours du ressort de la jurisdiction séculiere, tant pour le pétitoire que pour le possessoire : l’amortissement en est dû au Roi ; & si c’est par vente qu’elle passe à l’Eglise, elle est sujette au retrait féodal & lignager.

Il y a des pays où l’on paye double dixme ; c’est-à-dire qu’outre celle qui se paye à un décimateur ecclésiastique, on paye encore la dixme inféodée au seigneur ; ce qui suppose en ce cas que la dixme du seigneur n’étoit pas ecclésiastique dans son origine : car un même héritage ne doit pas deux dixmes de cette nature sur une même récolte ; mais il se peut faire que les grosses dixmes soient partagées entre le décimateur ecclésiastique & le seigneur ; ou que celui-ci ait seulement les grosses dixmes, & que le décimateur ecclésiastique ait les menues dixmes & les novales.

Dans le Béarn, les laïcs qui possedent des dixmes inféodées s’appellent abbés, & les maisons auxquelles ces dixmes sont attachées ont le titre d’abbayes. Ces abbés laïcs ont la plûpart le patronage & les droits honorifiques de la paroisse où ils dixment. Dans certaines paroisses il n’y a qu’un abbé, dans d’autres il y en a trois ou quatre. Ils sont obligés de laisser au curé pour sa portion congrue le quart des dixmes, à moins que le curé n’ait le droit de prémices, qui est en quelques endroits de la trente-unieme gerbe, en d’autres de la quarante-unieme, en d’autres de la soixante-unieme, & ailleurs d’une certaine quantité de grain ou de vin que les habitans payent au curé. M. de Marca, en son hist. de Béarn, dit que l’on paye la dixme aux curés pour les domaines anciens des abbayes laïques, parce que ces domaines sont considérés comme un démembrement des cures.

Un seigneur laïc peut prescrire les dixmes inféodées contre un autre seigneur, par l’espace de tems ordinaire des prescriptions suivant les coûtumes des lieux. Il en est de même des ecclésiastiques, qui peuvent aussi prescrire les dixmes inféodées. (A)

Dixmes insolites, sont celles qui sont extraordinaires, soit par rapport à la nature des fruits sur lesquels elles se perçoivent, soit par rapport à la quotité & à la forme de la perception, & qui de mémoire d’homme n’ont jamais été payées dans la paroisse. Ce qui détermine si une dixme est insolite ou non, ce n’est pas la qualité de la dixme, mais l’usage du lieu : ainsi la même dixme peut être ordinaire dans un lieu & insolite dans un autre. Cependant par le terme de dixme insolite on entend ordinairement celle qui est exorbitante de l’usage commun, telles que sont dans la plûpart des pays les dixmes des légumes & des fruits tendres & à couteau. L’ordonnance de Philippe le Bel de l’an 1303, appellée vulgairement la philippine, défend aux ecclésiastiques de lever aucune dixme insolite & non accoûtumée, & l’exécution de cette ordonnance appartient au juge royal ; ce que Dumolin en ses notes sur le conseil 6. d’Alexandre, liv. IV. dit avoir été toûjours gardé inviolablement dans ce royaume. On observe aussi la même chose dans les états voisins.

L’empereur Charles-Quint, par édit du premier Octobre 1520 donné à Malines, ordonna que les ecclésiastiques se contenteroient des dixmes accoûtumées, sans en exiger de nouvelles & inusitées ; & que l’interprétation de ces droits de dixmes insolites appartiendroit aux consuls & juges ordinaires. Covarruvias, variar. cap. xvij. n. 3. dit que cela s’observe de même en Espagne ; ce qui est encore confirmé par deux autres auteurs espagnols, Barbosa, ad l. titia, ff. solut. matrim. & par Olivanus, en son traité de jure fisci. Par les anciennes lois d’Angleterre des rois Edgar, Ethelstan, Canut, & Edoüard, traduites par Guillaume Lambard, il est parlé du dixieme poulain d’un haras, du douzieme veau, du dixieme fromage, du dixieme cochon, de la douzieme toison des brebis ; & suivant ces lois, ceux qui refusent de payer ces dixmes insolites peuvent être assignés devant le prevôt royal : mais il faut noter que la plûpart des dixmes. dont il vient d’être parlé, & qui sont qualifiées d’insolites, ne sont pas réputées telles en d’autres pays ; cela dépend de l’usage du pays. (A)

Dixmes judaïques, sont celles que les Juifs payoient à leurs prêtres suivant la loi de Moyse. (A)

Dixmes laïques, sont celles qui appartiennent à des laïcs à titre d’inféodation : on les appelle plus communément dixmes inféodées. Voyez ci-dev. Dixmes inféodées. (A)

Dixmes, (menues) sont celles qui se perçoivent sur les menus grains, telles que les pois, vesces, lentilles ; & elles sont opposées aux grosses dixmes qui se perçoivent sur les gros fruits. Voyez ci-devant Dixme des gros fruits.

Le droit de percevoir les menues & vertes dixmes se regle par la possession entre les curés & les gros décimateurs. Ces sortes de dixmes peuvent être tenues à titre d’inféodation. (A)

Dixmes militaires, sont la même chose que dixme inféodée ; elles sont ainsi appellées dans des anciens titres, à cause qu’elles ont été inféodées à des militaires, en considération des services qu’ils avoient rendus à l’Eglise, ou de la protection qu’elle attendoit d’eux. Voyez Dixme inféodée. (A)

Dixmes mixtes, sont celles qui se perçoivent sur des choses qui proviennent en partie des héritages, & en partie de l’industrie de l’homme, comme sont celles qui se levent sur les agneaux & autres animaux, sur le lait, sur la laine, & autres choses semblables. Ces sortes de dixmes sont réputées réelles. Voyez ci-après Dixme personnelle & Dixme réelle. (A)

Dixme novale, est celle qui se perçoit sur les terres novales ou héritages défrichés depuis quarante ans, & qui de tems immémorial n’avoient point été cultivés, ou qui n’avoient point porté de fruits sujets à la dixme.

Elles appartiennent de droit commun spécialement au curé, à l’exclusion des autres décimateurs. Le principe sur lequel les curés sont fondés à cet égard, est que toute dixme en général leur appartient de droit commun ; ils ne peuvent en être dépouillés que par l’acquisition que les décimateurs en ont faite, ou par la prescription : or les décimateurs ne peuvent pas avoir acquis anciennement ni prescrit des terres défrichées depuis peu ; c’est pourquoi elles appartienent de droit aux curés, lorsque ceux-ci en sont en possession, & ne les ont pas laissé prescrire par les décimateurs.

Le droit des curés sur les novales a lieu contre les religieux privilégiés aussi-bien que contre les autres décimateurs.

Quelques ordres religieux, tels que Cluny, Cîteaux, Prémontré, & quelques autres, ont obtenu des papes le privilége de percevoir les novales à pro-