Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CONTINGENCE, s. f. (Géometrie.) On appelle angle de contingence un angle tel que l’angle LAB (fig. 23 n°. 1. Géomet.) qu’un arc de cercle AL fait avec la tangente BA, au point A, où la ligne BA touche le cercle. Voyez Angle.

Euclide a démontré que la droite BA élevée perpendiculairement sur le rayon CA, touche le cercle en un seul point, & qu’on ne peut tirer aucune ligne droite entre le cercle & cette tangente.

De-là il s’ensuit que l’angle de contingence est moindre qu’aucun angle rectiligne, & que l’angle que le cercle fait avec son rayon, est plus grand qu’aucun angle aigu. La nature de l’angle de contingence a fait autrefois le sujet de beaucoup de disputes. Un auteur, par exemple, a soutenu contre Clavius, que l’angle de contingence étoit aussi hétérogene aux angles rectilignes, que la ligne l’est à la surface. Wallis qui a fait un traité particulier. de l’angle de contingence, & de celui que le cercle fait avec son rayon, soutient le même sentiment. Chambers. Voy. Tangente.

Depuis que les Géometres se sont appliqués à examiner une infinité d’autres courbes que le cercle, ils ont nommé en général angle de contingence, l’angle compris entre l’arc d’une courbe quelconque, & la ligne qui touche cet arc à son extrémité.

Quant à la dispute sur l’angle de contingence, elle pourroit bien n’être qu’une question de nom ; tout dépend de l’idée qu’on attache au mot angle. Si on entend par ce mot une portion finie de l’espace compris entre la courbe & sa tangente, il n’est pas douteux que cet espace ne soit comparable à une portion finie de celui qui est renfermé par deux lignes droites qui se coupent. Si on veut y attacher l’idée ordinaire de l’angle formé par deux lignes droites, on trouvera, pour peu qu’on y réfléchisse, que cette idée prise absolument & sans modification, ne peut convenir à l’angle de contingence, parce que dans l’angle de contingence une des lignes qui le forme est courbe. Il faudra donc donner pour cet angle une définition particuliere ; & cette définition, qui est arbitraire, étant une fois bien exposée & bien établie, il ne pourra plus y avoir de difficulté. Une bonne preuve que cette question est purement de nom, c’est que les Géometres sont d’ailleurs entierement d’accord sur toutes les propriétés qu’ils démontrent de l’angle de contingence ; par exemple, qu’entre un cercle & sa tangente on ne peut faire passer de lignes droites ; qu’on y peut faire passer une infinité de lignes circulaires, &c.

M. Newton remarque dans le scholie du lem. xj du premier livre de ses Principes, qu’il y a des courbes telles, qu’entre elles & leur tangente on ne peut faire passer aucun cercle, & qu’ainsi on peut dire qu’à cet égard l’angle de contingence de ces courbes est infiniment moindre que l’angle de contingence du cercle. Ce grand géometre mesure l’angle de contingence d’une courbe en un point quelconque, par la courbure de cette courbe en ce point, c’est-à-dire par le rayon de sa développée. Voyez Courbure & Osculation. D’après ce principe il fait voir que l’angle de contingence d’une courbe peut en ce sens être infiniment moindre ou infiniment plus grand que l’angle de contingence d’une autre courbe. Les courbes dans lesquelles le rayon de la développée est = à l’infini en certains points, ont à ces points l’angle de contingence = 0, & infiniment plus petit que l’angle de contingence du cercle. Les courbes au contraire qui ont en quelque point le rayon de la dévelopée = 0, ont en ce point l’angle de contingence infiniment plus grand, pour ainsi dire, que l’angle de contingence du cercle, parce que tout cercle d’un rayon fini, quelque petit qu’il soit, peut passer entre la courbe & la tangente.

Soit y = xm, m étant une fraction positive, on trouvera que si m est < , le rayon de la développée est infini à l’origine, & qu’il est 0 si . Voy. Développée.

Ligne de contingence, dans la Gnomonique, est une ligne qui coupe la soustylaire a angles droits. Dans les cadrans horisontaux, équinoctiaux, polaires, &c. la ligne de contingence est perpendiculaire à la méridienne, ainsi que dans tous les cadrans où la soustylaire & la méridienne se confondent. Cette ligne, dans les cadrans horisontaux, est la ligne de section ou de rencontre du plan du cadran, avec un plan parallele à l’Equateur, qu’on imagine passer par le bout du style. Voyez Soustylaire & Gnomonique. (O)

CONTINGENT, adject. (Métaphys.) terme relatif. C’est ce qui n’est pas nécessaire, ou dont l’opposé n’implique aucune contradiction. La chaleur d’une pierre exposée aux rayons du soleil, est contingente ; car il n’est pas impossible qu’elle se dissipe, & que le froid lui succede.

Tout ce qui est changeant est contingent, & tout contingent est sujet au changement. Ce qui est une fois absolument nécessaire, ne peut jamais devenir contingent. Ainsi c’est la nécessité absolue qui détruit la contingence ; mais il n’en est pas de même de la nécessité hypothétique qui peut subsister avec elle. Il y a long-tems que les Théologiens l’ont reconnu dans leurs disputes contre les Sociniens ; mais ils ne l’ont pas tous fait sentir avec la même évidence, La démonstration en est pourtant aisée. Le contingent ne devient nécessaire qu’en vertu de quelque nouvelle détermination ajoûtée à l’essence. Rien ne peut exister avant qu’il soit nécessaire qu’il existe ; car le contingent en soi-même est indifférent par rapport à l’existence. La nécessité qui lui survient d’ailleurs, & qui le détermine, soit à être, soit à avoir certains modes, ne l’empêche pas d’être contingent de sa nature, puisqu’il y a eu un tems où il n’a pas été, & où il auroit pû ne pas être.

Le mot de contingent est très-équivoque dans les écrits de la plûpart des Philosophes. Il y en a qui envisagent la contingence comme si elle étoit opposée à toute sorte de nécessité, mais elle ne sçauroit être soûtenue dans ce sens. Tous les jours nous nommons nécessaire ce qui n’est l’effet que d’une nécessité morale, que personne ne sçauroit regarder comme incompatible avec la contingence. Nous disons encore qu’une chose contingente, que Dieu a prévûe, est nécessaire. Le langage ordinaire étend l’idée de nécessité jusqu’aux bienséances. Je ne sçaurois, dit-on, me dispenser de rendre telles visites, d’écrire telle lettre : ce sont des choses nécessaires. Cependant & le vulgaire & les philosophes sont obligés d’en revenir aux notions que nous proposons de la nécessité & de la contingence. Dans un cas d’absolue nécessité, demandez à un homme destitué des connoissances philosophiques, pourquoi la chose n’est pas autrement, pourquoi il ne fait pas jour & nuit en même tems ; il vous répondra tout court que cela ne sçauroit être autrement. Mais demandez-lui pourquoi cet arbre n’a point de feuilles, il vous répondra que c’est que les chenilles l’ont rongé, ou telle autre cause qui occasione la nécessité hypothétique de cette nudité de l’arbre. Le vulgaire sent donc & distingue le cas de nécessité absolue & de nécessité conditionnelle. Article de M. Formey.

Contingent, s. m. (Commerce & Histoire mod.) terme de Commerce & de Police Imperiale, qui signifie la quote part que chaque personne doit fournir lorsque l’Empire est engagé dans une guerre qui regarde ou l’empereur ou le corps germanique : chaque prince d’Allemagne doit fournir tant d’hommes,