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roulent en grand nombre sur la pente des collines ; il y en a encore sur le sommet des montagnes & dans le sein des carrieres, elles y forment des lits entiers ; elles sont incorporées avec la pierre & le marbre ; elles font partie de la marne & de la craie, & il y a lieu de croire que la marne & la craie, la pierre & le marbre ne sont composés que de fragmens & de détrimens de coquilles. Voyez l’Hist. nat. tome I. p. 271 & suiv. où M. de Buffon donne à ce sujet une théorie fondée sur des faits incontestables.

La matiere des coquilles est fort analogue à la pierre, elles se pétrifient fort aisément ; elles changent de nature sans changer de forme, selon l’occurrence des matieres qui les environnent. Les Naturalistes distinguent ces différens états, en désignant par le nom de coquilles fossiles, celles qui sont conservées dans la terre presque sans aucune altération ; & ils appellent coquilles pétrifiées, celles qui participent à la nature de la pierre.

Après avoir considéré les coquilles relativement à leur nature, nous devons faire mention des différences que l’on a observées entre leurs principales especes. Les anciens n’ont pas traité cette matiere dans un grand détail. Aristote divise seulement les coquilles en univalves, bivalves & turbinées : les univalves sont d’une seule piece : les bivalves sont composées de deux pieces ; & les turbinées ne different des univalves, que parce qu’elles ont une figure conique ou ressemblante à celle d’une poire, que leur cavité est contournée en spirale. Ensuite il rapporte quelques différences tirées de la forme, de l’épaisseur des coquilles, &c. Hist. anim. lib. IV. cap. jv.

Les modernes n’ont commencé que sur la fin du dix-septieme siecle à faire des divisions méthodiques des coquilles. Gesner, Aldrovande, Jonston, Rondelet, & plusieurs autres auteurs qui ont traité des coquillages & des coquilles, n’en ont fait aucune distribution suivie & détaillée. J. Daniel Major a été le premier qui ait divisé les coquilles en classes, genres & especes, & qui ait établi sa méthode sur des caracteres tirés des différentes especes de coquilles. Annot. in lib. de purpurâ, fab. Col. Kiliæ 1675. Dans cette méthode l’auteur met sous le nom de testacées improprement dits & vivans, testacea impropriè dicta viventia, les écailles de tortues, les nids d’Alcion, les tubes vermiculaires ; & sous le nom de testacées improprement dits & morts, les coquilles pétrifiées, & les noyaux pierreux des coquilles fossiles. Dans cette méthode les œufs des oiseaux, des tortues, &c. sont au rang des testacées proprement dits, comme les coquillages ; ceux-ci sont divisés en univalves turbinées & non turbinées, & en plurivalves, soit bivalves, soit trivalves ou quatrivalves.

Il parut en 1684 une autre distribution méthodique des coquilles, dans l’ouvrage intitulé Recreatio mentis & oculi, in observatione animalium testaceorum, &c. à Phi. Bonanno soc. Jesu. Romæ. Les coquilles y sont divisées en trois classes, dont la premiere contient les univalves non turbinées ; la seconde les bivalves, & la troisieme les turbinées.

Martin Lister, Medecin Anglois, fit en 1685 une autre méthode pour la division des coquilles, & la donna dans un volume in-folio, qui renferme un très-grand nombre de planches dans lesquelles les coquilles sont bien gravées, Hist. Conch. Londini. Cet ouvrage est le plus complet que nous ayons pour le nombre des planches, car il contient plus de douze cents figures de coquilles. Il est vrai que l’auteur a pris quelquefois les variétés des individus de la même espece, pour des caracteres spécifiques ; & que n’ayant donné aucune explication détaillée de sa méthode, elle est obscure à quelques égards, &

suppose une grande connoissance des coquilles, sans laquelle il n’est pas facile de reconnoître tous les caracteres qui y sont employés. On pourroit aussi faire quelques objections contre certaines parties de ce système ; mais il n’est pas possible de faire en histoire naturelle aucune distribution méthodique qui soit entierement conforme à l’ordre de la nature. La méthode de Lister m’a paru aussi bonne qu’aucune autre ; je l’ai suivie pour l’arrangement de la nombreuse collection de coquilles du cabinet du Roi, par la même raison qui doit la faire préférer à toute autre, lorsqu’on veut prendre connoissance des coquilles ; c’est que l’on trouve dans ce livre à chaque page, la figure de la coquille, & la dénomination que le méthodiste a donnée pour la distinguer des autres. La définition est réunie à l’objet, & les objets sont en plus grand nombre que dans aucun autre ouvrage de ce genre. Il est fâcheux que celui-ci soit aussi rare qu’il l’est. Je rapporterai ici un extrait de la méthode de Lister, en faveur de ceux qui n’ont pas son livre, & par ce moyen je donnerai une idée des différentes especes de coquillages, ou au moins des genres & des classes dans lesquels on les a distribués.

Lister divise les coquilles en trois classes générales : la premiere comprend les coquilles de terre ; la seconde les coquilles d’eau douce ; & la troisieme les coquilles de mer. Il prétend que la terre n’est pas moins propre que les eaux à la génération des coquillages, & qu’on en trouveroit grand nombre d’especes sur la terre, si on y cherchoit les coquilles avec autant de soin qu’on a de facilité à les trouver lorsqu’on fait des pêches. Mais notre auteur paroît prévenu pour cette opinion, de façon qu’il met au nombre des coquilles de terre, plusieurs de celles qui ne se trouvent que dans l’eau.

La premiere classe ne comprend que des coquilles univalves, qui sont des buccins & des limaçons ; en effet, on n’a jamais vû de coquilles terrestres bivalves.

Il y a dans l’eau douce des coquilles univalves & des bivalves. Les premieres sont les buccins, les limaçons, les nérites & les patelles ; les autres sont les moules & les petoncles.

Les coquilles de mer sont bivalves, multivalves, c’est-à-dire composées de plus de pieces, & univalves. Il y a des bivalves de mer dont les pieces sont inégales ; d’autres les ont égales, & semblables l’une à l’autre. Les premieres sont les peignes, les huîtres & les spondyles. Les autres sont les meres-perles, les petoncles, les moules, les pinnes marines, les tollines, les solenes, les chames-pholades. Celles qui sont composées de plus de deux pieces, en ont ou trois, ou cinq, ou douze. Les premieres sont les pholades, les secondes les anatiferes, & les troisiemes les glands de mer. Enfin la troisieme classe des coquilles de mer, qui renferme celles d’une seule piece, comprend les patelles, les dentales, les tubes vermiculaires, les nautilles, les limas, les nérites, les oreilles de mer, les sabots, les porcelaines, les rhombes & les buccins. Ce dernier membre de la division est le plus nombreux de tous, parce qu’il est composé non-seulement des buccins, mais encore des pourpres & des murex, sous le nom de buccins.

Coquilles de terre. Buccins. Ce sont des coquilles turbinées : toutes celles qui ont cette forme, sont faites dans leur intérieur en quelque façon comme un escalier à vis ; il y a un noyau qui les traverse dans le milieu d’un bout à l’autre. La bouche, c’est-à-dire l’ouverture de la coquille, est l’entrée de la cavité où loge l’animal ; cette cavité tourne en spirale autour du noyau, & diminue peu-à-peu de diametre, jusqu’à ce que les parois se rapprochent &