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tige, & l’orifice est tourné du côté opposé ; telle est l’habitation du polype, que l’on peut voir à l’œil nud, mais dont on ne peut distinguer la figure précise qu’à l’aide du microscope. C’est ainsi que je l’ai observé pour le décrire & pour le dessiner.

De chaque cellule sort & se déploye au-dehors un insecte blanc, mou, un peu transparent, sous la forme d’une étoile à huit rayons égaux, à-peu-près coniques, & garnis de part & d’autre d’appendices aussi coniques, qui ont tous une même direction avec le rayon d’où ils naissent. Ces rayons sont un peu applatis, & de leur centre commun s’éleve une coquille qui s’élargit vers sa base, qui a une ouverture assez grande à son sommet, & qui est sillonnée dans sa longueur de huit cannelures profondes, dont les intervalles forment huit lignes saillantes : c’est dans ces intervalles que chaque rayon a son insertion. La coquille a pour appui une espece de pédicule, que j’appellerois plutôt le ventre de l’animal, lequel reste toûjours dans la cellule, tant que le polype est en vie & qu’il ne souffre pas, quoiqu’il n’y tienne en aucune façon, ainsi qu’on peut l’observer lorsque l’insecte est dans certaines positions. Tout cela se voit dans le corail récemment pêché & tenu dans l’eau de mer ; car lorsqu’on le tire de l’eau ou que même on le touche dans l’eau, aussi-tôt le polype rentre dans sa cellule, la coquille se referme ; & les rayons ainsi que leurs appendices se retirent d’eux-mêmes par un jeu semblable à celui des cornes de limas, se replient vers leur origine, & s’arrangent sur les bords de la coquille. Le polype se présente sous cette forme lorsqu’il vient d’être tiré de son élément : dans cet état, vû sans microscope, il ressemble à une goutte de lait ; & les anciens pêcheurs le prennent communément pour le lait du corail, d’autant plus qu’en pressant l’écorce on en fait sortir le polype sous l’apparence d’un suc laiteux ; c’est ce qui me fait croire que le lait qu’André Cesalpin observa le premier dans les coraux, n’étoit autre chose que les polypes dont il est question. Le ventre de ces insectes, comme nous l’avons dit, ne tient point du tout à la cellule, néanmoins il leur sert à s’y maintenir en se raccourcissant & en se dilatant assez pour que son diametre surpasse celui de l’orifice de la cellule. Ce jeu se voit très-clairement lorsqu’on sépare la cellule & le polype de la matiere dure du corail : non-seulement on apperçoit le ventre dans son état d’accourcissement, mais encore la situation que prend le polype dans sa cellule.

J’ai remarqué dans la partie inférieure du ventre de quelques polypes, de très-petites idatides rondes, extrèmement molles, transparentes, pâles ou jaunâtres, que j’ai prises, à leur figure & à la place où elles se trouvoient, pour de vrais œufs de polype.

Quoique le diametre de ces œufs ne soit peut-être que de la 40e partie d’une ligne, j’ai cru cependant y découvrir quelques traces de ces petits globules qui entrent dans la composition de l’écorce & de la substance totale du corail ; ces œufs se détachent de l’animal, & par la mollesse de leur consistance se prennent aux corps sur lesquels ils tombent, ensuite ils se dilatent vers leur base, ils se gonflent un peu, & alors on distingue nettement leur cavité, dont le bord supérieur se sillonne de huit cannelures, mais ne s’ouvre pas encore. L’embrion du polype informe y séjourne un certain tems, puis s’étant développé & étant, pour ainsi dire, devenu adulte, il sort par l’ouverture qui se fait à la surface supérieure de sa cellule & s’épanouit au dehors, & de-là l’accroissement du corail. Tant que cette premiere cellule où cet œuf du polype est encore fermé, tout y est dans l’état de mollesse ; mais lorsqu’il s’est ouvert, on commence à y remarquer

quelques petites lames dures ; enfin lorsqu’il a acquis une ligne & demie de diametre, il grossit au sommet & à la base, & se resserre vers le milieu de sa hauteur ; c’est alors qu’il prend la vraie consistance du corail. A mesure qu’il croît, les polypes se multiplient & il se forme de nouvelles ramifications. Donati, pag. 43. & suiv. Voyez Polypiers. (I)

Corail, (Matiere médic. & Pharmacie.) Le corail est un absorbant ou alkali terreux, analogue ou plutôt parfaitement semblable aux yeux d’écrevisses, à la coquille d’huître, à la nacre de perle, à la craie, &c. aussi donne-t-on presqu’indifféremment dans le cas des acides des premieres voies, & dans les différentes maladies qui en dépendent, l’un ou l’autre de ces absorbans terreux.

La préparation du corail proprement dite, celle dont le produit est connu dans l’art sous le nom de corail préparé, consiste à le réduire en poudre dans un mortier de fer, à le tamiser, à le porphyriser, & à le former ensuite en petits trochisques.

Le sel de corail est un sel neutre, formé par l’union de l’acide du vinaigre, & du corail.

La dissolution de ce sel évaporée à feu lent, très rapprochée, présente en refroidissant une crystallisation en petits filets soyeux, élevés à-peu-près perpendiculairement sur le fond du vaisseau où ils se sont formés, & presque parallelement entr’eux.

Mais on ne se donne pas communément la peine de faire crystalliser le sel de corail qu’on prépare pour les usages médicinaux ; on se contente de le faire dessecher à un feu doux. Ce sel est assez analogue à la terre foliée du tartre ; il ne tombe pourtant pas en deliquium comme ce dernier sel, quoiqu’il soit assez soluble, sur-tout lorsqu’on ne l’a pas dépouillé par une trop forte dessiccation d’une portion d’acide surabondante qu’il retient dans ses crystaux.

Le magistere de corail n’est autre chose que la base du sel dont nous venons de parler, précipitée par un alkali fixe, & édulcorée par plusieurs lotions.

Lemery croyoit que le sel & le magistere de corail avoient la même vertu ; il leur attribuoit à l’un & à l’autre celle de fortifier & de réjoüir le cœur ; c’est apparemment sur son autorité, que quelques apoticaires donnent encore aujourd’hui assez indifféremment ces deux préparations l’une pour l’autre. Elles différent pourtant essentiellement, le magistere de corail n’étant absolument que le corail pur divisé dans ses parties les plus subtiles par la dissolution & la précipitation, l’édulcoration en ayant enlevé la petite portion du dissolvant & du précipitant qui accompagne ordinairement les précipités.

Ce magistere de corail n’est donc qu’un pur absorbant, dont les prétendues vertus cordiales, alexiteres, diaphorétiques, &c. sont aussi imaginaires que celles du corail préparé, auquel quelques auteurs les ont aussi attribuées.

Le sel de corail au contraire est un sel neutre, savoneux, dont on peut esperer de bons effets à titre d’apéritif, de diurétique, de tonique.

Les différentes teintures de corail par les alkalis, les esprits ardens, & les huiles, qui ne sont autre chose que des extractions de sa couleur, qui est soluble dans ces différens menstrues ; ces teintures où ces extractions, dis-je, sont des préparations absolument inutiles, & qui n’ont d’autres vertus que celles du dissolvant qu’on y employe.

On trouve encore chez plusieurs chymistes, sous le nom de teinture de corail, certaines dissolutions de ce corps opérées par le moyen des différens acides, comme celui du citron, celui du miel, celui de la cire, &c. Ces préparations ne different pas essentiellement de celle du sel de corail, du-moins nous ne sommes pas encore instruits de leur différence par des observations.