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communauté en approche, mais ce n’est pas la même chose : il n’a pas une signification si étendue.

Une corporation peut être établie de trois façons ; savoir, par prescription, par lettres patentes, & par un acte du parlement.

Les corporations (corporation signifie ici communauté) sont ou ecclésiastiques ou laïques ; les ecclésiastiques sont ou régulieres, comme les abbayes, les prieurés conventuels, les chapitres, &c. ou séculieres, comme les évêchés, les doyennés, les archidiaconats, les cures, &c & les universités, les colléges & les hôpitaux. Voyez Abbaye, Prieuré, Chapitre, &c. Voyez aussi Hôpital, &c les laïques sont les cités, les villes, les mairies, les bailliages, les compagnies ou sociétés de commerçans, &c. Voyez Compagnie, &c.

De plus, une corporation est ou unique, ou un composé de plusieurs ; c’est cette derniere que les jurisconsultes appellent un collége. Voyez Collége. Voyez aussi Communauté.

* CORPORÉITÉ, s. f. terme de Métaphys. C’est la modification qui forme le degré différentiel dans la définition du corps, ou ce qui constitue un corps, une substance corporelle. Les Antropomorphites attribuoient à Dieu la corporéité.

CORPOREL, adj. (Gramm.) se dit de tout ce qui est relatif au corps considéré sous cette relation ; ainsi on dit des qualités corporelles, &c.

CORPORELLES, (Jurisprud.) choses corporelles. Voyez au mot Choses, & ci-après au mot Droits incorporels.

Corporel, (Fief.) Voyez Fief. (A)

CORPS, s. m. (Métaphys. & Physiq.) C’est une substance étendue & impénétrable, qui est purement passive d’elle-même, & indifférente au mouvement ou au repos, mais capable de toute sorte de mouvement, de figure & de forme. Voyez Substance, Solide, &c.

Les corps, selon les Péripatéticiens, sont composés de matiere, de forme & de privation ; selon les Epicuriens & les Corpusculaires, d’un assemblage d’atomes grossiers & crochus ; selon les Cartésiens, d’une certaine portion d’étendue ; selon les Newtoniens, d’un système ou assemblage de particules solides, dures, pesantes, impénétrables & mobiles, arrangées de telle ou telle maniere : d’où résultent des corps de telle ou telle forme, distingués par tel ou tel nom. Voyez Atome.

Ces particules élémentaires des corps doivent être infiniment dures, beaucoup plus que les corps qui en sont composés, mais non si dures qu’elles ne puissent se décomposer ou se briser. Newton ajoute que cela est nécessaire, afin que le monde persiste dans le même état, & que les corps continuent à être dans tous les tems de la même texture & de la même nature. Voyez Matiere, Particule, Solidité, Dureté, &c.

Il est impossible, selon quelques philosophes, de démontrer l’existence des corps. Voici, disent-ils, la suite d’argumens par laquelle nous pouvons arriver à cette connoissance.

Nous connoissons d’abord que nous avons des sensations ; nous savons ensuite que ces sensations ne dépendent pas de nous, & de-là nous pouvons conclure que nous n’en sommes donc pas la cause absolue, mais qu’il faut qu’il y ait d’autres causes qui les produisent ; ainsi nous commençons à connoître que nous ne sommes pas les seules choses qui existent, mais qu’il y a encore d’autres êtres dans le monde conjointement avec nous, & nous jugeons que ces causes sont des corps réellement existans, semblables à ceux que nous imaginons. Le docteur Clarke prétend que ce raisonnement n’est pas une démonstration suffisante de l’existence du monde corporel. Il

ajoûte que toutes les preuves que nous en pouvons avoir, sont fondées sur ce qu’il n’est pas croyable que Dieu permette que tous les jugemens que nous faisons sur les choses qui nous environnent, soient faux. S’il n’y avoit point de corps, dit-on, il s’ensuivroit que Dieu qui nous représente l’apparence des corps, ne le feroit que pour nous tromper. Voici ce que dit là-dessus le philosophe dont nous parlons. « Il est évident, s’objecte-t-il, que Dieu ne peut pas nous tromper ; & il est évident qu’il nous tromperoit à chaque instant, s’il n’y avoit point de corps : il est donc évident qu’il y a des corps. On pourroit, selon quelques philosophes, nier la mineure de cet argument. »

En effet, quand même il seroit possible qu’il existât des corps, c’est-à-dire des substances solides, figurées, &c. hors de l’esprit, & que ces corps fussent analogues aux idées que nous avons des objets extérieurs, comment nous seroit-il possible avec cela de les connoître ? Il faudroit que nous eussions cette connoissance ou par les sens, ou par la raison. Par nos sens, nous avons seulement la connoissance de nos sensations & de nos idées ; ils ne nous montrent pas que les choses existent hors de l’esprit telles que nous les appercevons. Si donc nous avons connoissance de l’existence des corps extérieurs, il faut que ce soit la raison qui nous en assûre, d’après la perception des sens. Mais comment la raison nous montrera-t-elle l’existence des corps hors de notre esprit ? Les partisans même de la matiere nient qu’il puisse y avoir aucune connexion entr’elle & nos idées. En effet on convient des deux côtés (& ce qui arrive dans les songes, dans les phrénésies, les délires, les extases, en est une preuve incontestable), que nous pouvons être affectés de toutes les idées que nous avons, quoiqu’il n’existe point hors de nous de corps qui leur ressemblent. De-là il est évident que la supposition des corps extérieurs n’est pas nécessaire pour la production de nos idées. Si donc nous avons tort de juger qu’il y ait des corps, c’est notre faute, puisque Dieu nous a fourni un moyen de suspendre notre jugement. Voici encore ce que dit à ce sujet le docteur Berckley, Principes de la connoissance humaine, p. 59. « En accordant aux Matérialistes l’existence des corps extérieurs, de leur propre aveu ils n’en connoîtront pas davantage comment nos idées se produisent, puisqu’ils avouent eux-mêmes qu’il est impossible de comprendre comment un corps peut agir sur un esprit, ou comment il se peut faire qu’un corps y imprime aucune idée ; ainsi la production des idées & des sensations dans notre esprit, ne peut pas être la raison pour laquelle nous supposons des corps ou des substances corporelles, puisque cela est aussi inexpliquable dans cette supposition que dans la contraire. En un mot, quoiqu’il y eût des corps extérieurs, il nous seroit cependant impossible de savoir comment nous les connoissons ; & s’il n’y en avoit pas, nous aurions cependant la même raison de penser qu’il y en a que nous avons maintenant. » Id. ibid. pag. 60. 61.

« Il ne sera pas inutile de réfléchir un peu ici sur les motifs qui portent l’homme à supposer l’existence des substances matérielles. C’est ainsi que voyant ces motifs cesser & s’évanoüir par degrés, nous pourrons nous déterminer à refuser le consentement qu’ils nous avoient arraché. On a donc crû d’abord que la couleur, la figure, le mouvement & les autres qualités sensibles, existoient réellement hors de l’esprit ; & par cette même raison il sembloit nécessaire de supposer une substance ou sujet non pensant, dans lequel ces qualités existassent, puisqu’on ne pouvoit pas concevoir qu’elles existassent par elles-mêmes. Ensuite étant con-