procès ; mais il étoit obligé de juger lui-même, ce qu’il faisoit sur le rapport & l’avis de ses conseillers.
On voit par ce qui vient d’être dit, que chez les Romains les simples conseillers ou assesseurs des magistrats n’étoient point eux-mêmes considérés comme magistrats ; ce n’étoient que des assesseurs que le magistrat appelloit pour l’aider de leurs conseils, & qui par eux-mêmes n’avoient aucun caractere d’officiers publics.
Nous avons déjà observé ci-devant au mot conseil du Roi, qu’en France nos rois ont toûjours eu près d’eux, dès le commencement de la monarchie, un conseil composé de personnes choisies pour les aider dans le gouvernement de l’état & dans l’administration de la justice ; que ceux qui sont admis dans ce conseil, ont été appellés successivement conseillers du roi ou grands conseillers du roi, conseillers du secret, conseillers d’état.
Les comtes des provinces & des villes ayant succédé en France aux magistrats Romains, on établit aussi près d’eux un conseil pour les assister dans leurs jugemens, tant au civil qu’au criminel, & pour représenter le magistrat en cas d’empêchement de sa part. La loi salique nomme ces conseillers rackinburgi, mot dérivé de l’Allemand, & qui signifioit juges. Ils conserverent ce nom sous les rois de la premiere race, & en quelques endroits, jusqu’à la fin de la seconde : on les appelloit plus communément en d’autres endroits scabini, échevins, c’est-à-dire juges ou hommes savans.
Ces rachinbourgs ou échevins étoient élus par le magistrat avec les principaux citoyens. On ne prenoit que des gens d’une sagesse & d’une probité reconnue ; ils prêtoient serment entre les mains du magistrat de ne jamais commettre sciemment aucune injustice. Si par la suite on en reconnoissoit quelqu’un qui n’eût pas les qualités ou les sentimens convenables, il pouvoit être destitué par les commissaires du Roi appellés missi dominici, qui en pouvoient mettre en place un autre, dont le choix se faisoit de la même maniere qui a été expliquée. On envoyoit au roi les noms de ceux qui étoient élus, soit pour qu’il confirmât l’élection, soit afin qu’il connût ceux qui étoient en place ; le juge en appelloit deux ou trois, & quelquefois jusqu’à douze, plus ou moins, selon l’importance de l’affaire ; & quand ils n’étoient pas en nombre suffisant, le magistrat pouvoit y suppléer, en appellant d’autres citoyens des plus capables à son choix.
Sous la troisieme race, les baillifs, prevôts, châtelains, vicomtes & viguiers, qui succéderent aux comtes pour l’administration de la justice, n’avoient point d’abord de conseillers en titre. Les affaires legeres étoient décidées par le bailli ou autre juge seul ; quant à celles qui étoient plus importantes & qui méritoient de prendre l’avis de quelqu’un, le juge appelloit avec lui deux, trois ou quatre personnes telles qu’il vouloit, d’autant que les lois étoient alors dans l’oubli, & qu’on ne se conduisoit que suivant des usages & coûtumes que chacun connoissoit.
Le juge pouvoit, en cas d’absence, déléguer un certain nombre d’assesseurs pour rendre la justice ; mais il étoit responsable des fautes de ceux qu’il avoit commis ; & les assesseurs eux-mêmes étoient punis. Dès que le juge reprenoit ses fonctions, ces assesseurs délégués redevenoient personnes privées. A chaque affaire qui méritoit quelque discussion, le juge se choisissoit un nouveau conseil.
Comme les nobles avoient le privilége de ne point être jugés que par leurs pairs ou égaux, le seigneur ou son bailli, quand il s’agissoit des causes des nobles, appelloit avec lui pour conseillers un certain nombre des pairs du seigneur ; au lieu que
pour les causes des roturiers, le juge appelloit pour assesseurs telles personnes qu’il vouloit, lesquels faisoient serment, à chaque cause, de juger en leur conscience. On les appelloit alors prudhommes ou jugeurs.
On voit dans les établissemens de S. Louis & dans les auteurs contemporains, que le nombre des juges devoit toûjours être de deux, trois, quatre ou sept, selon l’importance de la matiere ; que si le seigneur n’avoit pas assez de vassaux pour fournir ce nombre de pairs, on avoit recours au seigneur le plus proche ; & en cas de refus, au seigneur suzerain ; que les nobles qui refusoient cet emploi étoient contraints de l’accepter par saisie de leurs fiefs, & les roturiers par prison ; que le ministere des uns & des autres étoit purement gratuit ; que les juges & par conséquent ceux qui faisoient fonction de conseillers, étoient garants de leurs jugemens ; qu’en cas de plainte, les nobles étoient obligés de les soûtenir par gages de bataille, & les roturiers par de bonnes raisons ; qu’autrement ils étoient condamnés aux dommages & intérêts des parties.
L’administration de la justice étant devenue plus paisible sous Philippe le Bel, les baillifs & autres juges eurent la liberté de se choisir un conseil tel que bon leur sembloit, sans avoir égard à la qualité des parties, mais seulement à la nature de l’affaire : ils appelloient ordinairement des avocats de leur siége ; mais tous ces conseillers n’avoient que des fonctions passageres.
Le prevôt de Paris étoit le seul au commencement de la troisieme race qui eût conservé son conseil ordinaire composé de l’avocat & du procureur du roi, & de plusieurs conseillers, dont les uns étoient appellés auditeurs, les autres examinateurs, ainsi qu’on l’expliquera ci-après à l’article des Conseillers au Chastelet.
La premiere création de conseillers en titre d’office, est celle qui fut faite par Philippe de Valois en 1327, de huit conseillers au châtelet, quatre clercs & quatre laïcs ; le nombre en fut ensuite augmenté en différens tems.
Lorsque le parlement eut été rendu sédentaire à Paris, le roi envoyoit tous les ans au commencement de la tenue des parlemens l’état des présidens & conseillers, tant clercs que lais, qui devoient y siéger ; mais vers l’an 1400, les rôles ou états ayant cessé d’être envoyés, les officiers du parlement ne sachant à qui s’adresser à cause des troubles, se continuerent d’eux-mêmes & devinrent perpétuels.
Les baillifs & sénéchaux ayant perdu par succession de tems la liberté qu’ils avoient de choisir leurs conseillers ; & le roi s’étant réservé le droit de les nommer, ils prirent le titre de conseillers du roi : il y en avoit dès le commencement du xjv. siecle.
Pour ce qui est des siéges royaux ressortissans aux bailliages & sénéchaussées, Charles IX. fut le premier qui y créa des conseillers par édit du mois d’Octobre 1571.
A l’égard des conseillers des autres siéges, voyez ce qui en est dit sous les noms qui leur sont propres.
Les fonctions des conseillers étant les mêmes que celles des autres juges en général, on n’entrera ici dans aucun détail à ce sujet.
Ce sont eux qui font le rapport des instances & procès appointés : ils ont ordinairement des clercs ou secrétaires qui en font l’extrait ; mais il y en a peu qui se fient à cet extrait, dans la crainte qu’ils ne fût défectueux ou infidele. C’est pourquoi les ordonnances les obligent d’écrire eux-mêmes leurs extraits, tellement qu’on voit dans le style de chancellerie de Dusault un modele de dispense à ce sujet pour cause d’incommodité. (A)