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grand nombre de phénomenes de la nature, qu’il y en a auxquels il s’applique avec beaucoup de facilité, comme la réfraction, & le cas des orbites des planetes, ainsi que beaucoup d’autres, examinés par M. Euler. Voyez les Mém. acad. de Berlin, 1751. & l’article Action ; que ce principe s’applique à plusieurs autres cas, avec quelques modifications plus ou moins arbitraires, mais qu’il est toûjours utile en lui-même à la Méchanique, & pourroit faciliter la solution de différens problèmes.

On a contesté à M. de Maupertuis la propriété de ce principe. M. Kœnig avoit d’abord avancé pour le prouver un passage de Leibnitz, tiré d’une lettre manuscrite de ce philosophe. Ce passage imprimé dans les actes de Léipsic, Mai 1751, contenoit une erreur grossiere, que M. Kœnig assûre être une faute d’impression : il l’a corrigée, & en effet ce passage réformé est du moins en partie le principe de la moindre action. Quand la lettre de Leibnitz seroit réelle (ce que nous ne décidons point), cette lettre n’ayant jamais été publique, le principe tel qu’il est n’en appartiendroit pas moins à M. de Maupertuis ; & M. Kœnig semble l’avoüer dans son Appel au public du jugement que l’académie des Sciences de Prusse a prononcé contre la réalité de ce fragment. M. Kœnig avoit d’abord cité la lettre dont il s’agit, comme écrite à M. Herman ; mais il a reconnu depuis qu’il ne savoit à qui elle avoit été écrite : il a produit dans son appel cette lettre toute entiere, qu’on peut y lire ; elle est fort longue, datée d’Hanovre le 16 Octobre 1707 ; & sans examiner l’authenticité du total, il s’agit seulement de savoir si celui qui l’a donnée à M. Kœnig, a ajoûté ou altéré le fragment en question. M. Kœnig dit avoir reçû cette lettre des mains de M. Henzy, décapité à Berne il y a quelques années. Il assûre qu’il a entre les mains plusieurs autres lettres de Leibnitz, que ce même M. Henzy lui a données ; plusieurs sont écrites, selon M. Kœnig, de la main de M. Henzy. A l’égard de la lettre dont il s’agit, M. Kœnig ne nous dit point de quelle main elle est ; il dit seulement qu’il en a plusieurs autres écrites de cette même main, & qu’une de ces dernieres se trouve dans le recueil imprimé in-4°, & il transcrit dans son appel ces lettres. M. Kœnig ne nous dit point non plus s’il a vû l’original de cette lettre, écrit de la main de Leibnitz. Voilà les faits, sur lesquels c’est au public à juger si le fragment cité est authentique, ou s’il ne l’est pas.

Nous devons avertir aussi que M. Kœnig, dans les act. de Leips. donne un théoreme sur les forces vives, absolument le même que celui de M. de Courtivron, imprimé dans les Mémoir. de l’acad. de 1748, pag. 304. & que M. de Courtivron avoit lû à l’académie avant la publication du mémoire de M. Kœnig. Voy. ce théoreme au mot Centre d’équilibre.

Il ne nous reste plus qu’à dire un mot de l’usage métaphysique que M. de Maupertuis a fait de son principe. Nous pensons, comme nous l’avons déjà insinué plus haut, que la définition de la quantité d’action est une définition de nom purement mathématique & arbitraire. On pourroit appeller action, le produit de la masse par la vîtesse ou par son quarré, ou par une fonction quelconque de l’espace & du tems ; l’espace & le tems sont les deux seuls objets que nous voyons clairement dans le mouvement des corps : on peut faire tant de combinaisons mathématiques qu’on voudra de ces deux choses, & on peut appeller tout cela action ; mais l’idée primitive & métaphysique du mot action n’en sera pas plus claire. En général tous les théoremes sur l’action définie comme on voudra, sur la conservation des forces vives, sur le mouvement nul ou uniforme du centre de gravité, & sur d’autres lois semblables,

ne sont que des théoremes mathématiques plus ou moins généraux, & non des principes philosophiques. Par exemple, quand de deux corps attachés à un levier l’un monte & l’autre descend, on trouve, si l’on veut, comme M. Kœnig, que la somme des forces vives est nulle ; parce que l’on ajoûte, avec des signes contraires, des quantités qui ont des directions contraires : mais c’est-là une proposition de Géométrie, & non une vérité de Métaphysique ; car au fond ces forces vives pour avoir des directions contraires, n’en sont pas moins réelles, & on pourroit nier dans un autre sens la nullité de ces forces. C’est comme si on disoit qu’il n’y a point de mouvement dans un système de corps, quand les mouvemens de même part sont nuls, c’est-à-dire quand les quantités de mouvement sont égales & de signes contraires, quoique réelles.

Le principe de M. de Maupertuis n’est donc, comme tous les autres, qu’un principe mathématique ; & nous croyons qu’il n’est pas fort éloigné de cette idée, d’autant plus qu’il n’a pris aucun parti dans la question métaphysique des forces vives, à laquelle tient celle de l’action. Voyez la page 15 & 16 de ses œuvres, imprimées à Dresde, 1752. in-4°. Il est vrai qu’il a déduit l’existence de Dieu de son principe : mais on peut déduire l’existence de Dieu d’un principe purement mathématique, lorsqu’on reconnoît ou qu’on croit que ce principe s’observe dans la nature. D’ailleurs il n’a donné cette démonstration de l’existence de Dieu que comme un exemple de démonstration tirée des lois générales de l’Univers ; exemple auquel il ne prétend pas donner une force exclusive, ni supérieure à d’autres preuves. Il prétend seulement avec raison que l’on doit s’appliquer sur-tout à prouver l’existence de Dieu par les phénomenes généraux, & ne pas se borner a la déduire des phénomenes particuliers, quoiqu’il avoüe que cette déduction a aussi son utilité. Voyez, sur ce sujet, la préface de son ouvrage, où il s’est pleinement justifié des imputations calomnieuses que des critiques ignorans ou de mauvaise foi lui ont faites à ce sujet ; car rien n’est plus à la mode aujourd’hui, que l’accusation d’athéisme intentée à tort & à-travers contre les philosophes, par ceux qui ne le sont pas. Voyez aussi, sur cet article Cosmologie, les actes de Léipsic de Mai 1751, l’appel de M. Kœnig au public, les mémoires de Berlin 1750 & 1751 (dont quelques exemplaires portent mal-à-propos 1752) ; & dans les mémoires de l’académie des Sciences de Paris de 1749, un écrit de M. d’Arcy sur ce sujet. Voilà quelles sont (au moins jusqu’ici, c’est-à-dire en Février 1754) les pieces véritablement nécessaires du procès, parce qu’on y a traité la question, & que ceux qui l’ont traitée sont au fait de la matiere. Nous devons ajoûter que M. de Maupertuis n’a jamais rien répondu aux injures qu’on a vomies contre lui à cette occasion, & dont nous dirons : nec nominetur in vobis, sicut decet philosophos. Cette querelle de l’action, s’il nous est permis de le dire, a ressemblé à certaines disputes de religion, par l’aigreur qu’on y a mise, & par la quantité de gens qui en ont parlé sans y rien entendre[1]. (O)

COSMOPOLITAIN, ou COSMOPOLITE, (Gram. & Philosoph.) On se sert quelquefois de ce nom en plaisantant, pour signifier un homme qui n’a point de demeure fixe, ou bien un homme qui n’est étranger nulle part. Il vient de κόσμος, monde, & πόλις, ville.

Comme on demandoit à un ancien philosophe d’où il étoit, il répondit : Je suis Cosmopolite, c’est-à-dire citoyen de l’univers. Je prèfere, disoit un autre, ma famille à moi, ma patrie à ma famille, & le genre humain à ma patrie. Voyez Philosophe.

COSMOS, s. m. (Hist. mod.) breuvage qui est

  1. Depuis l’impression de cet article, nous avons recu le volume des mémoires de l’académie des Sciences de Prusse pour l’année 1752. M. de Maupertuis a répondu dans ce volume aux objections de M. d’Arcy ; & il faut joindre sa nouvelle dissertation à celles dont nous avons fait mention.