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maniere que le rouge, le jaune, &c. tombent successivement sur un autre prisme fixe placé à une certaine distance du premier, comme douze piés, par exemple ; & que les rayons de ces différentes couleurs ayent auparavant passé l’un après l’autre par une ouverture placée entre les deux prismes ; les rayons rompus que donneront ces différens rayons, ne se projetteront pas tous à la même place, mais les uns au-dessus des autres.

Cette expérience simple & néanmoins décisive, est celle par laquelle M. Newton leva toutes les difficultés dans lesquelles les premieres l’avoient jetté, & qui l’a entierement convaincu de la correspondance qui est entre la couleur & la réfrangibilité des rayons de lumiere.

4°. Les couleurs des rayons séparés par le prisme, ne sauroient changer de nature ni se détruire, quoique ces rayons passent par un milieu éclairé, qu’ils se croisent les uns les autres, qu’ils se trouvent voisins d’une ombre épaisse, qu’ils soient réfléchis, ou rompus d’une maniere quelconque ; d’où l’on voit que les couleurs ne sont pas des modifications dûes à la réfraction ou à la réflexion, mais des propriétés immuables & attachées à la nature des rayons.

5°. Si par le moyen d’un verre lenticulaire ou d’un miroir concave on vient à réunir tous les différens rayons colorés que donne le prisme, on forme le blanc ; cependant ces mêmes rayons qui, tous rassemblés, ont formé le blanc, donnent après leur réunion, c’est-à-dire au-delà du point où ils se croisent, les mêmes couleurs que celles qu’ils donnoient en sortant du prisme, mais dans un ordre renversé, à cause du croisement des rayons. La raison en est claire ; car le rayon étant blanc avant d’être séparé par le moyen du prisme, doit l’être encore par la réunion de ses parties que la réfraction avoit écartées les unes des autres, & cette réunion ne peut en aucune maniere tendre à détruire ou à altérer la nature des rayons.

De même si on mêle dans une certaine proportion de la couleur rouge avec du jaune, du verd, du bleu & du violet, on formera une couleur composée qui sera blanchâtre (c’est-à-dire à-peu-près semblable à celle qu’on forme en mêlant du blanc & du noir) & qui seroit entierement blanche, s’il ne se perdoit & ne s’absorboit pas quelques rayons. On forme encore une couleur approchante du blanc, en teignant un rond de papier de différentes couleurs, & en le faisant tourner assez rapidement pour qu’on ne puisse pas distinguer aucune des couleurs en particulier.

6°. Si on fait tomber fort obliquement les rayons du soleil sur la surface intérieure d’un prisme, les rayons violets se réfléchiront, & les rouges seront transmis : ce qui vient de ce que les rayons qui ont le plus de réfrangibilité, sont ceux qui se réfléchissent le plus facilement.

7°. Si on remplit deux prismes creux, l’un d’une liqueur bleue, l’autre d’une liqueur rouge, & qu’on applique ces deux prismes l’un contre l’autre, ils deviendront opaques, quoique chacun d’eux pris seul, soit transparent, parce que l’un d’eux ne laissant passer que les rayons rouges, & l’autre que les rayons bleus, ils n’en doivent laisser passer aucun lorsqu’on les joint ensemble.

8°. Tous les corps naturels, mais principalement ceux qui sont blancs, étant regardés au-travers d’un prisme, paroissent comme bordés d’un côté de rouge & de jaune, & de l’autre de bordures bleues & violettes ; car ces bordures ne sont autre chose que les extrémités d’autant d’images de l’objet entier, qu’il y a de différentes couleurs dans la lumiere, & qui ne tombent pas toutes dans le même lieu, à cause des différentes réfrangibilités des rayons.

9°. Si deux prismes sont placés de maniere que le rouge de l’un & le violet de l’autre tombent sur un même papier, l’image paroîtra pâle ; mais si on la regarde au-travers d’un troisieme prisme, en tenant l’œil à une distance convenable, elle paroîtra double, l’une rouge, l’autre violette. De même si on mêle deux poudres, dont l’une soit parfaitement rouge, & l’autre parfaitement bleue, & qu’on couvre de ce mélange un corps de peu d’étendue, ce corps regardé au-travers d’un prisme, aura deux images, l’une rouge, l’autre bleue.

10°. Lorsque les rayons qui traversent une lentille convexe, sont reçûs sur un papier avant qu’ils soient réunis au foyer, les bords de la lumiere paroîtront rougeâtres ; mais si on reçoit ces rayons après la réunion, les bords paroîtront bleus : car les rayons rouges étant les moins réfractés, doivent être réunis le plus loin, & par conséquent être les plus près du bord, lorsqu’on place le papier avant le foyer ; au lieu qu’après le foyer, c’est au contraire les rayons bleus réunis les premiers, qui doivent alors renfermer les autres, & être vers les bords.

L’image colorée du soleil, que Newton appelle le spectre solaire, n’offre à la premiere vûe que cinq couleurs, violet, bleu, verd, jaune & rouge ; mais en retrécissant l’image, pour rendre les couleurs plus tranchantes & plus distinctes, on voit très-bien les sept, rouge, orangé, jaune, verd, bleu, indigo, violet. M. de Buffon (mém. acad. 2743) dit même en avoir distingué dix-huit ou vingt ; cependant il n’y en a que sept primitives, par la raison qu’en divisant le spectre, suivant la proportion de Newton, en sept espaces, les sept couleurs sont inaltérables par le prisme ; & qu’en le divisant en plus de sept, les couleurs voisines sont de la même nature.

L’étendue proportionnelle de ces sept intervalles de couleurs, répond assez juste à l’étendue proportionnelle des sept tons de la Musique : c’est un phénomene singulier ; mais il faut bien se garder d’en conclure qu’il y ait aucune analogie entre les sensations des couleurs & celles des tons : car nos sensations n’ont rien de semblable aux objets qui les causent. Voyez Sensation, Ton, Clavecin oculaire, &c.

M. de Buffon, dans le mémoire que nous venons de citer, compte trois manieres dont la nature produit les couleurs ; la réfraction, l’inflexion, & la réflexion. Voyez ces mots. Voyez aussi Diffraction.

Couleurs des lames minces. Le phénomene de la séparation des rayons de différentes couleurs que donne la réfraction du prisme & des autres corps d’une certaine épaisseur, peut encore être constaté par le moyen des plaques ou lames minces, transparentes comme les bulles qui s’élevent sur la surface de l’eau de savon ; car toutes ces petites lames à un certain degré d’épaisseur transmettent les rayons de toutes les couleurs, sans en réfléchir aucune ; mais en augmentant d’épaisseur, elles commencent à réfléchir premierement les rayons bleus, & successivement après, les verds, les jaunes & les rouges tous purs : par de nouvelles augmentations d’épaisseur, elles fournissent encore des rayons bleus, verds, jaunes & rouges, mais un peu plus mêlés les uns avec les autres ; & enfin elles viennent à réfléchir tous ces rayons si bien mêlés ensemble, qu’il s’en forme le blanc.

Mais il est à remarquer que dans quelqu’endroit d’une lame mince que se fasse la réflexion d’une couleur, telle que le bleu, par exemple, il se fera au même endroit une transmission de la couleur opposée, qui sera en ce cas ou le rouge ou le jaune.

On trouve par expérience, que la différence de couleur qu’une plaque donne, ne dépend pas du milieu qui l’environne, mais seulement la vivacité de