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de même que le changement de couleur des lamelles est produit par celui de leur épaisseur.

Enfin ce phénomene si singulier du mêlange des liqueurs d’où résultent différentes couleurs, ne sauroit venir d’une autre cause que des différentes actions des corpuscules salins d’une liqueur, sur les corpuscules qui constituent la couleur d’une autre liqueur : si ces corpuscules s’unissent, leurs masses en seront ou retrécies ou allongées, & leur densité par conséquent en sera altérée ; s’ils fermentent, la grandeur des particules sera diminuée, & par conséquent les liqueurs colorées deviendront transparentes ; si elles se coagulent, une liqueur opaque sera le résultat de deux couleurs transparentes.

On voit encore aisément par les mêmes principes, pourquoi une liqueur colorée étant versée dans un verre conique placé entre l’œil & la lumiere, paroît de différentes couleurs dans les différens endroits du verre où l’on la regarde : car suivant que la section du verre sera plus éloignée du bas ou de la pointe, il y aura plus de rayons interceptés ; & dans le haut du verre, c’est-à-dire à la base du cone, tous les rayons seront interceptés, & on n’en appercevra aucun que par la réflexion.

M. Newton prétend qu’on peut déduire l’épaisseur des parties composantes des corps naturels de la couleur de ces corps ; car les particules des corps doivent donner les mêmes couleurs que les lamelles de même épaisseur, pourvû que la densité soit aussi la même. Toute cette théorie est conjecturale.

Quant aux propriétés particulieres de chaque couleur, voyez Noir, Blanc, Bleu, &c. voyez aussi Arc-en-ciel.

Couleurs qui résultent du mêlange de différentes liqueurs, ou de l’arrangement de différens corps. Lorsqu’on fait infuser pendant un court espace de tems des roses rouges avec de l’eau-de-vie, & qu’on verse sur cette infusion encore blanche quelqu’esprit acide de sel, comme l’esprit de vitriol, de soufre, de sel marin, de nitre, ou de l’eau-forte, mais en si petite quantité qu’on ne puisse même y remarquer l’acide, l’infusion blanche deviendra d’abord d’un beau rouge-couleur-de-rose. Si on verse sur cette teinture rouge quelque sel alkali dissous, comme de la lessive de potasse, ou de l’esprit de sel ammoniac, elle se changera en un beau verd : mais si on verse sur l’infusion de roses du vitriol dissous dans de l’eau, il en naîtra d’abord une teinture noire comme de l’encre. Mussch. ess. de Phys.

Si on fait infuser pendant peu de tems des noix de gale dans l’eau, ensorte que cette infusion demeure blanche, & qu’on y verse du vitriol commun, ou qui ait été calciné au feu jusqu’à ce qu’il soit devenu blanc, ou qu’on l’ait réduit en colcothar rouge ; on aura d’abord une teinture noire. Si on verse sur cette teinture quelques gouttes d’huile de vitriol ou d’eau-forte, toute la couleur noire disparoîtra, & la teinture reprendra son premier éclat. Mais si on verse sur cette liqueur quelques gouttes de lessive de potasse, tout ce mêlange deviendra d’abord fort noir ; & pour lui faire perdre cette noirceur, il suffira de verser dessus un peu d’esprit acide.

Si on met sur du papier d’un bleu obscur un morceau de papier blanc, qui ait été auparavant légerement frotté d’eau-forte, le bleu deviendra roux, & ensuite pâle. La même chose arrive aussi lorsqu’on a écrit sur du papier bleu avec le phosphore urineux. Si on éclaircit du syrop violat commun avec de l’eau, & qu’on le verse dans deux différens verres, le syrop avec lequel on mêlera une liqueur acide deviendra rouge, & celui auquel on ajoûtera une liqueur alkaline ou du sel, deviendra verd : si on mêle ensuite ensemble ces deux syrops ainsi changés, on aura un syrop bleu, supposé qu’on ait employé

autant d’acide que d’alkali : mais si l’alkali domine, tout ce mélange sera verd ; & si l’acide s’y trouve en plus grande quantité, le mêlange deviendra rouge. Lorsqu’on verse un peu de lessive de sel de tartre sur du mercure sublimé dissous dans de l’eau, ce mêlange devient rouge, épais, & opaque ; mais si on verse sur ce mêlange un peu d’esprit urineux ou de sel ammoniac, il redevient blanc.

Si on dissout aussi un peu de vitriol bleu dans une grande quantité d’eau, ensorte que le tout reste blanc & transparent, & qu’on verse ensuite dans cette liqueur un peu d’esprit de sel ammoniac, on verra paroître, après que ce mêlange aura été fait, une belle couleur bleue ; mais si on y verse un peu d’eau-forte, la couleur bleue disparoîtra sur le champ, & l’eau deviendra claire & blanche : enfin si l’on y joint encore de nouvel esprit de sel ammoniac, la couleur bleue reparoîtra de nouveau. Lorsqu’on verse une infusion de thé-bou sur de l’or dissous dans de l’esprit-de-vin éthéré, il s’y forme une chaux de couleur pourprée qui se précipite au fond. Lorsqu’on dissout de l’étain dans de l’eau régale, & qu’après avoir éclairci cette solution avec de l’eau on y verse quelques gouttes d’or fondu dans de l’eau régale, on voit paroître une belle couleur de pourpre fort agréable à la vûe. Ceux qui veulent voir un plus grand nombre d’expériences sur le changement des couleurs, doivent consulter la chimie de Boerhaave : on peut aussi en trouver d’autres dans l’ouvrage des philosophes de Florence : enfin on ne fera pas mal de consulter encore sur cette matiere les trans. philosoph. n°. 238. §. vj. Mussch. ibid.

L’infusion de noix de gale versée sur la solution de vitriol, produit un mêlange dont les parties absorbent toute la lumiere qu’elles reçoivent, sans en réfléchir que sort peu ou point du tout ; d’où il arrive que cette teinture paroît noire ; mais nous ignorons quel est l’arrangement de ces parties : lorsqu’on verse sur cette teinture quelques gouttes d’eau-forte, elle redevient aussi claire que l’eau, & la couleur noire disparoît ; parce que l’eau-forte attire d’abord à elle avec beaucoup de violence le vitriol qui se sépare des noix de gale, lesquelles nagent alors dans leur eau comme elles faisoient auparavant, en lui laissant toute sa clarté & sa transparence. Dès qu’on verse ensuite sur ce mêlange quelques gouttes de lessive de potasse, qui étant un sel alkali agit fortement sur l’acide, elles attirent sur le champ les parties acides de l’eau-forte, qui de son côté se sépare du vitriol qu’elle avoit attiré ; de sorte que le vitriol trouve encore par-là le moyen de se réunir avec les parties des noix de gale, & de produire la même couleur noire qu’auparavant.

Les parties de la surface d’un papier d’un bleu-violet, ont une épaisseur & une grandeur déterminées ; mais aussi-tôt que l’eau-forte les rend plus minces, ou qu’elles se séparent un peu des autres parties, il faut qu’elles écartent des rayons de lumiere qui ont une couleur différente de celle des premiers, ce qui fait que la couleur bleue se change en une couleur roussâtre ; & comme les particules du papier deviennent chaque jour plus minces, & qu’elles sont comme rongées par l’humidité de l’air qui se joint aux parties de l’eau-forte, il faut qu’elles rompent continuellement d’autres rayons colorés, & par consequent qu’elles fassent paroître le papier d’une autre couleur. Voyez Mussch. ess. de Phys. pag. 556. & suivantes, d’où ceci est extrait.

Couleurs accidentelles, sont des couleurs qui ne paroissent jamais que lorsque l’organe est force, ou qu’il a été trop fortement ébranlé. C’est ainsi que M. de Buffon, dans un mémoire fort curieux imprimé parmi ceux de l’académie des Sciences de 1743, a nommé ces sortes de couleurs, pour les distinguer des