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pour lui aider à soûtenir les dépenses de la guerre & les autres charges de l’état.

Dans les commencemens de la monarchie, nos rois prenoient leur dépense sur leur domaine, & sur les dons qui leur étoient offerts volontairement le premier jour de chaque année, usage qui subsistoit encore sous les rois de la seconde race.

Il se faisoit aussi quelquefois des levées extraordinaires lorsque les besoins de l’état le demandoient, comme en tems de guerre pour entretenir l’armée, réparer les forteresses, &c. Ces sortes d’aides ou subsides s’accordoient, soit par les états généraux du royaume, soit par les états particuliers des provinces, & même des villes, & ne duroient qu’un tems limité. Charles VII. est le premier qui, comme le remarque Comines, ait imposé les aides & subsides de sa seule autorité.

Il y avoit aussi des aides que l’on appelloit légitimes, c’est-à-dire qui étoient dûes par les principes du droit féodal, & autorisées par une loi suivant laquelle les vassaux devoient une aide à leur seigneur dans trois cas, lorsqu’il faisoit son fils aîné chevalier, lorsqu’il marioit sa fille aînée, & lorsqu’il étoit obligé de payer une rançon. Ces sortes d’aides étoient communes au roi & aux autres seigneurs féodaux.

Toutes ces différentes impositions furent nommées aides, subsides, tailles, gabelles. Ce dernier nom ne se donnoit pas seulement aux impositions qui se levoient sur le sel, mais aussi sur toutes les autres denrées & marchandises. Il y avoit la gabelle du vin, la gabelle des draps, &c.

Il paroît qu’à chaque fois que l’on établissoit ces aides ou subsides, il y avoit des commissaires nommés, tant pour en faire l’imposition & répartition, que pour juger des débats & contestations que la levée de ces droits occasionnoit.

S. Louis, par un réglement sur la maniere d’asseoir & de regler les tailles, établit à cet effet des élûs, qui étoient choisis entre les notables bourgeois.

Philippe de Valois ayant aboli les impositions faites au pays de Carcassonne sur les draps, & ayant accepté en la place une offre de 150000 liv. adressa ses lettres du 11 Mars 1331, à quatre commissaires, auxquels il donne pouvoir de distribuer & départir cette somme en cinq années, contraindre les rebelles ou contredisans, toutes dilations & appellations rejettées, & commande à tous justiciers de leur obéir.

Ce même prince ayant établi la gabelle sur le sel par tout le royaume, commit par ses lettres du 30 Mars 1342, trois maîtres des requêtes & quatre autres personnes, & les établit maîtres souverains, commissaires, conducteurs, & exécuteurs des greniers & gabelles, leur donnant pouvoir d’établir tels commissaires, grenetiers, gabelliers, clercs, & autres officiers, de les destituer à leur volonté, & de pourvoir de tel remede que bon leur semblera sur tous doutes, empêchemens, excès, & défaut. Il attribue à eux seuls la connoissance, correction & punition du tout quant aux choses touchant le fait dudit sel. Il ordonne qu’il y aura toûjours à Paris deux de ces commissaires souverains, qu’ils ne seront responsables qu’à lui, & qu’on ne pourra se pourvoir par voie d’appel ou autrement que devant eux. Dans quelques autres ordonnances ils sont appellés généraux députés sur le fait du sel. Philippe de Valois déclara par ses lettres du 15 Février 1345, que son intention n’étoit point que la gabelle du sel & autres impositions fussent unies à son domaine, & durassent à perpétuité.

Le roi Jean ayant obtenu, pour un an, des états généraux, tant de la Languedoil que de la Languedoc, assemblés à Paris le 16 Février 1350, une imposition de six deniers pour livre sur toutes les marchandises & denrées vendues ; & les assemblées particulieres des provinces & des villes ayant accordé la conti-

nuation de ce subside pendant les années suivantes,

ce prince, par ses lettres du 5 Juillet 1354, nomma l’évêque de Laon, le sire de Montmorency, & Matthieu de Trye sire de Fontenay, pour assembler les prélats, nobles, & habitans du baillage de Senlis, afin de leur demander la continuation de ce subside, & leur donna pouvoir de punir ceux qui s’étoient entremis des impositions du tems passé, enjoignant à tous ses officiers & sujets de leur obéir & à leurs députés en toutes choses.

Par d’autres lettres du mois de Juillet 1355, le roi avoit nommé pour régir une aide imposée dans l’Anjou, les évêques d’Angers & du Mans, le seigneur de Craon, Pierre & Guillaume de Craon, & Brient seigneur de Montejehan, chevaliers, avec un bourgeois d’Angers & un du Mans. Ils devoient entendre les comptes des receveurs, sans que le roi, le comte d’Anjou, la chambre des comptes de Paris ou autres, pûssent s’en mêler.

Il n’est pas inutile d’observer que la Languedoil comprenoit toute la partie septentrionale de la France, qui s’étendoit jusqu’à la Dordogne, & dont l’Auvergne & le Lyonnois faisoient aussi partie. La Languedoc ne comprenoit que le Languedoc, le Quercy, & le Roüergue. Le roi d’Angleterre étoit pour lors maître de la Guienne & de quelques pays circonvoisins. L’assemblée du 16 Février 1350 est la derniere où le roi Jean ait convoqué les états de la Languedoil & de la Languedoc conjointement : ce prince les assembla depuis séparément.

En l’année 1355, ce même prince pour soûtenir la guerre qui recommençoit avec les Anglois, ayant fait assembler à Paris les états du royaume de la Languedoil ou pays coûtumier, & en ayant obtenu une gabelle sur le sel, & une imposition de huit deniers pour livre sur toutes les choses qui seroient vendues, à l’exception des ventes d’héritages seulement, donna un édit daté du 28 Décembre 1355, par lequel il ordonna que ces aides seroient cueillies par certains receveurs, qui seroient établis par les députés des trois états en chacun pays, & qu’outre les commissaires ou députés particuliers des pays, il seroit établi par les trois états neuf personnes bonnes & honnêtes, c’est à savoir de chacun état trois, qui seront généraux & superintendans sur tous les autres. Il est dit que toutes personnes de quelqu’état & condition qu’ils soient, & de quelque privilége qu’ils usent, seront tenus d’obéir à ces députés tant généraux que particuliers ; & que s’il y avoit quelques rebelles que les députés particuliers ne pûssent contraindre, ils les ajourneront pardevant les généraux superintendans, qui les pourront contraindre & punir ; & vaudra ce qui sera fait & ordonné par lesdits généraux députés comme arrêt de parlement, sans que l’on en puisse appeller, ou que sous ombre de quelconque appel, l’exécution de leurs sentences ou ordonnances soit retardée en aucune maniere.

Ces aides n’étoient accordées que pour un an, le roi même & la reine n’en étoient pas exempts. Les députés des trois états avoient seuls la distribution des deniers qui en provenoient, & qui ne pouvoient être employés à autre chose qu’au fait de la guerre.

Les géneraux superintendans devoient, suivant la même ordonnance, prêter serment entre les mains du roi ou de ceux qu’il commettroit, de bien & loyalement exercer leur office ; & les députés particuliers & autres officiers qui se mêloient des aides, devoient faire le même serment aux trois états ou aux superintendans, ou à ceux qui seroient par eux commis.

C’est cette ordonnance que l’on doit regarder comme l’époque la plus véritable de l’institution de la cour des aides ; d’où l’on voit que cette cour tire son origine, & est une émanation de l’assemblée des états généraux du royaume. Car quoique cette aide n’eût été accordée que pour un an, il est certain qu’il y