Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette extrémité elle commença, pour tâeher d’y disposer Poetus, d’employer ses conseils & ses exhortations les plus pressantes : alors le voyant ébranlé, elle prit dans sa main le poignard qu’il portoit : Sic Poete, fais ainsi mon cher Poetus ; & à l’instant s’étant donné un coup mortel de ce même poignard, elle l’arracha de la plaie, le lui présenta tranquillement, & lui dit en expirant ces trois mots : Poete non dolet ; tiens, Poetus, il ne m’a point fait de mal. Præclarum illud, s’écrie Pline, ferrum stringere, perfodere pectus, extrahere pugionem, porrigere marito, addere vocem immortalem ac pœne divinam, Poete non dolet. Pline, ép. xvj. liv. III. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

COURALIN, s. m. terme de Pêche usité dans l’amirauté de Bordeaux : c’est une sorte de petite chaloupe dont se servent les Pêcheurs.

COURANT, s. m. en terme d’Hydrographie, est le nom qu’on donne en général à une certaine quantité d’eau qui se meut suivant une direction quelconque. Voyez Fleuve.

Les courans, par rapport à la navigation, peuvent être définis un mouvement progressif que l’eau de la mer a en différens endroits, soit dans toute sa profondeur, soit à une certaine profondeur seulement, & qui peut accélérer ou retarder la vîtesse du vaisseau, selon que sa direction est la même que celle du vaisseau, ou lui est contraire. Voyez Navigation.

Les courans en mer sont ou naturels & généraux, en tant qu’ils viennent de quelque cause constante & uniforme ; ou accidentels & particuliers, en tant qu’ils sont causés par les eaux qui sont chassées vis-à-vis les promontoires, ou poussées dans les golfes & les détroits, dans lesquelles n’ayant pas assez de place pour se répandre, elles sont obligées de reculer, & troublent par ce moyen le flux & reflux de la mer. Voyez Mer, Flux & Reflux.

Il y a grande apparence qu’il en est des courans comme des vents, qui parmi une infinité de causes accidentelles, ne laissent pas d’en avoir de réglées. L’auteur des réflexions sur la cause générale des vents, imprimées à Paris en 1746, paroît porté à croire que les courans considérables qu’on observe en pleine mer, peuvent être attribués à l’action du soleil & de la lune : il prétend que si la terre étoit entierement inondée par l’océan, l’action du soleil & de la lune qui produit les vents d’est réglés de la zone torride, donneroit aux eaux de la mer sous l’équateur une direction constante d’orient en occident, ou d’occident en orient, selon que les eaux seroient plus ou moins profondes ; & il ajoûte qu’on pourroit expliquer par le plus ou moins de hauteur des eaux, & par la disposition des côtes, les différens courans réglés & constans que les navigateurs observent, & que les oscillations horisontales de la pleine mer dans le flux & reflux, pourroient être l’effet de plusieurs courans contraires. Voyez sur cela l’histoire naturelle de MM. de Buffon & Daubenton, tome I. art. des courans. C’est sur-tout aux inégalités du fond de la mer que M. de Buffon attribue les courans. Quelques-uns, selon lui, sont produits par les vents ; les autres ont pour cause le flux & le reflux modifié par les inégalités dont il s’agit. Les courans varient à l’infini dans leurs vîtesses & dans leurs directions, dans leur force, leur largeur, leur étendue. Les courans produits par les vents, changent de direction avec les vents, sans changer d’ailleurs d’étendue ni de vîtesse. C’est sur-tout à l’action des courans que M. de Buffon attribue la cause des angles correspondans des montagnes. Voy. Angles correspondans des Montagnes.

Les principaux courans, les plus larges & les plus rapides, sont 1°. un près de la Guinée, depuis

le cap-Verd jusqu’à la baie de Fernandopo, d’occident en orient, faisant faire aux vaisseaux cent cinquante lieues en deux jours. 2°. Auprès de Sumatra, du midi vers le nord. 3°. Entre l’île de Java & la terre de Magellan. 4°. Entre le cap de Bonne-Espérance & l’île de Madagascar. 5°. Entre la terre de Natal & le même cap. 6°. Sur la côte du Pérou dans la mer du Sud, du midi au nord, &c. 7°. Dans la mer voisine des Maldives, pendant six mois d’orient en occident, & pendant six autres mois en sens contraire. Hist. nat. tome I. p. 454.

Les courans sont si violens sous l’équateur, qu’ils portent les vaisseaux très-promptement d’Afrique en Amérique : mais aussi ils les empêchent absolument de revenir par le même chemin ; de sorte que les vaisseaux, pour retourner en Europe, sont forcés d’aller chercher le cinquantieme degré de latitude.

Dans le détroit de Gibraltar, les courans poussent presque toûjours les vaisseaux à l’est, & les jettent dans la Méditerranée : on trouve aussi qu’ils se meuvent suivant la même direction dans d’autres endroits. La grande violence de la mer dans le détroit de Magellan, qui rend ce détroit fort périlleux, est attribuée à deux courans directement contraires, qui viennent l’un de la mer du Nord, & l’autre de celle du Sud. (O)

L’observation & la connoissance des courans est un des points principaux de l’art de naviger : leur direction & leur force doit être soigneusement remarquée. Pour la déterminer, les uns examinent, quand ils sont à la vûe du rivage, les mouvemens de l’eau, & la violence avec laquelle l’écume est chassée : mais suivant Chambers, la méthode la plus simple & la plus ordinaire est celle-ci. D’abord on arrête le navire de son mieux par différens moyens ; on laisse aller & venir le vaisseau comme s’il étoit à l’ancre : cela fait, on jette le lock ; & à mesure que la ligne du lock file, on examine sa vîtesse & sa direction. Voyez Lock. Par ce moyen on connoit s’il y a des courans ou s’il n’y en a point ; & quand il y en a, on détermine leur direction & leur degré de force. Il faut cependant observer qu’on ajoûte quelque chose à la vîtesse du lock pour avoir celle du vaisseau ; car quoique le vaisseau paroisse en repos, cependant il est réellement en mouvement. Voici comment se détermine ce qu’on doit ajoûter. Si la ligne du lock file jusqu’à soixante brasses, on ajoûte le tiers de sa vîtesse ; si elle file à quatre-vingts, le quart ; & le cinquieme, si elle file à cent brasses. Si le vaisseau fait voile suivant la direction même du courant, il est évident que la vîtesse du courant doit être ajoûtée à celle du vaisseau ; s’il fait voile dans une direction contraire, la vîtesse du courant doit être soustraite de la vîtesse du vaisseau ; si la direction du vaisseau traverse celle du courant, le mouvement du vaisseau sera composé de son mouvement primitif & de celui du courant, & sa vîtesse sera augmentée ou retardée, selon l’angle que fera sa direction primitive avec celle du courant ; c’est-à-dire que le vaisseau décrira la diagonale formée sur ces deux directions, dans le même tems qu’il auroit décrit l’un des deux côtés, les forces agissant séparément. Voyez Composition de Mouvement. Chambers.

Ce qui rend la détermination des courans si difficile, c’est la difficulté de trouver un point fixe en pleine mer. En effet le vaisseau ne le sauroit être, car il est mû par le courant même, de sorte que la vîtesse du vaisseau se combine avec celle du courant, & est cause qu’on ne sauroit exactement démêler celle-ci. L’académie royale des Sciences a proposé ce sujet pour le prix de l’année 1751 ; mais en rendant justice au mérite des pieces qui lui ont été envoyées, elle reconnoît que les méthodes proposées par les auteurs laissent encore beaucoup à desirer. Ces pieces