Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son existence. Du-reste il agit de son propre fond. Il est créateur de ses actions. Il peut les diriger comme il veut. De cette liberté suit naturellement un autre avantage non moins important. Aucun système ne nous offre une apologie plus parfaite de Dieu touchant le mal moral. L’homme fait tout. Il est l’auteur de tout le mal & de tout le bien qui se trouve dans ses actions. Il en est seul responsable. Tout doit lui être imputé. Dieu ne lui a donné que l’existence & les facultés qu’il doit avoir nécessairement, c’est à lui à s’en servir suivant les lois prescrites : s’il les observe, il en a le mérite ; s’il ne les observe pas, il en est seul coupable.

Mais il ne faut pas dissimuler les difficultés qui se trouvent dans ce système. Il est vrai que d’un côté on éleve la puissance créatrice de Dieu : mais aussi de l’autre côté on anéantit presqu’entierement sa providence. Les créatures se soutenant d’elles-mêmes, Dieu n’influe plus sur elles qu’indirectement. Tout ce qu’il a à faire, c’est de ne pas les détruire. Pour le reste il est dans un parfait repos, excepté quand il trouve nécessaire de se faire sentir aux hommes par un miracle extraordinaire. Et enfin, pour bien établir ce sentiment, il faudroit démontrer avant toutes choses, que ce n’eût pas été une contradiction que d’être fini & d’être indépendant dans la continuation de son existence. Tout ce que nous pouvons dire sur cette matiere bien épineuse, se réduit à ceci : pour que les créatures continuent à exister, il faut que Dieu veuille leur existence. Cette volonté n’étant pas une simple velléité, mais un acte & une volonté efficace, il est sûr que Dieu influe sur la continuation de leur existence très-efficacement, & avec une opération directe. Article de M. Formey.

C’est ainsi que dans les questions métaphysiques fort élevées, on se retrouve après bien des détours au même point d’où l’on étoit parti, & où on auroit dû rester.

* Conservation, sub. f. (Morale.) La loi de conservation est une des lois principales de la nature : elle est par rapport aux autres lois, ce que l’existence est par rapport aux autres qualités ; l’existence cessant, toutes les autres qualités cessent ; la loi de conservation étant enfreinte, le fondement des autres lois est ébranlé. Se détruire, de quelque maniere que ce soit, c’est se rendre coupable de suicide. Il faut exister le plus long-tems qu’il est possible pour soi, pour ses amis, pour ses parens, pour la société, pour le genre humain ; toutes les relations qui sont honnêtes & qui sont douces nous y convient. Celui qui peche contre la loi de conservation les foule aux piés ; c’est comme s’il disoit à ceux qui l’environnent : Je ne veux plus être votre pere, votre frere, votre époux, votre ami, votre fils, votre concitoyen, votre semblable. Nous avons contracté librement quelques-uns de ces rapports, il ne dépend plus de nous de les dissoudre sans injustice. C’est un pacte où nous n’avons été ni forcés ni surpris ; nous ne pouvons le rompre de notre propre autorité ; nous avons besoin du consentement de ceux avec qui nous avons contracté. Les conditions de ce traité nous sont devenues onéreuses ; mais rien ne nous empêchoit de le prévoir ; elles pouvoient le devenir aux autres & à la société ; dans ce cas on ne nous eût point abandonné. Demeurons donc. Il n’y a moralement personne sur la surface de la terre d’assez inutile & d’assez isolé, pour partir sans prendre congé que de soi-même : l’injustice d’un pareil procédé sera plus ou moins grande ; mais il y aura toûjours de l’injustice. Fais ensorte que toutes tes actions tendent à la conservation de toi-même, & à la conservation des autres ; c’est le cri de la nature : mais sois par-dessus tout honnête homme. Il n’y a pas à choisir entre l’existence & la vertu.

Conservation des Arts, Maîtrise, et Jurande, (Jurisprud.) est une jurisdiction de police pour les arts & métiers : il y en a dans plusieurs villes qui sont établies sous ce titre de conservation ; par exemple, à Nantes, le tribunal de la police & voirie qui se tient à l’hôtel-de-ville, a aussi le titre de conservation des arts, maîtrises & jurandes. Il est composé du lieutenant général de police, du président présidial-sénéchal-maire, des six échevins, du procureur du Roi syndic, d’un autre procureur du Roi, un greffier, cinq commissaires de police, & deux huissiers. A Lyon le consulat a aussi une direction & une jurisdiction contentieuse sur tous les arts & métiers de la ville, dans chacun desquels il choisit tous les ans deux maîtres & gardes pour veiller aux contraventions qui se font aux statuts & reglemens, & en faire leur rapport à celui de MM. les échevins qui est particulierement préposé pour le fait des contraventions, sur lesquelles il donne ses décisions, & regle les parties à l’amiable ; sinon il les renvoye au consulat, dont les ordonnances s’exécutent en dernier ressort jusqu’à la somme de 150 l. & au-dessous. L’appel va au parlement. Mais l’on n’a pas donné à cette jurisdiction le titre de conservation, sans doute à cause que ce nom est donné au tribunal qui connoît des matieres de commerce ; on l’appelle simplement la jurisdiction des arts & métiers. A Paris, c’est le procureur du Roi du châtelet qui connoît de tout ce qui concerne le corps des marchands, arts & métiers, maîtrises, réceptions de maîtres, & jurandes. Il donne ses jugemens qu’il qualifie d’avis ; il faut ensuite faire confirmer ces avis par le lieutenant général de police, qui les confirme ou infirme. Lorsqu’il y a appel d’un avis, on le releve au parlement. (A)

Conservation de Lyon, qu’on appelle aussi souvent la conservation simplement, est une jurisdiction établie en la ville de Lyon pour la conservation des priviléges des foires de Lyon, & généralement pour le fait du commerce qui se fait en cette ville, & pour décider des contestations entre les marchands & négocians qui ont contracté sous le scel des foires de Lyon, ou dont l’un s’est obligé en payement, c’est-à-dire de payer à l’un des quatre termes ou échéances des foires de Lyon.

Cette jurisdiction est la premiere des jurisdictions de commerce établies dans le royaume, par rapport à l’étendue de sa compétence & de ses priviléges.

Elle a succédé à la jurisdiction du juge-conservateur des foires de Brie & de Champagne, lesquelles, comme l’on sait, furent rétablies dans leur ancien état par Philippe de Valois le 6 Août 1349, pour le bien & le profit commun de toutes les provinces, tant du royaume qu’étrangeres. On leur donna pour juges & conservateurs de leurs priviléges deux gardes & un chancelier, qui prêtoient serment en la chambre des comptes. Tous les princes Chrétiens & mécréans, ce sont les termes des lettres, en considération des priviléges & franchises que le roi donnoit dans ces foires à leurs sujets, & de la liberté qu’ils avoient de négocier en toute sûreté dans le royaume, & de venir franchement à ces foires, donnerent leur consentement à leur création & établissement, & aux ordonnances & statuts d’icelles, & à ce que leurs sujets fussent soûmis à la jurisdiction de ces foires, & que même étant de retour en leur pays, ils fussent obligés de comparoir & plaider devant le juge conservateur des priviléges de ces foires, toutes fois & quantes ils y seroient appellés ; ce qui est encore si ponctuellement observé sous l’autorité de la conservation de Lyon qui a succédé au conservateur des foires de Brie & de Champagne, que les sentences & commissions de cette jurisdiction sont exécutées sans aucune difficulté dans tous les pays